Portrait de chef : Helena Loureiro
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Portrait de chef : Helena Loureiro

Immigrée portugaise, elle a su faire sa place dans le milieu masculin de la restauration québécoise avec son resto éponyme Helena, son «petit coin portugais», et le Portus 360, «un phare» avec une vue unique sur la ville. Entretien avec une chef qui a les pieds à Montréal et le cœur au Portugal.

Voir : Comment es-tu venue à la cuisine?
Helena Loureiro: J’ai commencé à cuisiner à l’âge de 11 ans, avec ma grand-mère et ma tante. J’ai su très tôt que ça allait être ma vie… La première chose que j’ai faite quand je suis arrivée au Québec, en 1988, ç’a été de m’inscrire à l’ITHQ. J’y ai connu mon premier choc culturel: troquer le sel de mer et l’huile d’olive contre le beurre et la crème.

Ton style de cuisine, en quelques mots?
C’est de la cuisine portugaise. Mais à Montréal, on n’est plus face à la mer, il faut s’adapter… La cuisine portugaise est simple en partant, avec beaucoup de grillades, de fruits de mer, de poissons, de légumes aussi. J’aime garder les vrais goûts en y ajoutant une touche d’innovation.

Quel est ton souvenir culinaire le plus marquant?
La salade de morue salée aux pois chiches! Elle a toujours sa place dans mes menus. C’est un souvenir de ma grand-mère: elle nous préparait cette salade quand elle cuisinait pour le repas du soir, comme collation d’après-midi pour mes cousines et moi. Elle nous servait ça dans un grand bol qu’on partageait…

À part le Portugal, quel pays t’inspire par sa gastronomie?
J’aime la cuisine française, qui demande beaucoup de travail. La Grèce aussi, pour ses délicieuses grillades, et l’Italie avec sa cuisine très simple mais avec beaucoup de saveurs.

L’aliment que tu préfères?
J’adore travailler le poisson et l’huile d’olive. À table, j’aime beaucoup manger des plats mijotés, comme la bouillabaisse.

Un plaisir coupable ou une mauvaise habitude, côté bouffe?
J’ai tendance à manger très épicé et salé… Mais le sucré, ça va, je peux très bien m’en passer.

Un artisan dont tu aimerais souligner le travail?
J’aime beaucoup les petits légumes d’Hector Larivée et le fromage de Charlevoix, de la Maison d’affinage Maurice Dufour. J’aime savoir d’où viennent les choses. Côté chef, il y a Anne-Sophie Pic, qui est une inspiration pour moi. Ici, il y a Marie-Chantal Lepage à Québec et Johanne Vigneault aux Îles-de-la-Madeleine.

Que des femmes… Justement, c’est plus difficile pour une femme de s’imposer dans le milieu de la restauration?
Oui, il y a vraiment plus de travail à faire quand on est une femme. Mais j’ai beaucoup de respect pour les gens, autant pour mes confrères chefs que pour mes équipes; c’est comme ça qu’on s’impose comme femme. Même s’il y a encore beaucoup de travail à faire, et ce, dans tous les métiers, pas juste en cuisine.

Comment on gère l’équilibre vie privée-vie professionnelle, avec les horaires de la restauration?
Mes enfants ont grandi dans le restaurant. Encore aujourd’hui, je ne peux leur donner que le dimanche, car on travaille six jours par semaine. Mais tous les dimanches, on sort ensemble au resto. Mes enfants sont de grands mangeurs et buveurs, ils sont curieux, ils aiment goûter à tout – je crois que c’est quelque chose que je leur ai transmis.

Quel est le plus bel aspect du métier de chef?
Y a pas de routine. On a le meilleur métier du monde! On vend du plaisir… Les gens rentrent toujours au resto de bonne humeur, ils poussent la porte en souriant, car ils s’offrent un bon moment. C’est la plus belle des récompenses.

Le pire inconvénient?
C’est très dur de trouver du bon staff, des gens qui veulent faire carrière dans la restauration et qui ne sont pas juste de passage. Et puis, il faut savoir gérer l’être humain. Entre mes deux restos et ma boutique, j’ai 124 employés…

Tes trucs pour rester en forme, avec ce métier stressant et physiquement demandant?
J’aime beaucoup faire du sport. Je fais de la piscine tous les matins, pendant 45 minutes.

La gastronomie québécoise pour toi, c’est quoi?
Il y a beaucoup de bonnes choses qui se sont développées au Québec ces dernières années: les producteurs, mais aussi la connaissance des clients en cuisine. Avant, je pouvais raconter toute l’histoire d’un poisson en amenant un plat. Maintenant, plus besoin, ils connaissent tout! Je me souviens quand, au début, je servais de la pieuvre… Aujourd’hui, les clients l’appellent «le filet mignon de la mer». Ces temps-ci, tout le monde se met à la cuisine, c’est à la mode, avec les émissions de cuisine, etc. Mais n’oubliez pas d’aller dans des bons restos et de vous faire gâter de temps en temps!