CD / Pop francophone : Guide d’achat 2009
Mara Tremblay
Tu m’intimides
(Audiogram/Select)
La carrière de Mara Tremblay vient de prendre un tournant inattendu. Exit les violons et la voix nasillarde à la limite du yodle qui ont vite inscrit la chanteuse dans un courant country-folk. Sur ce quatrième compact, la musicienne se réinvente, flirtant avec des ambiances feutrées de guitares et de Wurlitzer qui confèrent aux pièces des ambiances atmosphériques juste assez progressives pour évoquer la décennie 70. Mara peut d’ailleurs remercier le guitariste-bassiste-réalisateur Olivier Langevin et le batteur Pierre Fortin (Les Dales Hawerchuk) qui apportent richesse et groove à Tu m’intimides. Cette nouvelle approche musicale appuie des textes toujours axés sur une mécanique du désir déchirante, où la passion et l’amour triomphent face aux pires tempêtes. (O. Robillard Laveaux)
Fred Fortin
Plastrer la lune
(C4/DEP)
Après le très ambiant Planter le décor, Fred Fortin revient à une formule plus simple sur Plastrer la lune. Rappelant l’époque du Plancher des vaches, les ambiances folk/blues lo-fi en sortent gagnantes et créent un effet de proximité idéal pour apprécier les textes, tantôt glauques, parfois anecdotiques, de Fortin. Comme sur son premier album éponyme, Fred "le conteur" refait surface pour nous servir le quotidien de personnages charismatiques (Bobbie, Dollorama, l’excellente Madame Rose). S’ajoute une dimension rock abrasive, descendante des expérimentations de Gros Mené, une dose de bonne humeur et un super hymne country (très Sadies): Le Mur. Re-bienvenue dans l’univers Fortin, un monde inventif et juste assez croche pour être 100 % authentique. (O. Robillard Laveaux)
Bernard Adamus
Brun
(Grosse Boîte/Select)
Bernard Adamus n’est pas le musicien le plus méticuleux de la scène blues québécoise, mais son esprit broche à foin lui confère une âme essentielle à la livraison grivoise, très Plume Latraverse, de son quotidien brun. Sur des riffs que l’on croirait enregistrés dans un garage de l’Alabama en 1944, Bernard chante, rappe et s’époumone avec fougue et sans aucune inhibition. À travers cette spontanéité, se dessinent des mélodies accrocheuses: La Question à 100 piasses, Les Raisons, Le Fou de l’île. Il s’attaque même à La Foule d’Édith Piaf sans maladresse. (O. Robillard Laveaux)
Fred Pellerin
Silence
(Tempête/Dep)
Oubliez les contes, les accents théâtraux ou la musique trad qui colore l’oeuvre de son frère Nicolas. Fred Pellerin livre un album folk magnifique et désarmant de simplicité. Chanteur étonnamment mature et capable d’une interprétation juste, sans exagération, Fred surprend également par le choix de ses chansons. Outre trois compositions originales, on trouve sur Silence des reprises de Reggiani (Le Petit Garçon), de Félix Leclerc (Douleur) et de Gilles Vigneault (Quand vous mourrez de nos amours), mais aussi celles de compositeurs obscurs, dont David Portelance et le tandem Manu Trudel/Renée Houle. À tout coup, les pièces collent à la peau de Pellerin qui s’y investit sans pudeur. Le résultat est apaisant, fort poignant. (O. Robillard Laveaux)
Marie-Pierre Arthur
Marie-Pierre Arthur
(Bonsound/Select)
Choriste et bassiste pour Ariane Moffatt et Stefie Shock, Marie-Pierre Arthur se révèle tel un trésor caché sur ce premier album. Elle doit beaucoup à Gaële (pour les textes) et aux musiciens François Lafontaine et Louis-Jean Cormier (de Karkwa), Olivier Langevin, Guido Del Fabbro et Robbie Kuster (Patrick Watson) qui appuient ses mélodies avec justesse. Rien n’est surjoué, et la magie opère dans les pièces plus rythmées (Déposer les armes, Elle, Droit devant et Pourquoi) retrouvées en début de parcours. Qui sait (de Daniel Lavoie) et une pièce cosignée par Michel Rivard relèvent ensuite une deuxième moitié moins frappante, comme si on avait voulu faire trop atmosphérique alors que la force de M.-P. Arthur réside dans ses refrains simples et efficaces. Mais les coups de foudre sont nombreux, et l’album mérite de tourner abondamment. (O. Robillard Laveaux)
