Party de cuisine
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Party de cuisine

Le secteur alimentaire a lui aussi droit au glamour: le mois prochain aura lieu la soirée Les Lauriers de la gastronomie, pour récompenser les talents dans le domaine…

«Comment ça se fait que ça existe pas déjà?» Cette phrase, Christine Plante l’entend souvent depuis les deux années qu’elle travaille à organiser le tout premier gala de l’industrie de la restauration. Après tout, la musique a l’ADISQ, l’humour les Olivier, le cinéma et la télé… «C’est dans l’air du temps. Cette idée devait se matérialiser à un moment, justifie la directrice des Lauriers de la gastronomie. Les galas, ça crée un moment dans l’année où tout le Québec se penche sur une industrie précise, où le public entend de nouveaux noms, découvre ce qui s’est passé… C’est aussi l’occasion d’aborder les enjeux qui touchent cette industrie.»

Le but de ce gala, c’est de montrer que la gastronomie est en train de se faire une place dans la grande famille de la culture. Les Québécois sont aussi créatifs dans l’assiette que n’importe quel autre secteur culturel: la gastronomie est aujourd’hui consommée pour se divertir, en même temps qu’elle construit l’identité. Une identité culinaire québécoise plutôt récente – l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) fête tout juste ses 50 ans cette année – qui a besoin de s’affirmer.

C’est aussi l’occasion de faire se parler différents acteurs d’un même domaine. «Beaucoup de gens contribuent à la grande chaîne de l’alimentation, et ce sont des gens qui n’ont pas forcément l’habitude de se rassembler. Il y a le MAPAQ [ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec] et les grandes sociétés d’État d’un côté, et de l’autre, il y a les petits restaurateurs, les chefs qui essaient de faire marcher leur resto, explique Christine Plante. Faire un gala, c’est l’occasion de communiquer, et de faire la fête autour de la gastronomie. On va se dire qu’on est bons, car c’est vrai.»

Projecteurs sur les coulisses

Parmi la quinzaine de catégories récompensées par des Lauriers, on retrouve bien sûr le Restaurant ou le Chef de l’année, mais aussi des acteurs de la restauration habituellement moins mis en lumière, comme les sommeliers, les serveurs ou les producteurs: «On veut dire merci et bravo à ceux qui sont plus en coulisses. Les chefs ne seraient pas grand-chose sans tous ces gens…» Des Lauriers seront également remis à l’Entreprise de l’année, pour récompenser ceux qui permettent le rayonnement de la culture culinaire québécoise et les initiatives contribuant à la solidifier et à mieux la faire connaître. «Il pourrait autant s’agir du chef Laurent Godbout qui a ouvert sa cabane à sucre en Floride, de Ricardo qui sort un livre de cuisine en France, ou d’un chef qui propose un menu sur les traditions autochtones», indique la directrice du gala.

Caméra à l’épaule, Christine Plante et son équipe ont commencé par aller voir les acteurs du milieu pour leur parler des Lauriers et leur demander ce qu’ils en pensaient. «J’ai pris le temps de faire une job de porte-à-porte avec les premiers intéressés. Et un des premiers retours qu’on a eus, c’est: “Comment ces prix vont être attribués? Est-ce ça va être encore toujours les mêmes, un petit jury qui donne des prix à ses amis?”»

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Pour répondre à cette inquiétude, l’équipe des Lauriers a formé un comité éthique composé de personnes de différents horizons, et Christine Plante a été coachée par la directrice de l’ADISQ pour réglementer l’attribution des prix. Pour voter, une brigade de volontaires a en outre été constituée, à laquelle plus de 500 personnes partout au Québec se sont inscrites. «Le meilleur moyen pour que ça soit juste, c’est que ce soit l’industrie qui se prononce. C’est un processus très neutre qui fonctionne sur le nombre.»

Une brigade qui doit représenter tout le Québec et pas juste la métropole. Car si Montréal a bien sûr une place particulière par le nombre de restos qu’elle abrite, «nos produits viennent de partout, insiste la directrice, et il n’y a pas qu’à Montréal qu’il y a des bons restos!» Pour démocratiser encore le gala, l’équipe a décidé de rendre gratuite l’inscription à la brigade ainsi que la soumission de nominations. «On veut faire un cadeau à l’industrie. Les billets pour la soirée seront aussi à un prix assez modique, entre 50 et 100$.»

Trophées et tapis rouge

L’initiative est déjà appuyée par le MAPAQ, l’Union des producteurs agricoles (UPA), la Société des casinos, Tourisme Montréal, l’ITHQ… «On a plein de grands noms qui croient à nos Lauriers de la gastronomie», assure Christine Plante, qui énumère quelques-uns des noms de la trentaine d’ambassadeurs du projet: les chefs Ricardo et Martin Juneau, le fondateur de Ils en fument du bon Félipé Saint-Laurent, le président de la Tablée des chefs Jean-François Archambault, la critique gastronomique Marie-Claude Lortie…

Le gala aura lieu le 16 avril prochain – un lundi, car c’est soir de congé dans le monde de la restauration –, au Salon 1861, «dans la Petite-Bourgogne, un quartier effervescent en gastronomie». L’organisation prévoit recevoir environ 750 personnes, mais le lieu pourra en accueillir jusqu’à 1500. Si l’équipe travaille actuellement sur un partenariat avec un réseau de télé grand public, la formule de la transmission télévisuelle n’est pas encore confirmée. «Les grands galas québécois s’éloignent aussi doucement de la formule de gala télévisée en direct, ils vont s’en aller vers des formules numériques», assure la directrice.

Les Lauriers se sont offert les services de Roy-Turner, l’agence qui gère les grands galas comme les Olivier, et prévoit un tapis rouge au début de la soirée. «Le glamour, c’est très important! On ne se rend pas compte de la créativité et de la richesse qu’on a en gastronomie, on a une gêne à reconnaître ce domaine comme un secteur culturel. Il faut qu’on fasse ce pas-là. Les artistes adorent se mélanger au monde de la gastronomie… Le secteur est déjà peuplé de vedettes!» L’équipe prévoit déjà une cérémonie des Lauriers pour 2019. Histoire de montrer que la gastronomie est aussi performante que les autres secteurs, et que ce n’est plus un secret.