Se poursuit aujourd’hui, au palais de justice de St-Jérôme, le contre-interrogatoire du plaignant au procès de Tania Pontbriand, accusée de contacts sexuels et d’agression sexuelle sur un mineur.
Tania Pontbriand était l’enseignante, il était l’élève. Il avait quinze ans, elle en avait trente. (On pourrait entendre chanter Claude Dubois en trame de fond).
Elle est accusée d’agression sexuelle parce qu’elle était son enseignante au moment de leur liaison qui a duré deux ans. Pas parce qu’il était mineur. À l’époque où ces deux-là faisaient l’amour, l’âge du consentement sexuel était établi à 14 ans. Il est maintenant établi à 16 ans. Mais les lois pénales n’étant pas rétroactives, si Tania Pontbriand n’avait pas été la prof et lui l’élève, ils auraient pu, en 2002, coucher ensemble en toute légalité, pour autant évidemment qu’il y ait consentement.
Agression sexuelle, donc, parce que le consentement est présumé de pas exister, ou n’être pas valable, dans un contexte de rapport hiérarchique, même s’il aurait été valable en dehors de ce lien prof/élève.
C’est donc autour de ce rapport hiérarchique, de cette situation d’autorité présumée, de ce lien de confiance allégué, que le procès s’articule. C’est d’ailleurs le seul aspect intéressant du dossier pour la juriste spectatrice.
Une jurisprudence assez constante nous enseigne que, dès lors que l’accusé est professeur, moniteur, entraîneur, le rapport d’autorité est quasiment prouvé. J’exagère à peine. Bien sûr, la Cour suprême rappelait en 1996 que les juges doivent conclure en l’existence d’un lien d’autorité suivant les circonstances de chaque affaire[1], mais il demeure qu’on se retrouve avec une quasi présomption du lien d’autorité dès que l’accusé a un rang d’enseignant.
Or, la culpabilité ou l’innocence de l’accusé, de l’accusée dans ce cas-ci, repose sur cette question du lien d’autorité. C’est fondamental.
Il faut que les juges gardent l’esprit ouvert, il faut que les juges évaluent les faits et la preuve attentivement, la preuve testimoniale surtout, afin de bien jauger cette question d’autorité et de décider s’il y a eu, oui ou non, agression sexuelle.
Dans l’affaire de Tania Pontbriand, on me reproche souvent d’avoir une opinion qui serait différente si le plaignant avait été une plaignante. Pourtant, mon opinion est simplement à l’effet que la preuve produite à ce jour ne donne pas l’impression qu’un rapport de force a existé entre les deux parties et donc qu’il n’y aurait peut-être pas eu agression sexuelle.
Je dirais la même chose si le plaignant était une fille et que la preuve était la même.
Il faut comprendre que, dans l’état actuel du droit, un homme de 60 ans peut coucher avec une/e jeune de 16 ans alors qu’un/e prof de 21 ans pourrait être trouvé coupable d’agression sexuelle sur son élève de 17 ans, fille ou gars, pour en être tombé amoureux.
C’est dire que la question du lien d’autorité est capitale, et qu’on ne doit pas l’éluder, même devant une situation factuelle de rapport pédagogique.
Qu’un psychologue vienne dire au jeune amant, dix ans plus tard, que la relation était malsaine ne peut pas faire de l’accusée une criminelle. Une violeuse. Qu’elle ait manqué de jugement, qu’elle ait commis une faute professionnelle, qu’elle ait été immature, ce n’est pas ce qui m’intéresse ni ce qui intéresse le droit criminel. Le fait que le jeune ait été blessé par la rupture ne peut pas non plus, en soi, créer une preuve d’abus pendant la liaison.
La seule chose qui peut faire de l’accusée une criminelle, une coupable, c’est le fait d’un rapport d’autorité à l’époque de cette liaison. Et ce rapport d’autorité doit être prouvé. C’est l’enjeu de ce procès. Tania Pontbriand risque la prison et un casier judiciaire d’agression sexuelle, une des pires stigmates sociales qui puisse exister, surtout pour une enseignante. C’est quand même un enjeu important.