On trouve bien choquant, et peut-être même complètement immoral, qu’un couple de jeunes gens majeurs ait des relations sexuelles avec une mineure de 16 ans.
On trouve ça d’autant plus choquant et immoral quand on voit la mère de l’ado nous dire à la télé que sa fille est si fragile.
Personnellement, c’est d’entendre le gars de 27 ans parler d’elle en l’appelant «la p’tite fille» et minimiser son possible état dépressif qui me lève le cœur.
Il reste que cette histoire, pour ce que nous en savons, et pour ce qui semble se trouver dans les dossiers policiers, ne relève pas du droit criminel.
L’âge de la majorité sexuelle est fixé à 16 ans au Canada. Il y a toutefois des exceptions :
La prostitution juvénile est criminelle. Mais dans l’histoire dont il est question ici, la jeune ne se fait pas payer.
La sexualité avec un mineur dans un contexte d’abus d’autorité est criminelle. Mais dans l’histoire dont il est question ici, il ne semble pas exister de lien de confiance, de lien d’autorité ou de rapport hiérarchique.
On nous dit que la jeune fille est dépressive et que peut-être son consentement n’est pas valide. C’est alors une toute autre histoire. On remet en question son consentement, suggérant ainsi qu’il s’agit d’une agression sexuelle. Il est bien évident que mineure ou pas, autorité ou pas, le consentement est nécessaire pour que des relations sexuelles ne soient pas des agressions sexuelles.
Mais si la jeune femme n’est pas consentante, ou si son consentement est vicié au point de ne pas exister, il faut en faire la preuve. Et c’est dans un contexte de poursuite pour agression sexuelle que cette preuve serait faite.
Sauf qu’il ne semble pas que l’histoire nous parle d’une absence de consentement.
On nous parle d’une jeune femme de 16 ans qui, sur un site de rencontre, a connu un couple dans la vingtaine. Elle a d’abord hésité à les rencontrer, justement parce qu’il s’agissait d’un couple, les a finalement vus, a eu avec eux des rapports sexuels et elle est allée vivre chez-eux.
Le Code criminel canadien énumère certains facteurs que le tribunal devra considérer pour décider si une relation en est une d’exploitation sexuelle :
- L’âge de l’adolescent (Elle allait avoir 18 ans)
- La différence d’âge (La femme du couple a 22 ans; l’homme a 27 ans)
- L’évolution de leur relation
- L’emprise ou l’influence
Je l’ai déjà expliqué dans un billet sur Tania Pontbriand, les tribunaux devront tenir compte de toutes les circonstances pour décider s’il y a un déséquilibre de pouvoir qui place l’adolescent dans un contexte de vulnérabilité, de dépendance, faisant de la relation une relation d’exploitation.
La Cour d’appel du Québec[1] a défini la dépendance comme un état de soumission dans lequel le mineur se trouve lié ou attaché à un adulte qui le prive de son autonomie ou de sa liberté d’action. Cette dépendance peut être matérielle, psychologique, ou tributaire d’un lien familial, juridique, ou social.
Parlant de liens familiaux, la Cour d’appel a aussi décidé qu’un oncle n’est pas en situation d’autorité du seul fait du lien familial[2]. C’est le contexte de la relation (hiérarchique, de confiance) entre l’adolescente et son oncle qui déterminera s’il y a eu, ou pas, un lien d’autorité.
Évidemment, la dépression, donc la fragilité de la jeune femme, pourrait être prise en considération si des accusations étaient portées contre le couple pour faire la preuve de l’abus d’autorité. Mais il faut, pour cela, que le couple en ait été conscient réellement et qu’il ait choisi sciemment de profiter de cette fragilité, pour en abuser.
J’ai tendance à croire que les policiers, et le Directeur aux poursuites criminelles et pénales, multiplient souvent les procédures dans des cas qui ne méritaient pas d’être judiciarisés.
Si, dans une affaire de moralité, et de possible exploitation sexuelle, la police et le ministère public ont choisi de ne pas porter d’accusations, c’est certainement parce que rien au dossier ne permet de prouver qu’il y a eu exploitation sexuelle.
Et s’il s’agissait de ma fille? Parce que je sais que vous me le demanderez tour à tour… Ce serait ma fille et je serais allée la chercher par le fond de culotte. J’y serais peut-être même allée accompagnée d’une bande d’haltérophiles. J’aurais peut-être même sacré. Mais je n’aurais pas appelé la police.
[1] R. c. Léon, 1992 CanLII 3818.
[2] R. c. L. (R.), 2008 QCCA 243 (CanLII) (L’inceste au sens du Code criminel ne comprend pas la relation oncle/nièce ou tante/neveu).
Comme quoi, ce n’est pas parce qu’un comportement n’est pas sanctionné, et conséquemment considéré comme étant «légal», qu’il sera pour autant «légitime».
Le cas que vous nous présentez transpire de tous côtés la sévère immaturité. Et tout le monde serait possiblement bien avisé d’aller suivre une thérapie sur le comment-se-comporter-de-manière-responsable.
Un minimum, à défaut d’un petit séjour à l’ombre pour ce couple malsain.
Je crois que, selon les données que nous avons, un séjour à l’ombre ne serait pas possible, pour les raisons que j’ai énoncées.
Les tribunaux peuvent interpréter la Loi, mais pas la réécrire.
C’est au législateur qu’appartient cette tâche.
Ceci dit, je suis assez d’accord avec vous.
Ce couple est éthiquement douteux.
Mais dans le mesure où il y a consentement ce n’est pas /immoral/.
Fondamentalement, la plupart des problèmes en droit criminel surviennent parce que la population et, ce qui est encore plus grave, les juristes ne savent pas faire cette distinction de base entre la morale et l’éthique.
99/100 des étudiants qui sortent du Barreau ne sont pas capables de tenir une discussion sur Aristote ou Kant.
Vous allez me dire: qu’est-ce qu’on s’en fout…?
Certes, en principe, on s’en fout un peu que le quidam moyen n’ait pas la moindre notion de philosophie.
Lorsque ce sont nos futurs juges, ministres et haut-fonctionnaires, cela fait tout de suite plus peur.