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L’État veut votre ADN


Statistiques Canada fait actuellement une étude sur les mesures de santé.

Notre adresse a été pigée au hasard et j’ai donc dû répondre à des questions assez générales.  À la suite du questionnaire, les deux enfants du «ménage» ont été sélectionnés, toujours au hasard, pour répondre à un questionnaire plus pointu et pour aller faire des examens de santé.  Ces examens de santé sont faits sur une base volontaire, quand même.

Ma fille de 17 ans était bien intéressée par la démarche, curieuse surtout de faire un bilan de santé complet, et de recevoir 100$ en bout de ligne à titre de dédommagement.

Après qu’elle ait rencontré les intervieweuses, elle est revenue à la maison avec un dépliant expliquant en détail les examens qu’elle allait devoir passer, à St-Sauveur, dans une clinique mobile.

C’est à la toute fin de ce dépliant que j’ai lu qu’on allait lui faire signer un formulaire de consentement à donner son ADN.  Sans explication.  Juste comme ça, pour «la recherche en génétique».

J’ai évidemment refusé que ma fille donne son ADN et j’ai effectivement pu constater qu’il y a une case particulière à cocher concernant l’ADN.  Or, dans le cadre de cette étude, les ados de 14 ans et plus peuvent consentir à tout, sans l’accord de leurs parents, y compris au don d’ADN.[1]

Ma fille est allée faire ses examens à la clinique mobile.  Elle y a réitéré son intention ne pas donner son ADN et l’infirmière semble avoir respecté ce choix.

Sauf que je me questionne encore.  Que veut faire notre gouvernement avec notre ADN?

Donner son ADN, c’est pire que d’afficher sur le toit de sa voiture son numéro d’assurance sociale et sa date de naissance.  C’est pire que d’ouvrir un site web pour y inscrire ses numéros de cartes de crédit, incluant le petit nombre à 3 chiffres qui est derrière.

On ne donne pas son ADN, sauf pour des recherches précises, encadrées par des chercheurs sérieux, qui vous expliquent clairement en quoi consiste leur travail, à quoi vous engage votre consentement et à quel moment les échantillons serons détruits.

Mon amie Isabelle Iltis, PH.D., chercheuse à l’Université du Minnesota, m’écrivait ceci :

«Si l’explication qu’on donne aux gens pour prélever leur ADN, c’est la photo que tu as montrée au-dessus, Il y a quelqu’un chez-vous qui n’a pas fait son boulot correctement :

Nous devons dire, par exemple «nous cherchons le gène responsable de la maladie de «Trucmuche», et votre ADN va servir puisque cette maladie est présente dans votre famille»,  ou bien «puisque vous n’avez pas la maladie de Trucmuche dans votre famille, votre ADN va servir de «référence saine» pour identifier les mutations».   Bref, il faut expliquer.   Et expliquer aussi comment sera préservé  l’anonymat de ce précieux ADN, et dans combien de temps, et comment, l’échantillon sera détruit à l’issue de l’étude».   On ne peut pas dire «donnez –nous votre ADN, ca va servir.» Il faut dire à quoi ça va servir.  On n’est pas des boeufs. »

 

Elle a terminé en m’invitant à lire  La Vie Immortelle d’Henrietta Lacks, roman qui explique semble-t-il tellement bien pourquoi les comités d’éthique scientifique sont si indispendables.

Mon ami David Hughes, philosophe et doctorant en bioéthique à l’Université de Montréal, a tenu sensiblement les mêmes propos.

Évidemment, en droit criminel, la découverte de l’ADN a permis de résoudre de fausses condamnations, et d’éviter des erreurs judiciaires.

Mais d’un autre côté, on laisse son ADN partout.  À la banque, si on prend un numéro, qu’on le tient entre ses lèvres parce qu’on a les mains pleines, et qu’arrivé au comptoir on le laisse tomber dans la corbeille, on vient d’y laisser son ADN.  Si plus tard un vol est commis à cette banque, qu’on récupère l’ADN dans la corbeille, et qu’un recoupement est fait avec notre ADN déjà donné pour «la recherche», il y a un problème.  On risque de vivre quelques soucis inutiles.

C’est un exemple grossier, à dessein.

C’est que je ne suis pas scientifique.

Je souhaiterais vivement que des chercheurs, philosophes, éthiciens, généticiens, prennent l’espace commentaires sous ce billet pour bien expliquer en quoi l’ADN est intime, et en quoi les chercheurs doivent être prudents lorsque vient le temps d’en récolter des échantillons.  Qu’on nous explique aussi quels pourraient être les résultats fâcheux d’une mauvaise procédure.

Mais la règle générale, c’est qu’on ne donne pas son ADN.  Même pas au gouvernement.

 


[1] En droit des personnes, les jeunes peuvent consentir à des soins requis par leur état de santé sans l’accord d’un adulte.  Je n’ai jamais lu au Code civil, ni dans une quelconque décision, que les jeunes de 14 ans pouvaient participer à des études médicales.  Je ne suis pas civiliste, mais je crois qu’il y a là un problème.  Merci à mes collègues de bien vouloir commenter.