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Saucier + Perrotte architectes : Architecture dynamique

Ils surprennent par leur drôle d’architecture qui n’hésite pas à tordre les lignes de perspective et à définir une véritable esthétique du mouvement. Ils sont derrière de nombreux projets, autant au Canada qu’à l’étranger. Ils collectionnent les prix et distinctions et viennent de rafler le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec. Mais Saucier + Perrotte architectes ont conservé la fraîcheur créative des premiers jours.

Après avoir fait leurs études ensemble, Gilles Saucier et André Perrotte font leurs armes auprès de Mario Saia, ce pilier de l’architecture québécoise qui a récemment reçu la prestigieuse Médaille d’or de l’Institut royal d’architecture du Canada. "C’est quelqu’un qu’il fallait convaincre, en allant toujours plus loin dans le développement des projets, se souvient Gilles Saucier. Saia nous aura finalement appris que l’architecture demande d’abord beaucoup d’effort."

Grâce à cette rencontre, nos architectes apprennent la rigueur et les exigences du terrain. "J’ai appris sur le tas beaucoup plus que pendant toutes mes années d’études", confirme Gilles Saucier. Par la suite, Gilles et André décident de s’associer, car ils partagent le même idéal. Pour eux, l’architecture doit s’exprimer dans un contexte international. Il faut voyager, pas simplement pour construire ailleurs, mais aussi pour être en contact régulier avec des architectes étrangers.

L’Usine C

Dès les premières années de leur association, au début des 1990, ils ont la chance de "rencontrer les bonnes personnes au bon moment", comme le dit modestement Gilles Saucier. Avec des projets comme le Théâtre d’Aujourd’hui ou celui du Rideau Vert, ils brûlent les étapes et font rapidement leur place. Puis, la conception de l’Usine C (un centre culturel multidisciplinaire) leur permettra de passer du théâtre à des projets institutionnels, comme les bâtiments d’enseignement. La suite, on la connaît: des réalisations qui ont fait les manchettes des journaux (comme le pavillon des Premières-Nations au Jardin botanique ou, plus récemment, le pavillon de Musique de McGill) et qui ont valu aux architectes une quarantaine de prix et distinctions, comme en juin dernier, un prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec.

Travail, voyages et créativité

Cette réussite, ils la doivent d’abord à un travail acharné. "L’architecture est une plante à croissance très, très lente", estime Gilles Saucier. À force d’efforts, ils finissent par se bâtir une réputation qui va dépasser les frontières du pays. Ainsi, depuis deux ans, ils travaillent de plus en plus à l’étranger (Asie, Afrique, Moyen-Orient), notamment sur invitation. "Les concours internationaux sont une loterie", souligne Gilles Saucier. L’idéal pour sortir du lot est donc de se faire inviter. Cette année, S+P (Saucier+Perrotte) ont été choisis pour soumettre leur proposition pour un méga-projet de cité universitaire au Nigéria, aux côtés d’architectes renommés comme Massimiliano Fuksas, Rem Koolhaas et Rafael Viñoly. "C’est une expérience unique de croiser des architectes aussi brillants, ne serait-ce que du regard", témoigne Gilles Saucier. Plus près de chez nous, S+P ont été sélectionnés pour concevoir la nouvelle bibliothèque high-tech de l’université de Calgary, ainsi que le Centre national de la montagne en Alberta. En septembre, ils plancheront sur la nouvelle salle de concert de l’OSM.

Si nos deux architectes sont parvenus à se donner un calibre international, ils n’ont pas pour autant renoncé à leur moteur d’origine: la créativité. "On ne veut pas devenir une grosse business, mais continuer à créer. Pour nous, la réussite doit être la conséquence d’un travail créatif, pas une fin en soi", explique Gilles Saucier. Cette créativité, on la lit dans les petits détails du fonctionnement de la firme: la convivialité des rapports entre les membres de l’équipe, un immense tableau noir qui sert de support aux idées inopinées, une ouverture des postes de travail…

Des bâtiments qui racontent le mouvement

Mais cette créativité, on la retrouve d’abord autant dans la démarche des architectes que dans leurs réalisations.

Selon Gilles Saucier, "l’apprentissage de l’architecture, c’est avant tout l’apprentissage de soi-même", et dans ce sens, le travail de l’architecte doit se rapprocher de celui de l’artiste. C’est la Biennale de Venise qui va donner à S+P l’occasion d’une introspection créative. Représentant le Canada en 2004, ils présentent une analyse de leur travail sous la forme d’une série de photographies, de bandes vidéo, de sculptures et de maquettes. En voulant expliquer aux visiteurs leur démarche créative, les architectes se sont surpris à s’aider à mieux cerner l’esprit de leur travail. C’est ainsi qu’une simplification du Collège Gérald-Godin, sous forme d’une maquette en métal noir, sera à l’origine de la proposition que S+P feront plus tard pour le Centre national de la montagne.

Conçu comme une superposition de strates géologiques, ce futur édifice évoque la matière et la structure de chemins de montagne. Car, pour S+P, l’architecture est d’abord une métaphore de l’espace topographique. Par exemple, les ondulations du toit du pavillon des Premières-Nations représentent le sentier séparant la persienne d’épinettes de la forêt de feuillus. Mais l’architecture de S+P ne se contente pas d’imiter la nature. Elle raconte le mouvement dont le visiteur fait l’expérience, en découvrant progressivement les liens entre les espaces. Pour ce faire, les architectes alternent le verre et le métal noir, pour créer des lignes dans l’espace, chacune d’elles symbolisant un mouvement, une direction. "On veut sortir du rapport esthétique à l’architecture, pour travailler davantage sur la morphologie du lieu et les liens s’établissant entre le bâtiment et son environnement", explique Gilles Saucier.

Ni minimaliste ni provocatrice, l’architecture de S+P est une interprétation de l’environnement sous forme d’allégorie du mouvement. Elle se pose sur le paysage comme si on avait voulu y accentuer les principales lignes. Elle nous fait ainsi vivre l’expérience des choses qui nous entourent et que parfois nous ne voyons plus…

www.saucierperrotte.com