Vie

Trott’art : Pochoirs allégoriques

Après l’entrée du Palais des congrès et l’esplanade de la place Émilie-Gamelin, c’est au tour des trottoirs de la rue Ontario de se doter de petits pochoirs colorés pour égayer la grisaille de nos sols bétonnés. C’est une idée originale de l’éco-quartier Sainte-Marie, qui souhaite proposer des solutions à l’embellissement d’un secteur peu avenant.

Trott’art: les trottoirs pour toile

La rue Ontario à l’ouest du métro Frontenac n’a rien de très gai. Il n’y a ni parc ni arbre. Seule une grosse manufacture de tabac trône du haut de ses briques rouges sur ce petit désert urbain. "Les citoyens se plaignaient du manque d’attrait de cette partie du quartier", confirme d’ailleurs Patrick Lamoureux, de l’éco-quartier Sainte-Marie. Du coup, l’organisme à but non lucratif a l’idée de monter un projet d’embellissement, "Trott’art". Patrick Lamoureux et trois autres artistes locaux vont chacun concevoir un pochoir à partir d’une réflexion sur le thème de la pollution de notre environnement. Chaque pochoir se retrouvant en six exemplaire, le piéton se retrouve à suivre sur le trottoir une succession de tableaux allégoriques, abordant à tour de rôle un aspect de la détérioration de notre milieu de vie. Si ce projet-pilote plaît, il reviendra l’an prochain dans une version plus raffinée. "Nous souhaiterions sortir du cadre traditionnel de la murale pour travailler à établir une continuité urbaine, notamment entre différentes rues", explique Patrick Lamoureux.

Quatre tableaux allégoriques

Marc-André Jutras: pollution sonore

Ce touche-à-tout en art visuel, de la peinture à la vidéo, en passant par le graffiti, a opté pour un pied de nez à nos environnements sonores, souvent abrutissants. "Cet été, certains endroits comme le boulevard Saint-Laurent étaient de vrais bouillons de décibels. Il faudrait apprendre à limiter le bruit", déclare l’artiste. Du coup, il décide pour son pochoir de camper un personnage de bande dessinée qui se boucherait désespérément les oreilles pour échapper aux agressions auditives ambiantes.

Valérie Descroisselles-Savoie: allégorie aquatique

Valérie Descroisselles-Savoie: allégorie aquatique.

Cette artiste peintre et sculpteur s’intéresse à l’art-thérapie. Son pochoir a la complexité de ces allégories qui multiplient les symboles pour renforcer leur message. Sur le coin gauche, un draveur tente de mener à bon port une Terre qui rétrécie comme peau de chagrin. Au centre, de noires vagues malmènent un voilier qui s’évertue à tenir sa route, tandis qu’un sablier géant nous rappelle l’urgence de la situation. "Sur le thème de la pollution de l’eau, j’ai voulu montrer que l’équilibre de la Planète devient de plus en plus précaire et qu’il faut agir vite", explique l’artiste.

Nelson Molina: c’est la lutte…!

Nelson Molina: c’est la lutte…!

Contrairement aux deux précédents, Nelson Molina est un artiste au pochoir. Habitué aux images qui doivent frapper les consciences pour se faire une place parmi d’autres, il a choisi une représentation percutante du problème environnemental. Un poing levé, appartenant à une iconographie révolutionnaire, est solidement arrimé au sol par de profondes racines. "J’ai voulu parler du militantisme, ce combat pour l’environnement. Mon pochoir montre que c’est la terre (l’environnement) qui nourrit la lutte et que c’est cette même lutte qui permet à la terre de se renforcer", confie l’artiste.

Patrick Lamoureux: larmes chimiques

Patrick Lamoureux: larmes chimiques.

Ce peintre et illustrateur, qui intervient pour la première fois en extérieur, a choisi la facilité. Une photo personnelle a été reproduite et stylisée pour former un visage qui pleure des cheminées d’usine, sur fond de gros nuages noirs. "Ce n’est pas un message que j’ai voulu faire passer, mais simplement l’expression du sentiment d’angoisse d’un individu face au problème de la pollution chimique".

Vues sur le quartier

Dessiner sur les trottoirs n’aura pas simplement été une nouvelle expérience pour nos quatre artistes. Cela a aussi été l’occasion pour eux de dire leurs coups de coeur et leurs craintes pour le quartier Sainte-Marie. Le Écomusée du fier monde sur la rue Amherst est donné en exemple de belle reconversion de ces anciens bains qui ont gardé la trace de leur passé populaire. Des îlots de verdure qui luttent dans la grisaille urbaine, comme le petit parc Bellerive, ont aussi retenu l’attention pour leur valeur symbolique. Mais c’est l’usine Grover qui a fait l’unanimité. Cette superbe usine de textile reconvertie en ateliers d’artistes avait défrayé la chronique, il y a quelques années, parce que le nouveau propriétaire voulait en faire des condos. Nos quatre artistes trouvent important de préserver ces lieux d’expression artistique qui font aussi partie de notre environnement. Pour l’usine Grover, c’est un combat qui n’est toujours pas terminé…

Pour voir les oeuvres de "Trott’art": rue Ontario Est, entre D’Iberville et Dufresne, du 15 août au 15 septembre 2007.