Il y a quelques mois, un courriel circulait comparant les conditions de vie des aînés en CHSLD à celles des détenus en taule. Un texte minable qui visait à nous instruire sur l’inégalité des chances: les détenus sont si choyés, et les vieux si malmenés.
J’ai repensé à ce courriel ce matin en entendant à la Première chaîne que le Journal de Montréal avait commandé une étude à des nutritionnistes concernant les repas dans les garderies et dans les CHSLD. Je me suis demandé pourquoi ce Journal n’avait pas profité de l’occasion pour ajouter à l’analyse comparative la bouffe servie dans nos prisons… À moins que cela ait été fait, mais qu’on évite de communiquer les résultats, histoire de ne pas briser le mythe du Club Med qu’est la prison.
Peu importe, c’est le texte sur la prison et les CHSLD que j’ai voulu retrouver en entendant la nouvelle. Mon ami blogueur Marc Gauthier l’a retrouvé pour moi. On peut le lire sur ce blogue d’Yves Carignan.
Il saute aux yeux en lisant ces inepties que l’auteur/e inconnu/e du texte (qui n’est pas Yves Carignan) n’a jamais mis les pieds dans une prison non plus qu’il ou elle n’a connu de détenus.
Attention, je ne dis pas que nos vieux devraient subir de la maltraitance. Je leur souhaite, et nous souhaite pour le futur, les meilleures conditions de vie possible. Sauf que ce n’est pas une raison pour dire des âneries concernant les détenus. Le parallèle est aussi tendancieux que surréaliste.
Pour remettre les pendules à l’heure, j’ai envie de m’attarder à chacun des éléments de la liste loufoque:
Une douche par jour. Vrai, mais compte tenu de la promiscuité, et de la testostérone, ce n’est pas du luxe. Remarquez, les détenus se lavent seuls, ils n’ont besoin d’aucune aide. Ceci explique cela. (Bon, je parle de testostérone, mais je crois bien que les filles à Tanguay et à Joliette se lavent aussi tous les jours. Chose certaine, elles sentent bon. Je m’informe et vous reviens.)
Des loisirs. Vrai. Ils s’organisent, ils jouent même au hockey et au soccer dans la cour. Ils ont aussi à leur disposition quelques vieux jeux de société.
Des marches accompagnées? On dit des «marches surveillées», nuance. Et il y a des heures pour ça. Ce n’est pas la récréation au gré des élans, et ça reste entouré de barbelés.
Médicaments? Oui, on les assome au Seroquel dès qu’ils vivent un peu de stress/tristesse/détresse/colère. Sinon quoi? Faudrait priver les diabétiques de leur insuline? Mais évidemment, le détenu doit se rendre à l’infirmerie pour prendre son médicament prescrit.
Examens médicaux et dentaires réguliers. On croit rêver. Faire voir un médecin à nos clients est encore plus difficile que de trouver un médecin de famille. Pour les dentistes, on oublie ça avant l’abcès purulent.
Allocation monétaire hebdomadaire. C’est-à-dire? Aucun détenu ne reçoit d’allocation, sauf ceux qui étudient. Effectivement, ceux-là bénéficient d’un encouragement de 5$ hebdomadaire.
Surveillance constante. Oui, on appelle ça la prison. Je vous réfère à Michel Foucault. C’est vraiment ce qu’on souhaite pour nos vieux jours?
Un lit lavé deux fois par semaine. Je ne sais pas ce qu’on s’imagine, mais les prisonniers lavent eux-mêmes leur literie et ils sont eux-mêmes responsables de décontaminer les oreillers pleins de mites et de puces qu’on leur distribue.
Vêtements lavés et repassés. Même chose pour les vêtements : ils les lavent eux-mêmes qu’ils soient à eux ou qu’ils soient prêtés par l’État. Car tous les détenus n’ont pas de vêtements.
Un gardien qui fait sa ronde. Oui, encore une fois, on appelle ça la prison, et ça ressemble encore au panoptique de Bentham.
Service repas aux chambres. C’est vrai en cellule d’isolement, ces cellules qui rendent fous. Je vous souhaite d’entendre un jour Paul Rose vous raconter son temps passé au trou. Pour le reste, les détenus mangent le plus souvent à la cafétéria.
