La philosophie de Judy Dow s’équilibre entre deux mondes: la modernité et la tradition. Question dualité, l’artiste s’y connaît: elle a passé son enfance entre la ville et la forêt. Ses étés, elle les passait dans les îles du lac Champlain, dont les routes appartenaient à sa famille élargie. Entourée de ses grands-parents, cousins et oncles abénaquis, elle vivait en harmonie complète avec la nature. "Nous pêchions pour nous nourrir et nous ramassions de petits fruits sauvages pour faire des tartes!" se souvient-elle. Une fois l’automne arrivé, la vie urbaine de Burlington emboîtait le pas pour le reste de l’année.
Forgée par une enfance à cheval entre deux univers, Judy Dow a développé une philosophie artistique unique, qui prône l’adaptation de l’environnement actuel aux techniques traditionnelles de vannerie. Depuis huit ans, elle enseigne la fabrication de paniers. Par son artisanat, elle inculque sa vision des choses. "En utilisant des matériaux recyclés, je montre l’importance de penser à l’environnement. Mais ça va plus loin que ça. Par exemple, en propageant les techniques utilisées par mes ancêtres, j’enseigne aussi l’histoire."
La peur de la modernité
En utilisant des matériaux contemporains, Judy Dow fait figure d’exception chez les artistes amérindiens. "Ça m’attriste de voir que la majorité des artistes autochtones ne pensent pas comme moi. Du moins, peut-être sont-ils d’accord, mais ils refusent de le montrer. Ils ont peur de se faire dire qu’ils ne sont pas de vrais Amérindiens." Pourtant, le statut autochtone de Judy Dow n’a jamais été mis en doute. Si bien que le Gouverneur général du Vermont l’a nommée au sein de la Commission des premières nations. "Je comprends ce qu’est la modernité et je crois qu’il est essentiel de s’y adapter. L’adaptation est une tradition en soi. Le seul moyen de ne pas perdre nos techniques, c’est de s’adapter aux changements, qu’ils soient économiques, environnementaux ou sociaux."
L’adaptation abénaquise en trois exemples, selon Judy Dow
Un exemple concret des conséquences négatives de refuser de s’adapter?
"Traditionnellement, nous utilisons le frêne pour faire des paniers. Mais ce type d’arbre est en voie de disparition aux États-Unis. Si les artisans n’adaptent pas leurs techniques à de nouveaux matériaux, que vont-ils faire quand il n’y aura plus de frênes? Je crois que les techniques vont disparaître, tout simplement."
Un exemple d’adaptation technologique?
"J’ai brisé un outil, qui traditionnellement était utilisé pour travailler le bois de frêne. C’est un outil essentiel pour faire des paniers. Le seul moyen pour en avoir un autre était d’attendre un an qu’un artisan m’en fabrique. Je n’ai pas voulu patienter et je me suis mise à utiliser une machine à pâte à la place. Je m’en sers pour couper des matériaux recyclés et naturels. Ça donne un excellent résultat. En adaptant à la fois le matériel et les outils, je crois que les techniques de fabrication de paniers et l’héritage abénaquis vont survivre."
Un exemple d’adaptation sociale?
"Les rencontres de femmes, c’est une tradition chez les Abénaquises. Nous passons du temps ensemble à faire de l’artisanat en se racontant des histoires. Auparavant, c’était très fréquent et spontané. Les femmes étaient toutes dans le même village et s’assoyaient dans une tente. Afin de perpétuer la tradition, j’organise des week-ends de filles. Aujourd’hui, c’est quelque chose que l’on doit préparer d’avance, que l’on doit marquer sur le calendrier. Nous nous sommes adaptées en fonction de nos styles de vie occupés."
Judy Dow fera son atelier de fabrication de paniers les 1er, 2 et 3 septembre au Jardin des Premières-Nations du Jardin botanique de Montréal.
Le jardin des Premières-Nations propose également jusqu’au 31 octobre l’exposition Aventure design et culture autochtone, dans laquelle des artistes autochtones intègrent de manière intéressante l’art contemporain à l’art traditionnel. Info: http://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/premieres_nations