«On a toujours un lien émotif avec le vin. Il y a une intimité, une atmosphère spéciale qui se créé autour d’une bouteille. On prend le temps de partager.» Avec son premier livre, même s’il est bien sûr question de vin, Michelle Bouffard voulait l’humain et la rencontre au premier plan, pour rendre le vin accessible et chaleureux. Car il n’est pas tant démocratisé aujourd’hui qu’on ne veut bien l’admettre: «On a fait du chemin, avant le vin était une chasse-gardée. On a fait tomber les barrières entre experts et consommateurs, mais c’est encore un milieu qui intimide les gens», pense l’auteure.
Diplômée de l’International Sommelier Guild, sommelière de Curieux Bégin et du magazine Véro, enseignante au Wine & Spirit Education Trust… Si Michelle Bouffard est un des grands noms du milieu du vin, elle a aussi une passion pour l’entrevue, qui l’a poussée à suivre à un cours consacré à cette pratique journalistique. «Quand je ne dors pas, j’écoute des entrevues, j’analyse les gens qui font des entrevues…», raconte Michelle. Son livre, Dis-moi qui tu es, je te dirai quoi boire (publié chez Cardinal), elle l’a donc construit autour de vingt rencontres individuelles avec des personnalités québécoises.
Des personnalités qui sont toutes liées au monde de l’art, du musicien Louis-Jean Cormier à l’écrivaine Kim Thùy en passant par la comédienne Anne-Marie Cadieux. L’univers de l’art, Michelle le connaît, elle qui a fait 15 ans de musique classique en haut niveau, 4 ans de théâtre et qui compte de nombreux artistes dans ses amis. «Je suis revenue à Montréal pour être de nouveau en contact avec l’art, indique la sommelière, qui a vécu vingt ans à Vancouver. Je trouve encore qu’on ne rend pas assez justice à la culture, et je voulais mettre en lumière ces gens qui la mettent en avant au Québec.»
Profilage viticole
Pendant ses entrevues, Michelle Bouffard ne parle jamais de vin avec ses interlocuteurs. Le but, c’est de parler d’eux, de leur histoire, de leurs anecdotes… Et certains se laissent alors aller aux confidences personnelles. «Plusieurs personnes m’ont avoué: « Je te raconte des choses que je n’ai jamais dites avant », confie la sommelière. France Beaudoin s’est mise à pleurer pendant l’entrevue. Anne Dorval, qui ne devait rester qu’une heure, a finalement passé six heures avec moi!» Ces rencontres ne sont pas rendues sous la forme d’entrevues, mais de portraits qui vont au-delà de la simple biographie. «Je voulais avant tout raconter une histoire…»
À l’issue du portrait, Michelle fait le «profilage viticole» de son interlocuteur, citant trois vins correspondant à sa personnalité tout en en expliquant les cépages, les nuances et les goûts – démocratiser le vin, toujours. L’occasion pour le lecteur de commencer ou de parfaire ses connaissances en vin, et d’avoir envie de goûter à une ou deux des bouteilles suggrérées… Dans ces profilages, il n’y a pas que des vins: Michelle associe ainsi le pastis à Monique Giroux, un cidre à Emmanuel Bilodeau ou encore un thé pu’erh pour Kim Thùy. «Kim ne boit pas d’alcool. C’est aussi ça être sommelier: s’adapter aux gens, à leurs goûts et aux circonstances, comme lorsqu’il y a des gens qui ne boivent pas.»
Un livre au carrefour de l’art, du vin et des rencontres, les trois piliers de Michelle Bouffard, et un premier pas dans le monde littéraire qui nous offre des histoires dans l’intimité de ces personnalités grand public. Bref, elle fait sortir le vin de la cave et l’amène au salon, «parce que le vin, c’est avant tout de l’humain».