CD / World : Guide d'achat 2009

CD / World : Guide d’achat 2009

CéU
Vagarosa
(Exact/Select)

Des nouvelles de la belle CéU? On en a eu l’année dernière à travers trois des meilleurs disques de la cuvée brésilienne 2008: celui de son génial complice Beto Villares et ceux des collectifs moitié rétro, moitié avant-garde Sonantes et 3 Na Massa. Conséquence: la discrète chanteuse a bien pris le soin de mûrir son art avant de livrer ce Vagarosa, joyau brut qui déborde de sensualité, de douces dérives sonores, de rythmes langoureux et soutenus. Traitement inattendu des cuivres, basses chaloupées, hallucinations auditives: on ne comprend pas grand-chose de ce qu’elle chante mais je vous parie mon billet pour le pays du soleil que tout ce qu’elle susurre n’est que poésie très humaine, c’est sûr. (R. Boncy)

Khaled
Liberté
(Dep/Universal)


Mesdames et messieurs: Martin Messonnieeeer! Le retour dans le tableau de ce mythique ingénieur du son et réalisateur ("peut-être le Français le plus africain de France", dirait Barouh) change et transcende complètement la musique du grand Khaled. Fini le "tube" franco-maghrébin du style Aïcha. Plus de plan commercial à la Jean-Jacques Goldman. Liberté est un disque authentique qui puise dans les racines d’un véritable mouvement musical populaire et donne à entendre la star du raï comme on ne l’avait jamais entendue. La plupart des chansons sont magnifiées par des préludes inspirés dans lesquels les cordes et les voix campent chaque fois le décor avec des textures inattendues. Un disque majeur. (R. Boncy)

Oumou Sangare
Seya
(Nonesuch/Warner)


La grande chanteuse de l’ethnie wassoulou s’était désintéressée de la production musicale pour se lancer, disait-on, dans les affaires, tout en développant des actions humanitaires dans son Mali natal. Mais là, quel retour de la dame Sangare! Qu’elle évoque la migration des nomades soninkés, la solitude, la parenté, le mariage forcé ou le sens de la vie sur terre, le charisme d’Oumou impressionne toujours. Cheick Tidiane Seck y marie les sonorités envoûtantes des choeurs de femmes, des n’gonis ancestraux et des percussions traditionnelles avec les cuivres mais aussi la guitare et l’orgue électriques. Dense, organique, inspiré, puissant et vrai: on est complètement hypnotisé et on en redemande. Seya est un grand album rempli de paraboles. (R. Boncy)

Sara Tavares
Xinti
(4 Quarters)


Dans un film de Bertrand Tavernier, alors que l’héroïne institutrice décline en voix off des mots d’enfants, on entend cette phrase magnifique: "Il n’y a rien de plus doux que ta douceur quand tu es douce." Voilà qui décrit parfaitement le nouveau disque de l’Afro-Portugaise Sara Tavares. Caressant, enveloppant, chaleureux, cet opus a gardé le groove naturel de son prédécesseur (l’excellent Balancê), mais se veut plus serein et plus sensuel encore. Le soul tropical d’une Tanya St-Val, l’inflexion vocale, à la fois purement africaine et presque jazzy, d’un Lokua Kanza, voici un bonheur d’album fait d’harmonies modernes. Une réplique lumineuse au fado et à la morna. (R. Boncy)

Tinariwen
Imidiwans: Companions
(Independiente/Outside)


Ceux qui ont eu le plaisir d’assister à un concert de Tinariwen se souviennent d’une formation au look intrigant, inquiétant même, tels des guerriers du désert armés de guitares électriques. Pourtant, la musique du groupe originaire de l’Adrar des Iforas fait plus appel aux émotions profondes. On parle donc ici d’une musique envoûtante, un blues des sables transcendant, à la fois rauque, sauvage et lancinant, à cheval entre l’Orient et l’Afrique noire. Ce quatrième album de Tinariwen nous ramène donc la tribu à une base un peu plus roots que le précédent, Aman Iman. Imidiwans (qui signifie "camarades" ou "compagnons") est accompagné d’un dvd sur lequel on trouve un court documentaire – du même titre que l’album – du cinéaste français Jessy Notola. Solide. (P. Baillargeon)

Ludovic Beier
Django Brasil
(Le Chant du Monde/Harmonia Mundi)


Le titre donne déjà une idée du programme: relire Nuages, Daphné, Dinette et autres standards du swing manouche en pliant les phrasés associés à ces morceaux aux exigences de la bossa-nova. Une vraie cure de Jouvence pour ces classiques avérés! Rien de parodique ou de kitsch ici: on est loin de nos imbuvables Lost Fingers et plutôt en présence de musiciens qui comprennent et maîtrisent les deux esthétiques qu’ils fusionnent. Accordéoniste virtuose découvert aux côtés du guitariste tzigane Angelo Debarre, Beier mène sa barque avec l’aisance d’un grand navigateur, soutenu par les guitares de Samson Schmitt et Thierry Moncheny, et les percussions de Matthieu Guillement. Frais comme une brise d’été et dénué de tout exotisme de pacotille. (S. Péan)