CD / Pop anglophone : Guide d'achat 2009

CD / Pop anglophone : Guide d’achat 2009

Timber Timbre
Timber Timbre
(Arts & Crafts)

Timber Timbre (à ne pas confondre avec la formation folk montréalaise Timbre!) lance son troisième album et joint les rangs d’Arts & Crafts, ce qui devrait l’aider à trouver rapidement une place dans les coeurs et les iPod des amateurs de folk sophistiqué dans la lignée des élégants Bill Callahan, Tindersticks, Mark Lanegan et compagnie. "Rockabilly blues gothique"; c’est ainsi que le Torontois Taylor Kirk décrit sa musique qui, avec le temps, se départ de la facture lo-fi des débuts au profit d’un son tout aussi sincère mais peaufiné. Chansons hantées – presque hululées – un peu terreuses, voix plus haut perchée que les habituels timbres blues et un petit supplément d’âme. Enveloppant. (M.H. Poitras)

Great Lake Swimmers
Lost Channels
(Nettwerk Records)


Les Great Lake Swimmers donnent une suite épique à Ongiara avec leur quatrième album, Lost Channels. Soulignons que le chanteur Tony Dekker a le flair pour choisir des endroits de prédilection aux conditions acoustiques inespérées. Ce disque a été enregistré en plein coeur des Mille-Îles où la troupe a trouvé un décor enchanteur et un manoir de rêve. La voix cristalline de Dekker a profité d’une réverbération naturelle qui donne à ce répertoire introspectif un cachet unique. Toujours enraciné dans le folk, avec entre autres Pulling on a Line, le groupe assume maintenant une facture ambiante, bien représentée par Concrete Heart et Stealing Tomorrow. Un voyage nostalgique proche de la béatitude. (A. Léveillée)

Lhasa
Lhasa
(Audiogram)


Un nouveau chapitre s’ouvre pour Lhasa. La voix (magnifiquement envoûtante) est placée ailleurs, le souffle n’est plus tout à fait le même, elle chante exclusivement en anglais et l’alignement de musiciens a changé. Quelle belle idée d’avoir invité une harpiste et Patrick Watson (dont la sensibilité épouse merveilleusement celle de Lhasa) à mettre leur touche sur quelques titres. Caressant, poignant et intimiste, ce disque enregistré à l’Hotel2Tango enveloppe autant que le Miracle of Five d’Eleni Mandell. Pour ceux qui s’intéressent au folk sombre et qui n’avaient pas été conquis par le côté bohémien des débuts de Lhasa, cette fois est la bonne. On en émerge avec l’impression de tenir un disque précieux et l’envie d’y replonger aussitôt. (M.H. Poitras)

Elvis Perkins
In Dearland
(XL Recordings)


Après s’être vidé le coeur sur Ash Wednesday, un album abordant le décès de ses parents (sa mère est morte dans les attentats du 11 septembre, son père, le comédien Anthony Perkins, est décédé en 1992 d’une pneumonie après avoir contracté le sida), Elvis Perkins propose un autre recueil de chansons tristes, toujours livrées avec cette candeur qui vaut des comparaisons avec les plus grands noms de la folk. Entouré de quelques musiciens, il épouse ici un registre plus americana, chargé d’arrangements d’orgue, d’harmonica, de banjo et de cuivres. On aime sa personnalité, jamais écrasante ou diluée, la fragilité de ses ballades, le côté apaisant de ses mélodies et cette énergie du troubadour qui apporte un rayon de soleil dans les compositions plus rythmées. (O. Robillard Laveaux)

Woody Guthrie
My Dusty Road
(Rounder)


Spécialisé dans la musique bluegrasse et old-time country, l’étiquette américaine Rounder rend enfin justice au monument Woody Guthrie, le plus important chanteur folk de la première moitié du 20e siècle et le père spirituel de Bob Dylan. Maintes fois compilés sur CD, les enregistrements de Guthrie datant des années 40 ont toujours été victimes d’une qualité sonore exécrable. Or, Rounder a récemment découvert les enregistrements originaux de Guthrie, les fameux masters perdus depuis des années. Résultat, 54 chansons, dont six inédites, ont trouvé leur voie sur ce coffret de quatre disques thématiques incluant un livret de 68 pages. La trouvaille est titanesque, et le produit qui en découle l’est tout autant. (O. R. Laveaux)