Yann Perreau
Un serpent sous les fleurs
(Bonsound/Select)
Pour son troisième album studio, Yann Perreau s’ouvre encore plus aux collaborations. Plusieurs textes portent la patte de Dédé Traké, Dominique Cornellier, Don Luis et même Michel X. Côté (croisé chez Richard Desjardins) et Sylvain Rivière. Perreau s’offre aussi le luxe d’une très belle chanson en duo avec Camille. Sur cet opus, on passe du rock à la pop, de la guitare électrique d’Olivier Langevin aux tablas (épatante Le Marcheur rapide). Mais c’est peut-être dans le dénuement, la ballade, que le chanteur frappe le plus fort: Invente une langue pour me nommer en est une preuve. Mention spéciale pour la beauté du livret et de la pochette. (Francis Hébert)
Vincent Vallières
Le monde tourne fort
(Spectra/Select)
Malgré l’embauche d’un nouveau réalisateur, Olivier Langevin, ce cinquième album de Vincent Vallières plante le compositeur dans le même univers folk feutré de ses deux précédents opus. Par contre, ce manque de surprise remarqué à la première écoute est rapidement éclipsé par les douces mélodies du chanteur, les arrangements de guitares planantes et l’ambiance généralement sereine du compact. Au fil du temps, Vallières a compris comment atteindre sa cible – notre coeur – grâce à de superbes chansons d’amour aux textes poignants (L’espace qui reste, On va s’aimer encore). Aussi capable de rocker la casbah, le chanteur tricote à partir de son quotidien des albums parfaits pour accompagner le nôtre. (O. Robillard Laveaux)
Lorsqu’on enregistre 43 chansons en 12 mois, il devient facile d’isoler les 12 meilleures et d’accoucher d’un album solide. Voilà le pari qu’a gagné Dumas en 2009. Incluant 11 pièces (sur 13) déjà immortalisées sur les mini-albums Nord, Rouge, Demain et Au bout du monde, Traces est le disque le plus ambitieux du musicien. Remaniées, les nouvelles versions de Passer à l’ouest, Dans un rétroviseur ou Un jour sur terre gagnent en efficacité, notamment grâce à l’ajout d’arrangements de cordes. À défaut de surprendre – Dumas exploite toujours les territoires aériens et très cérébraux de la pop -, le compact témoigne du souci mélodique du chanteur et de son intérêt pour la musique britannique, feutrée, au spectre sonore tout garni. (O. Robillard Laveaux)
Luc De Larochellière
Un toi dans ma tête
(Les Disques Victoire)
Pour son huitième album, Luc De Larochellière a décidé d’écrire d’abord les textes. Et ça change visiblement tout, tant cet opus est supérieur aux précédents efforts du compositeur. Les paroles prennent tout leur sens, leur importance. La musique folk acoustique les porte à merveille. Subtile, la réalisation de Marc Pérusse fait que tout s’imbrique parfaitement. Non seulement notes et mots s’enlacent, mais la voix du chanteur n’a jamais été aussi belle. On peut savourer ces chansons essentiellement amoureuses, personnelles sans être nombrilistes. Il existe un état de grâce que certains artistes atteignent parfois, une affaire d’épiderme, de magie. Après plus de vingt ans de carrière, De Larochellière en bénéficie aujourd’hui. (F. Hébert)
Martin Léon
Moon Grill
(La Tribu)
Voici une version améliorée des derniers spectacles de Martin Léon. En effet, pour son troisième album, il s’offre un semi-live, enregistré aux Studios Piccolo à Montréal devant deux douzaines de spectateurs qui avaient un casque sur les oreilles. Le but: recréer les nouveaux arrangements scéniques mais avec un meilleur son, en réduisant au maximum les interventions, les temps morts. Ses deux premiers opus sont représentés à parts égales et on ajoute une reprise de sa période Ann Victor (Jules et Claire). Si on exclut Perte de nord II et Grand Bill (récitées sans musique, ça alourdit), c’est un CD jouissif, planant comme un vieux Pink Floyd, avec des paroles qui ne ressemblent qu’à Léon. (F. Hébert)