Il est vrai qu’au moment du comptage, parce que les corps des détenus sont sans cesse comptabilisés, chaque numéro apporte son dîner dans sa cellule, et il mange dans sa cellule.
Il n’y a pas vraiment de légumes. Du poisson? De la viande? Je ne crois pas que nous parlions des mêmes choses. Il faut voir un gars sortir d’une période de détention de seulement deux ans manger un steak, ou même un spaghetti chez Georges à Chicoutimi…
Quand j’arrive à la prison en fin d’avant-midi, il m’arrive de dire aux gardiens présents que «ça sent la bouffe!» et que «j’ai faim!». Invariablement, on me répond en riant que je ne veux certainement pas manger ce qui est en train de cuire.
Un endroit pour recevoir la famille. D’abord, les détenus ne peuvent pas recevoir toute la parenté, ils disposent d’un nombre limité de personnes autorisées à venir les visiter. Ça se passe à travers une vitre dans les prisons provinciales, sauf pour les rares occasions où les «visites contact» sont permises. Ces jours-là, la visite a lieu dans une grande pièce surveillée. On parle de surveillance physique et électronique, tant audio que vidéo. Aussi, les contacts dont il s’agit consistent en du pognage de main. La blonde assise sur les genoux de son chum, c’est dans les films seulement.
Même histoire dans les pénitenciers, sauf qu’à l’occasion, le détenu a accès à une roulotte où il peut recevoir son épouse (ils doivent être mariés). C’est le seul moment, d’ailleurs, où le détenu peut manger un repas potable puisqu’il commande –et paie- lui-même l’épicerie.
Bibliothèque. Il n’y a pas de bibliothèques dans les prisons provinciales. S’il y a une bibliothèque dans chaque pénitencier, ce n’est pas si facile d’y trouver des livres. Et les prisonniers fédéraux ne peuvent recevoir de l’extérieur ni livre, ni magazine.
Salle d’exercice : Seulement dans les pénitenciers. À la prison de Bordeaux, il y a une seule vieille machine. Les gars s’entraînent avec des bouteilles d’eau. C’est pas que je les plains, mais il faut cesser d’imaginer qu’ils ont accès au Cepsum.
Piscine. il faut vraiment être déjanté pour vouloir faire croire à la population qu’il y a des piscines dans les prisons.
Thérapie physique : On parle de quoi au juste? Un détenu très malade pourra être amené à l’hôpital sous escorte, point à la ligne.
Thérapie spirituelle : Il est vrai que les détenus ont accès à l’aumônier, et à des thérapies de contrôle de la colère pour ceux à qui elles s’adressent. D’autres pourront voir un psychologue si la chose fait partie du plan suggéré par les services correctionnels.
L’éducation gratuite : À lire ça, on pourrait croire que c’est la norme. Vrai qu’il est possible de suivre des cours, de compléter des études entamées, et même d’apprendre des métiers, comme au Centre fédéral de formation, mais ce ne sont pas des écoles. Ce sont des prisons.
Pyjamas, souliers et pantoufles. Pas des pantoufles, non : des gougounes en plastique fournies par les services correctionnels.
Aide légale gratuite : Pour ceux qui sont admissibles à l’aide juridique, oui. Les autres devront payer, comme tout le monde.
Chambre privée : On parle de cellules, pas de chambres. Voudriez-vous vraiment mettre vos parents en cellule?
D’ailleurs, ces cellules ne sont pas privées, ou elles le sont rarement. Actuellement, dans les prisons, ils sont trois ou quatre par garde-robe alors qu’ils devraient normalement être deux.
Au pénitencier, ils sont deux, jusqu’à ce qu’ils aient une cellule privée. Encore une fois, une cellule: pas une chambre.
Je sais que je ne ferai pleurer personne. Là n’est pas mon but. Je sais aussi qu’on se fiche pas mal des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires d’ici ou d’ailleurs. Mais il faut tout de même cesser de dire des sottises en faisant des comparaisons boiteuses, démagogiques et hurluberlues.