Patrick Watson
Wooden Arms
(Secret City)


Touchés par la grâce: c’est dans cet état que Patrick Watson et sa bande semblent avoir enregistré le magnifique Wooden Arms. Watson est plus inspiré que jamais. Robbie Kuster rivalise d’inventivité aux percussions. Mention spéciale pour les arrangements méticuleux. Dans Big Bird in a Cage, par exemple, la voix de Katie Moore papillonne autour de celle de Pat Watson pendant qu’à l’alignement de musiciens habituel s’ajoutent Louis-Jean Cormier au banjo et un choeur de voix cuivrées, dont celle de Jace Lasek: impossible de résister. Même Lhasa, dont la sensibilité épouse si bien celle de Watson, est conviée pour une valse. Un groupe en totale maîtrise de son art signe un album délicat qui élève: essentiel. (M.H. Poitras)

Grizzly Bear
Veckatimest
(Warp)


Grizzly Bear nous invite à nous arrêter et même à réécouter plusieurs fois ce nouvel album très nuancé, qui mérite effectivement toute notre attention. Sans quoi on pourrait passer à côté de sa grande richesse: un incroyable sens du détail et des structures de chansons complexes. Nico Muhly (compositeur ayant travaillé avec Björk, Bonnie Prince Billy, Philip Glass et Antony, entre autres) signe une bonne partie des arrangements. Victoria Legrand (Beach House) pose sa voix sur Two Weeks et l’Acme String Quartet ajoute une touche de merveilleux à l’affaire. Grizzly Bear prouve que de l’indie rock ambitieux qui ne verse ni dans la surenchère expérimentale ni dans la complaisance, c’est possible. (M.H. Poitras)

La Roux
La Roux
(Polydor/Universal)


Oui, une autre artiste "hypée" qui s’abreuve aux années 80. Mais déposez la brique et le fanal. Derrière cette mèche intrigante, ce visuel soigné et un look androgyne, se cache une machine à hits de pop synthétique et de disco décalée. Avec son comparse Ben Langmaid, Elly Jackson fabrique des airs à la fois minimalistes et chaleureux; la première moitié de l’album est une décharge pop très convaincante qui justifie l’ascension rapide du duo britannique. Le timbre de voix mat et une certaine maturité dans l’interprétation (elle a roulé sa bosse avant de briller de tous ses feux) font de La Roux une artiste à placer quelque part entre Eurythmics et The Knife, plutôt qu’aux côtés d’une Kylie Minogue. (M.H. Poitras)

Think About Life
Family
(Alien8 Recordings)


Dès l’écoute de la première toune (Johanna), on espère que la suite sera aussi jouissive… Et c’est effectivement le cas! Le trio montréalais a trouvé une façon de canaliser son énergie débridée. À une base disco-rock évoquant LCD Soundsystem, TAL a ajouté des éléments de soul-funk. Une vibration festive irrésistible traverse tout cet album éclatant et bien tassé. On ne lésine pas sur des programmations qui contribuent à marquer le rythme et sur des sonorités qui rappellent la palette euphorisante de Four Tet ou la fébrilité de The Go! Team… Attendez-vous à voir Sweet Sixteen sur toutes les playlists de 2009. (M.H. Poitras)

The Heavy
The House That Dirt Built
(Counter/Outside)


The House That Dirt Built nous ramène The Heavy avec son superbe mélange de rhythm and blues sauvage, de soul-punk et de blues sale. La formation britannique a affiné son style depuis le déjà surprenant Great Vengeance and Furious Fire de 2007. Le son est plus costaud et direct, les échantillonnages, mieux intégrés et la voix du charismatique Kelvin Swaby, soul à souhait. Toujours endossé par Counter Records, sous-label de Ninja Tune, The Heavy signe ici le parfait manifeste R&B contemporain, c’est-à-dire celui nourri aux racines du genre (avec de nombreux clins d’oeil à l’appui), mais aussi au reggae, au garage rock, à Motown, au funk et au hip-hop. Pas une réplique parfaite du son vintage à la Amy Duffy, non, plutôt un truc bien sexy et malsain qui donne chaud et soif! (P. Baillargeon)

