Si toute la vie de Me Claudia C. n’avait pas été étalée dans les médias, je n’aurais pas osé commenter.
Parce que c’est une consœur, même si je ne la connais pas, et parce que les histoires de disputes conjugales sont inexorablement intimes. Personne n’est jamais très à l’aise de produire en preuve des morceaux de la vie privée des gens, comme on le fait dans tous les dossiers de violence conjugale.
Depuis le début de l’affaire, je doute qu’il s’agisse d’un cas où l’accusée aurait été réellement violente, ou l’accusée aurait été réellement dangereuse, où l’accusée aurait réellement mérité de faire l’objet d’une poursuite criminelle.
Pourquoi? Parce que j’ai la fibre de la collégialité trop sensible? Non, pas uniquement. Mais peut-être un peu, inconsciemment, je ne peux pas le nier et je ne pourrais pas être contre-interrogée là-dessus.
Pourquoi alors? Parce que c’est une femme? Oui, il y a de ça aussi. La violence des femmes envers leurs conjoints existe évidemment, mais personne n’arrivera à me convaincre qu’une femme est aussi souvent qu’un homme réellement menaçante pour son époux ou pour son ex.
La raison pour laquelle j’ai douté, c’est simplement que j’ai la présomption d’innocence viscéralement intégrée. C’est aussi que j’ai trop vu de chicanes de ménage se solder par une détention injustifiée et des accusations qui, dans une perspective humaine et morale, n’auraient pas eu lieu d’être. C’est aussi parce que je suis intimement contre la judiciarisation de tout.
En lisant l’article de Vincent Larouche dans la Presse ce matin, mon sentiment s’est cristallisé, et comme dans bien d’autres causes de violence conjugale, c’est envers l’accusée qui j’ai eu de la sympathie. Oui, comme dans bien d’autres dossiers de violence conjugale, je me suis demandé s’il n’y a pas quelqu’un, quelque part, qui aurait pu raisonner la plaignante. Le plaignant dans ce cas-ci. Celui ou celle qu’on appelle «victime» avant même que l’accusé/e ait été condamné/e.
Évidemment, quand on prend une disposition législative au pied de la lettre, celle de voie de fait par exemple, il faut le reconnaître : lancer une verre d’eau à la figure d’un humain est un voie de fait. Si la plainte du verre d’eau est portée, si la plainte du verre d’eau est autorisée, si le procès du verre d’eau a lieu et si le geste est prouvé, le commettant sera condamné. Je n’exagère pas vraiment.
Claudia C. n’a pas lancé un verre d’eau, soit. Mais elle s’est mise en colère, une colère noire peut-être, en rentrant à la maison pour y trouver son mec vautré avec sa nouvelle blonde. Qui pourrait ne pas la comprendre, ne pas être empathique?
Et lui, ce flic, a-t-il eu raison d’appeler ses copains? A-t-il réellement eu peur (Même si la peur n’est pas un élément essentiel du crime de voie de fait, j’essaie de rester ici dans la dimension humaine, et non juridique)? Que visait-il en décidant de porter à l’attention de ses collègues deux autres évènements où Claudia C. lui aurait fait bobo ou aurait endommagé son bien? Mesure-t-il les conséquences de ses doléances judiciaires? Est-il fier de lui aujourd’hui? Est-il fier de lui?
Et la Poursuite, a-t-elle eu raison d’autoriser la plainte? Évidemment, elle l’aurait autorisée s’il s’était agi d’un quidam ou d’une tite dame, alors par souci d’égalité devant la Loi, il fallait aussi accuser Claudia C.
Mais que dit la famille de l’accusée? Elle dit la même chose que moi: Elle n’avait pas pas besoin d’une voiture de police. Voilà. Et voilà pourquoi elle subit le même sort que de nombreux, et de nombreuses accusées en matière de disputes de couples.
C’est d’une tristesse.
Loin de moi l’idée de vouloir ramener la justice à l’époque où la violence conjugale était une affaire privée où chacun voyait midi à sa porte.
Mais un peu de discernement, pour Claudia C., et pour les autres, ne ferait pas de tort ni à notre système de droit, ni à nos valeurs sociétales.
Le problème supplémentaire, pour Claudia C., c’est qu’elle est une intervenante du système de justice. Si d’aventure la Poursuite avait la bonne idée de retirer les accusations, elle se retrouverait assourdie par les cris du public qui réclamerait justice pour tous, et donc pour Claudia C.
Il ne faut jamais que les décisions du poursuivant, ou des juges, soient assujetties aux lamentations populaires. Ni pour les autres, ni pour Claudia C.
Je suis convaincue que si cette dame avait été secrétaire et son conjoint agent d’immeuble, elle aurait reçu les soins nécessaires à l’hôpital …