Merci à ma collègue et amie Debora de Thomasis pour la réflexion à deux têtes, ainsi qu’aux deux clients qui se reconnaîtront, l’un à Rivière-des-Prairies et l’autre à Donnacona, pour la réflexion à trois têtes.
Erratum – Mohamed Lotfi et Chistian Mistral m’ont ramenée à l’ordre: il y a des bibliothèques même dans les prisons provinciales, mais elles ne sont accessibles qu’aux condamnés et non aux prévenus en attente de procès. J’ignore à quoi ressemblent ces bibliothèques, mais j’apporte et j’envoie régulièrement des romans à mes clients qui ont reçu des peines de moins de deux ans…
bravo! j’adore les destructions systématiques de pamphlets frauduleux.
à chaque fois, cependant je me demande pourquoi des gens intelligents comme yves carignan choisissent de mentir.
Y’a quand même une différence entre ces deux enfermements.
La prison, si on en sort, c’est souvent plus endurci dans ses mauvaises habitudes.
Le CHSLD, ça pardonne pas, on en sort les pieds devant et définivement ramolli de corps et d’esprit.
Faut être vieux comme moi pour comprendre ça. Mais avocat, c’t’une belle profession. Et payante, paraît-il…
Paraît-il oui… Il y a bien des mythes stupides dans notre dimension.
Comprenez-vous que je suis en faveur de meilleures conditions de vie pour les vieux innocents que pour les jeunes criminels, mais que je suis tout de même contre le mensonge et la désinformation?
Est-ce que M. Carignan va s’élever contre le fait que la gestion des CHSLD est de plus en plus confié en PPP à des compagnies à numéros ? Comme celui de Saint-Lambert (qui a fait la manchette justement il y a quelques mois à cause du mauvais « service »).
Compagnie à numéro appartenant aux propriétaires des Résidences Soleil (quel hasard) et généreux contributeurs à la caisse du PLQ (un autre hasard). Pouvant disparaître au premier pépin (avatange des compagnies à numéros fondées uniquement pour un projet).
Coût pour l’état: 200 millions de dollars (soit 40 000$ par place par an). Le contrat de 25 ans laisse le gouvernement locataire, tout en le forçant à garantir l’hypothèque de la compagnie 7009453 Canada inc. C’est vrai que les PPP existent pour « partager » les risques!
Et les services ? Le projet, d’abord conçu pour 225 places est réduit à 200 places quand il est passé en PPP.
Ces PPP ne sont pas astreints à des critères d’accréditation aussi rigoureux que ceux des CSSS. Ainsi, le seul critère de certification pour la formation du personnel en résidence privée est qu’il doit y avoir en tout temps une personne majeure formée en réanimation cardio-respiratoire, en secourisme et déplacement de personnes âgées… Encore mieux, ces résidences privées auront trois ans pour obtenir leur certificat d’accréditation d’agrément reconnu par le Ministère…s’ils n’obtiennent pas une prolongation de délai. Finalement, il est aussi prévu que ces résidences pourraient ne pas être pénalisées en cas de non-dispensation des services de base! Les autres services, étant monnayés un à la fois, étant présumés dispensés.
Et bien sûr, le but premier d’une compagnie à numéro, c’est les profits.
Je suis curieux: Pourquoi les adversaires féroces des services publics ne relèvent-ils pas ces faits pour les dénoncer ? Est-ce que leur idéologie est plus importante que le bien-être des aînés ?
Affirmer que tout se passe mieux en prison qu’en CHSLD ne fait pas qu’illustrer l’ignorance de qui profère une telle sottise et les exemples que vous apportez, le souligne.
Le tragique du CHSLD participe parfois de la désespérance d’une prison … quand il devient mouroir, oubliettes, donjon ou lazaret … quand il devient une sorte d’écocentre pour vieux devenus trop encombrants … en attendant ce jour où il deviendra permis, deux fois la semaine, de les mettre au bord du chemin, dans un bac brun, muni de quatre poignées
Un beau jour déjà ancien, j’ai reçu une demande de conseils de la part d’une étudiante pour comparer les Longs Séjours et … les camps de concentration :
– lieu collectif hiérarchisé
– entrée par contrainte
– défaut de soins
– mortalité très élevée
Comme quoi il est possible que le négationisme se niche là où on ne l’attendait pas. Le message résultant pouvait être : allez donc voir votre Long Séjour de proximité; vous aurez ainsi une idée de ce qu’étaient les camps de concentration.