Clues
Clues
(Constellation)


Après l’explosion du trio Unicorns, Nick Thorburn et Jamie Thompson se sont vite remis au travail sous la bannière Islands. De son côté, Alden Penner est demeuré plus discret, se produisant à l’occasion en solo lors de soirées acoustiques. Cette fois, Penner est de retour sur les rails du rock avec Clues, meilleur nouveau groupe montréalais de 2009. Les fans des Unicorns y retrouveront cette même nervosité rock kaléidoscopique brute combinée à un sens mélodique inné. Des ballades folk acidulées aux envolées rock épiques, en passant par quelques passages aux atmosphères "Pixies" inquiétantes, Penner, accompagné de Brendan Reed (ex-Arcade Fire), arrive à un rock indé conceptuel et imprévisible sans jamais verser dans la prétention ou la masturbation sonore. Un tour de force. (O.R. Laveaux)

Micachu
Jewellery
(Rough Trade/Beggars/Select)


J’avais repéré l’artiste l’année dernière avec la chanson Just In Case, et je m’étais déplacé un jour plus tôt juste pour avoir la chance de capter Micachu en avant-première des Transmusicales de Rennes. Coup de coeur. Et ce premier disque vient confirmer tout le bien qu’on pensait d’elle. Vingt-deux ans à peine et un talent gros comme ça. Matthew Herbert a vu juste en produisant ce Jewellery. Cette fille a des idées tellement originales, une vision musicale complètement éclatée, expérimentale, mais restant dans les limites des repères de la "pop". On y entend un peu de grime, de dubstep, d’électro, de rock indie lo-fi, de no wave… et tellement plus! Micachu ne ressemble à rien. Elle a son truc, unique, génial. (P. Baillargeon)

Japandroids
Post-Nothing
(Unfamiliar)


Duo originaire de Vancouver, Japandroids a fait couler beaucoup d’encre depuis la parution de son premier album, Post-Nothing. Trente-cinq minutes d’explosions rock, ce premier gravé s’abreuve de tourbillons soniques de guitares shoegaze, de lourds rythmes de batterie et de mélodies pop quoique agressives, considérant le côté criard des voix aiguës de ses chanteurs: le guitariste Brian King et le percussionniste David Prowse. Fondé en 2006, Japandroids ramène tout simplement l’urgence et l’esthétisme punk noisy de North of America à l’avant-plan de la scène indé canadienne. La bonne nouvelle, c’est que le combo le fait drôlement bien, y incluant une dose de rage, de stoner rock, de passages plus atmosphériques et d’insouciance juvénile. Très efficace. (O. Robillard Laveaux)

Hypocrisy
A Taste of Extreme Divinity
(Nuclear Blast)


Que le réalisateur, chanteur, compositeur et multi-instrumentiste Peter Tägtgren trouve le temps d’écrire un onzième album d’Hypocrisy est un petit miracle qu’on accueille comme une bouffée d’air frais dans un univers sursaturé de groupes métalcore et death métal mélodiques. Le proverbial retour du balancier est entamé, et avec son death métal ancré dans la tradition suédoise voulant qu’extrême agressivité n’exclue pas les mélodies entraînantes, A Taste of Extreme Divinity est comme un baume pour les oreilles, qui s’ouvre avec la contagieuse Valley of the Damned. Sur A Taste of Extreme Divinity, on retrouve l’énergie d’Hypocrisy à l’époque de l’incontournable Into the Abyss (2000). (C. Fortier)

Despised Icon
Day of Mourning
(Century Media)


On peut compter sur le sextuor montréalais lorsqu’il est question de livrer une marchandise aussi brutale qu’accrocheuse. Sur son quatrième disque, Despised Icon capte notre attention avec des breakdowns contagieux (écoutez MVP, Diva of Disgust) et des mélodies énergiques, et il revient aux sources en proposant deux textes et demi en français (Les temps changent, Entre le bien et le mal et All for Nothing). Mieux encore, au lieu de suivre la tendance des groupes deathcore, qui sont nombreux à inclure des parties vocales chantées sur leurs albums, Despised Icon persiste et signe un album qui ne montre aucun signe d’essoufflement en termes d’agressivité et de rapidité, le tout enrobé de textes d’une lugubre noirceur. (C. Fortier)