Daniel Bélanger
Nous
(Audiogram/Select)
L’Échec du matériel derrière lui, Daniel Bélanger revient sous le soleil avec Nous, un album assis sur une rythmique solide menée par la basse en mouvement constant de JF Lemieux, à laquelle s’ajoutent des arrangements de saxophone et de trombone. Si l’esprit funk du compact appelle au déhanchement, Daniel demeure fidèle à son style, enchaînant les compositions cérébrales, enveloppantes et foisonnantes. S’adressant autant à notre bassin qu’à notre tête, un exercice périlleux, Nous demande quelques écoutes avant de se laisser amadouer. Bien que jamais agressante, la bête demeure imprévisible et témoigne d’une exploration sonore réussie, quoique moins accessible que celle de Rêver mieux ou de Quatre saisons dans le désordre. (O. Robillard Laveaux)
Malajube
Labyrinthes
(Dare To Care/Select)
Quelque chose s’est complexifié dans le son de Malajube, plus dense qu’avant. Labyrinthes saisit par ses salves défoulatoires; Ursuline et 333, chansons à haut voltage, sont carrément au bord de l’implosion. Malgré une tangente space-rock plus marquée, les élans prog et des riffs épiques dignes de bands métal, Malajube, c’est aussi cette délicatesse décalée, ces éclaircies qui tempèrent la tempête, souvent dévoilées par les pianos et la voix haut perchée de Julien Mineau. Les textes ne sont pas à prendre au premier degré et puis oui, la voix est loin dans le mix, assimilée au reste. Tiquer là-dessus est aussi vain que de reprocher à Sonic Youth de jouer désaccordé; on ne juge pas un band rock à partir des paramètres de la pop et du folk. (M.H. Poitras)
Chinatown
Cité d’or
(Tacca/Select)
Quintette pop mené par Pierre-Alain Faucon et Félix Dyotte, Chinatown a énormément progressé depuis sa naissance en 2006. La livraison vocale a pris du galon et leur rock-pop, habilement capté par le réalisateur Gus Van Go sur cette première offrande, a gagné en caractère grâce à des arrangements aux mélodies efficaces (les cuivres dans Du jazz avec l’apocalypse, les claviers de Pénélope) et des guitares à la distorsion mordante, quoique léchée. C’est justement cet équilibre pop, à la fois audacieux et méga-accessible, qui surprend sur Cité d’or. On pense parfois au romantisme d’Indochine et on se laisse emporter par les refrains accrocheurs d’Apprendre à danser, La Vrille et Bateau de querelle. Chapeau. (O. Robillard Laveaux)
-M-
Mister Mystère
(La Tribu/DEP)
Plus de cinq ans se sont écoulés entre la parution de Qui de nous deux? et ce nouveau disque studio de -M-, une période pendant laquelle le chanteur français a lancé un DVD, deux albums en concert et effectué un retour aux sources en s’entourant de plusieurs membres de sa famille pour Mister Mystère. En résulte un compact moins ambitieux et orchestral que le précédent. Une fois la pilule avalée, on redécouvre ce -M- adoré: un personnage coloré, intrigant et capable d’une pop onirique et sublime dans Le Roi des ombres ainsi que dans Mister Mystère et Tanagra (toutes deux écrites par Brigitte Fontaine). Contrairement aux passages rock limite agressants (Hold-up), on craque une fois de plus pour le raffinement d’un univers aussi personnel qu’envoûtant. (O. Robillard Laveaux)
Florian Mona
Florian Mona
(Naïve)
Ce premier opus du Français Florian Mona est fabuleux, vertigineux de plaisir. Une pop en sourdine, avec une voix blanche à la Daho, mais qui aurait su créer sa propre singularité. La musique de ce jeune trentenaire se creuse à base de guitares et de banjo avec quelques notes d’un piano léger. C’est élégant, délicat, tout en subtilité et dissimulation. Ses textes ne prennent pas de grands airs non plus, ils préfèrent la suggestion, le trait effleuré. À l’auditeur d’imaginer le reste. Amateurs de Murat (avec qui il partage le même mixeur) et de Dominique A, adoptez Florian Mona. Ses chansons sont du même bois. (F. Hébert)