Métiers du jeu : Le corps et l’esprit
Brûler les planches: c’est le grand rêve qui devient réalité chaque année pour un petit nombre de diplômés des écoles nationales de théâtre, de cirque et d’humour. Regards croisés sur les formations en métiers du jeu, via leurs meilleurs ambassadeurs: des profs passionnés et passionnants!
Guy Nadon: le grand théâtre du monde
Il est l’un de nos grands comédiens, aussi actif sur scène qu’à l’écran, épatant par sa voix profonde et son jeu tout en intériorité. Mais Guy Nadon est aussi un pédagogue reconnu, qui enseigne depuis plusieurs années l’interprétation du répertoire shakespearien à l’École nationale de théâtre (ÉNT). Lui-même diplômé de l’École en 1974, il se rappelle avec émotion sa formation, celle d’une "véritable école d’art". "Pour moi, l’école a été extrêmement stimulante, un lieu où l’on se questionnait beaucoup sur la signification de l’acte artistique en français en Amérique. Le théâtre servait – et doit toujours servir – à raconter quelque chose de social, à entrer en communication directe avec le monde. Un acteur détient une position critique dans une société."
Voilà de quoi est toujours faite la vision de Nadon, qui tente de transmettre à ses étudiants l’envie profonde de "témoigner de la condition humaine". "Et pour ça, dit-il, il faut d’abord savoir appréhender l’être humain qu’on est. Une école comme l’École nationale fournit cette possibilité-là." On y favorise le développement de la technique de l’acteur comme l’affirmation de la personnalité et du regard critique du jeune comédien. Pas de bulletins ni de notes à l’ÉNT, mais plutôt des évaluations individuelles et un suivi personnalisé.
Même si l’École reste très près des exigences du marché théâtral, c’est l’occasion pour les étudiants de flirter avec les classiques et les plus hautes exigences. "Ça fait partie du rôle d’une véritable école d’art que de transmettre cette culture-là, ajoute Nadon, surtout que c’est rendu presque subversif de s’intéresser à la haute culture dans notre société."
École nationale de théâtre /
–Étudiants: 12 étudiants, en moyenne, sont acceptés au programme d’interprétation, après un processus de sélection en plusieurs étapes.
–Admission: jusqu’au 31 janvier pour tous les programmes (interprétation, scénographie, production, mise en scène, écriture dramatique).
–Placement: 100 % de ses diplômés travaillent dans le domaine artistique, selon les sondages réalisés chaque année par l’École.
Nathalie Sabourin: la vie est un cirque
Le parcours professionnel de Nathalie Sabourin est indissociable de l’École nationale de cirque de Montréal. Spécialiste du fil de fer, elle a joué devant les foules compactes du Cirque du Soleil comme dans les cabarets et festivals les plus prestigieux. Après quelques années sur les plus grandes scènes du monde, elle transmet sa passion à de jeunes artistes.
De l’École et du milieu circassien, indistinctement liés, elle retient d’abord la "richesse des rencontres interculturelles". "Car le cirque, dit-elle, est une discipline qui ne se soucie pas des frontières. Des gens viennent de partout pour étudier à l’École nationale de cirque: Japon, Suisse, Finlande, Suède, et j’en passe. C’est très enrichissant, et ça se poursuit dans le métier, avec les voyages."
Seuls sont admis à l’École nationale de cirque les meilleurs talents. Nathalie Sabourin ne mâche pas ses mots et parle d’une "aventure totale de dépassement de soi. C’est une manière de se développer et de se connaître, c’est toujours un travail sur ses propres limites. La notion de danger est importante en cirque, et elle est liée de près à cette notion de dépassement – tout ça amène l’artiste de cirque à une connaissance intime de ses possibilités circassiennes et artistiques et lui permet de se développer comme interprète, et d’apprendre à prendre soin de soi, ce qui est souvent une clé du succès." Ici encore, il ne s’agit pas de former des techniciens du cirque; il faut d’abord que l’étudiant apprenne à conserver son "équilibre mental et physique". "On n’arrive pas à marcher sur un fil de fer quand on n’est pas dans un état propice. C’est l’une des bases de mon enseignement, qui est d’ailleurs très personnalisé et souvent réalisé dans un rapport de proximité."
École nationale de cirque /
–Étudiants: 15 étudiants (en moyenne) admis chaque année aux programmes préparatoire (9 à 13 ans) et Cirque-études secondaires (du 1er au 5e); 25, en première année du programme d’études supérieures.
–Admission: Auditions du 22 au 26 février 2011 à Montréal; demandes d’inscription au plus tard le 15 janvier 2011.
–Placement: le taux oscille autour de 95 % depuis plusieurs années.
Luc Senay: jouer les comiques
On le connaît plutôt comme comédien, animateur ou improvisateur, mais Luc Senay donne en outre des cours d’interprétation aux étudiants de l’École nationale de l’humour, une tâche qu’il accomplit en puisant ici et là dans son propre sens du comique, acquis sur la patinoire de la Ligue nationale d’improvisation, ou dans des principes connus de théâtre spontané, comme le théâtre invisible d’Augusto Boal.
À l’École nationale de l’humour, tout est mis en place pour que l’étudiant puisse développer et affiner sa personnalité comme il l’entend. Considéré dès son entrée comme un artiste transportant son propre univers, on fait tout pour l’appuyer dans sa démarche personnelle. "On lui fournit des outils pour son développement, explique Senay, mais le jeune humoriste est encouragé dès le départ à créer son propre matériel et son propre personnage d’humoriste, à explorer les champs qui l’intéressent, qu’il s’engage dans la voie de l’absurde, de l’humour politique ou du punch-line à l’américaine. L’idée, c’est de l’aider à faire de l’ordre et du sens avec son propre fouillis créatif et à développer une méthode de travail rigoureuse."
Ici encore, l’approche est ultra-personnalisée, mais peut-être plus directement orientée vers les besoins réels du "marché" de l’humour québécois et ses exigences de productivité. Senay, lui, espère transmettre à ses étudiants une certaine ouverture d’esprit. "Je voudrais, dit-il, être capable d’ouvrir grand les portes de leur imaginaire et les sensibiliser très fort à leurs possibilités créatrices les plus diverses, tout en respectant leur personnalité."
École nationale de l’humour /
–Étudiants: 15 étudiants (en moyenne) pour chaque discipline (création et écriture) admis par année, sur audition.
–Admission: auditions en avril, inscriptions entre février et mars.
–Placement: 78 % des finissants sont actifs en humour, dont 61 % à temps plein.