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L’enquête préliminaire n’est pas un procès

 

«Enquête préliminaire:  En matière criminelle, étape antérieure au procès qui a pour but de déterminer si la preuve recueillie contre l’accusé est suffisante pour que celui-ci soit cité à procès.  Angl.:  Preleminary inquiry». [1]

 

 

C’est peut-être insignifiant, mais ça participe à mon désarroi devant toutes les inexactitudes qu’on entend et qu’on lit dans les médias. Dans tous les domaines, sans doute, mais c’est évidemment dans le domaine juridique que je le remarque et que je sursaute.

Ce matin, tous les médias français parlent du «procès» de Magnotta qui «s’ouvre à Montréal».

Des médias sérieux j’entends, pas que des twitteux du dimanche.

Pourquoi parle-t-on d’un procès, alors qu’il s’agit d’une enquête préliminaire? Manque de rigueur ou incapacité de s’adapter à un système judiciaire différent?

Je comprends que l’enquête préliminaire, en France, est une enquête de police, mais le journaliste n’a alors qu’à expliquer la (très grande) nuance, non?

L’enquête préliminaire n’est pas un procès. C’est une étape de la procédure judiciaire, préliminaire au procès, justement, qui vise à déterminer s’il y a suffisamment de preuve pour citer l’accusé à procès sur les chefs d’accusation tels que portés.

Le juge qui préside l’enquête préliminaire n’a pas les mêmes pouvoirs que le juge du procès. Il ne peut pas, par exemple, rendre des décisions relatives à la Charte, c’est-à-dire qu’il ne peut pas se prononcer sur d’éventuelles violations des droits constitutionnels de l’accusé.

Le juge qui préside l’enquête préliminaire n’évalue pas non plus la crédibilité des témoins.

Ultimement, son rôle consiste à se poser la question suivante : Le ministère public a-t-il présenté  une preuve  suffisante pour penser qu’un jury correctement instruit pourrait, au terme d’un procès, déclarer l’accusé coupable[2].  Si la réponse est oui, l’accusé est cité à procès.  Et le procès commencera, quelques mois plus tard, avec les règles de preuve qui sont les siennes, et avec, bien sûr, cette obligation pour la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable sur chacun des éléments de chacun des crimes reprochés, obligation qu’elle n’a évidemment pas à l’enquête préliminaire.

L’enquête préliminaire est aussi utile pour la poursuite et pour la défense, dans la mesure où elle permet de tester la solidité de la preuve, de jauger les forces et les faiblesses de certains témoins, de prévoir et de préparer certaines requêtes, voire de négocier, une fois la procédure complétée, un plaidoyer de culpabilité.

C’est l’enquête préliminaire de Magnotta qui s’est ouverte ce matin à Montréal.  Pas son procès. Alors je me demande, au terme de cette enquête préliminaire, quand l’accusé sera cité à procès, que vont rapporter les médias français? Qu’il a été condamné? Et alors que le procès commencera, ils diront quoi?  Que c’est un second procès? Un appel?

Un peu de rigueur serait de mise.


[1] Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994.  On dit aussi «preliminary hearing» en anglais.

[2] Je paraphrase.  Voir R. c. Arcuri, [2001] 2 R.C.S. 828.