L’étudiante qui réalisait ce travail a mis fin brutalement à notre conversation téléphonique quand je l’ai mise en garde. Elle se fondait avec sincérité sur le témoignage d’un ancien déporté qui faisait état d’une reviviscence de sa captivité.
Quand je vous dis que l’enfer et pavé de bonnes intentions.
Dr Pradines, Albi (Tarn-France) gériatre en SLD de 1991 à 2010
Pour ma part je reprend ce commentaire:
«Erratum – Mohamed Lotfi et Chistian Mistral m’ont ramenée à l’ordre: il y a des bibliothèques même dans les prisons provinciales, mais elles ne sont accessibles qu’aux condamnés et non aux prévenus en attente de procès. J’ignore à quoi ressemblent ces bibliothèques, mais j’apporte et j’envoie régulièrement des romans à mes clients qui ont reçu des peines de moins de deux ans…»
J’ai été à Rdp et a Bordeaux à mon plus grand regret , mais ceux en attente de sentence ont accès à la bibliothèque, je peux vous l’assurer , je n’ai fais que lire donc …
Pour en venir a l’ignorance de quelques un qui essai de faire croire que d’aller en Prison ces comme aller au Club Med, bahh!! moi je vous dis d’aller mettre votre » Père » »Mère » a Bordeaux dans le (A) ou dans le (C) avec une population de si jme souvient bien de 190 personnes avec le radio de la wing le volume a fond sur un poste de merde avec 3-4 tele datant de 1970 le volume elles aussi au fond ..tous sa avec tous les gens qui crient etc etc etc.
Et que dire des douches ?? hmmmm une belles place a bacterie et /ou ce faire poignarder.. Parce qu’il ne faut pas ce faire d’accroire le A et le C sont des wing pour ceux en attente de procès donc du coup y’a de tout , hold up , proxénétisme, meutrier ou soupsonner de meurtre ou tentative de meurtre, gang de rue , motard et j’en passe ..
Pour la bouffe !! que dire lol des oeufs en poudre..des patate en poudre ..c jamais de la viande toujours un similie de / et / ou …. Et aller manger a la cafeteria a Bordeaux completement degeux ..sale , tres sale , et tu reussi a manger ton repas si y’a pas une bagarre qui eclate, si ya une bagarre tout le monde retourne a leur cellule ..et ha oui j’oubliais leurs fabuleux »Brunch du dimanche » j’immagine tres bien un ainé renfermer jusqu’a 10h le matin en pleine été dans une cellule a 45 degrés ou sa pue ..
Et pour l’éducation :/ ils veullent que les détenues resorte, et qu’ils restent » sans histoire » mais aller faire un sec 5 en prison est pratiquement impossible , pour un DEP je sais meme pas si ont peux !
Les vêtements … j’aime mieux rien dire :/ a part qu’ils saisissent toujours ton linge pour X raison …
Et la Harper qui ferme Leclerc !! esti ouvrez 2 Big CHSLD ,au Leclerc ils vont etre bin en ta******
ok j’arrete parce que je pourais chialer pendant encore 5-6 paragraphes..
tk la morale est :je dis pas que les CHSLD sont biens, mais ces pas comparable a ce que j’ai vue)
La question subsidiaire pourrait être la suivante : si, comme je le crois, ces comparaisons sont pour le moins hâtives voire absurdes, pourquoi sont-elles proférées ?
Il s’agit là à mon avis d’un témoignage de l’impossibilité de concevoir un avenir satisfaisant pour nos anciens. Un futur qui ne ferait pas d’emblée référence douloureuse au passé : celui de la fin de la vie à la maison, entouré des siens.
Encore beaucoup de travail pour tous ceux qui veulent adapter la situation du grand âge aux mutations récentes et massives de nos sociétés.
Dr Pradines, Albi (Tarn-France) gériatre en SLD de 1991 à 2010