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Pointe-à-Callière : Les aventuriers du fort perdu

Après bien des années de fouilles sur le site de l’ancienne Pointe-à-Callière, le musée a fait le bilan de ses trouvailles. Découverte de trésors cachés.

DEUX DÉCENNIES DE FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES

À la fin des années 1980, un grand chantier de fouilles archéologiques se met en place sur la place Royale dans le Vieux-Port. On y trouve des vestiges datant de l’époque des premiers colons français et du régime britannique. Il y a d’abord des objets de la vie quotidienne (vaisselle, bouteilles, pointes de projectiles, pipes en terre cuite et en plâtre, jouets…), mais aussi des ouvrages de maçonnerie, comme les traces des premières fortifications de Montréal du XVIIIe siècle). À l’occasion du 350e anniversaire de la ville, en 1992, on inaugure le musée Pointe-à-Callière. Le résultat des fouilles pourra ainsi être convenablement présenté au public, y compris ce qui est considéré comme le premier cimetière canadien-français de Montréal, sur lequel le musée est bâti. Mais on n’en reste pas là. Après avoir fait l’acquisition, en 1998, d’un ancien entrepôt maritime, au 214 Place d’Youville, le musée relance le programme de fouilles. Le bâtiment recèle dans ses fondations inviolées des trésors que les étudiants en archéologie de l’Université de Montréal vont entreprendre de mettre à jour, à partir de 2002. En 2007, seul un tiers des sous-sols de l’entrepôt a fait l’objet de fouilles. Il y en a encore pour 10 ans…

À LA RECHERCHE DU FORT PERDU…

On est en droit de se demander pourquoi on continue les fouilles. N’a-t-on pas suffisamment de perles, de chaudrons et autres tomahawks? Peut-être. Sauf qu’il n’est pas tant question d’étoffer cette collection d’artefacts que de déterminer l’emplacement du fort Ville-Marie, le premier établissement canadien-français à vocation permanente à Montréal. Or, l’enjeu est de taille puisque non seulement aucun écrit d’époque ne précise sa localisation ni ses dimensions, mais aussi la surface de l’ancienne pointe à Callière est importante (du musée jusqu’à la rue McGill). Or, en 2004, dans le sous-sol de l’ancien entrepôt de la place d’Youville, les archéologues de l’Université de Montréal révèlent un puits, dont la localisation à l’intérieur du fort Ville-Marie est confirmée par un acte notarié de 1658. En 2005, on identifie ce qui pourrait être une cuisine, avec son four à pain et son garde-manger. Les deux années suivantes permettent de mettre en évidence ce qui serait un atelier de forgeron. C’est donc tout récemment que l’on est parvenu à faire avec certitude l’ébauche d’un fort dont la construction remonterait à quelques 365 ans. Et la route est encore longue avant d’en préciser le contenu, sans parler des contours…

LA NAISSANCE D’UNE FUTURE MÉTROPOLE

On peut s’interroger sur la pertinence de faire renaître un vieux fort qui n’a, après tout, duré que trente-deux ans. En fait, plusieurs enjeux majeurs sont liés à ces fouilles. D’abord, il y a la valeur symbolique du fort. Comme le souligne Sophie Limoges, directrice de la conservation et de l’éducation au musée Pointe-à-Callière, "avec le fort Ville-Marie, c’est la première fois que des Canadiens français montrent l’intention d’habiter ce qui deviendra Montréal. À ce titre, ce site est fondateur des origines et de l’identité de Montréal." En outre, ce site a une valeur historique indéniable. Le fort Ville-Marie servira, en effet, de centre administratif de la Nouvelle-France, en y logeant notamment le gouverneur de Montréal qui cumulera parfois aussi les fonctions de gouverneur de la Nouvelle-France. C’est aussi sur ce site que le gouverneur Louis-Hector de Callière négociera la Grande Paix de Montréal de 1701, qui mettait fin à près d’un siècle d’hostilités entre les Iroquois et les Français. Pour finir, il est aussi à noter que ce site a une valeur archéologique inestimable. "Le XVIIe siècle étant très peu documenté au Québec, seule l’archéologie peut améliorer notre connaissance de la façon dont les gens vivaient à l’époque", fait remarquer Sophie Limoges.

C’est donc grâce à ces fouilles que l’on pourra peut-être savoir non seulement à quoi ressemblait Montréal à ses débuts, mais aussi comment on y vivait. Le musée Pointe-à-Callière projette de mettre en évidence l’égout collecteur de 1832 (dont on voit un petit bout dans le sous-sol de l’édifice) jusqu’au site des fouilles actuelles. Peut-être alors qu’un jour nous pourrons nous promener sous terre, pour revivre un peu le quotidien des premiers colons d’une métropole embryonnaire…

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