Le petit milieu de la mode québécois, où les mêmes noms reviennent toujours sous la plume des journalistes, devra désormais compter Helmer. Les pièces de sa première collection sont d’une simplicité qui en dit long sur la virtuosité du créateur. Ici, une jupe arbore coquettement une grappe de plis, que trois petites pinces judicieusement placées suffisent à créer. Pas de coutures à l’avant. Et la jupe tombe parfaitement. Même chose pour les manteaux d’automne impeccablement coupés, précis jusqu’à l’obsession. "Quand on sort du langage académique classique, quand on n’a pas de contraintes techniques, on peut aller très loin", soutient Helmer. C’est que lui-même est un touche-à-tout qu’aucune technique ne rebute. La couture, la broderie, le tissage, le macramé, la chapellerie… il sait tout faire. "Je me suis donné comme but de tout comprendre, par curiosité", dit-il.
On le devine perfectionniste; il l’est. Il assemble ses prototypes en toile de coton directement sur le mannequin, au lieu de simplement les dessiner à l’ordinateur puis de les envoyer à l’usine. C’est une technique de haute couture, plus longue mais plus minutieuse. Mais pour Helmer, passer des dizaines d’heures sur un vêtement est un plaisir. En témoigne cette robe de mariée brodée à la main, ou ce haut asymétrique dont le tulle a été tellement travaillé que la texture en est devenue riche, opulente. "La mode, c’est une question de vocation, de passion, dit-il. Pour s’accrocher, il faut vraiment maîtriser son travail."
D’UN DÉFI À UN AUTRE
Quand il avait 15 ans, Helmer habitait en Haïti et rêvait de faire de la couture pour femmes. Il a appelé une école, a longuement parlé avec une dame à l’accueil, pour finir par apprendre que l’école n’acceptait que des filles. Il a donc commencé dans la confection de tailleurs pour hommes. Puis, il est passé par la Jamaïque, où il s’est spécialisé en robes de mariée. Arrivé à Montréal, il a suivi une formation au collège Lasalle pendant six ans en cours du soir, tout en travaillant à temps plein en même temps, et en glanant çà et là quelques ateliers sur le tissage ou le macramé. Il a fini par suivre une autre formation à Paris et par travailler dans les ateliers de haute couture pendant plus de vingt ans. Pourquoi est-il revenu au Québec? Ce n’est pas faute de travail, mais il voulait lancer sa propre collection – à coût moins prohibitif que de l’autre côté de l’Atlantique. "Je trouve que Montréal est idéalement située pour être un tremplin vers l’international, dit-il. Je pense qu’on peut assez facilement vendre à New York à partir d’ici." Sans compter, dit-il, qu’un organisme comme Sensation Mode, qui organise la Semaine de la mode de Montréal, offre un soutien et des tarifs exceptionnels aux designers qui y participent.
En ce qui concerne le design au Québec, Helmer croit que les designers d’ici ont justement une place à prendre au niveau international. Les Belges et les Japonais ont bien fait la leur, alors pourquoi pas les Québécois? "Il y a beaucoup de gens à Montréal qui ont une vision internationale de la mode, affirme Helmer. Il faut maintenant un regroupement de designers pour créer un intérêt sur la scène internationale." La seule chose qui le choque, c’est le manque d’attention qu’on accorde ici à la coupe. À la réouverture de la boutique de Dubuc, avec lequel il a travaillé comme patronnier pendant trois ans, "personne n’a remarqué que les manches des manteaux étaient mieux que chez Prada". Vous jetterez un coup d’oeil sur celles de Helmer: intégrées au manteau et non pas rajoutées à partir de l’épaule, elles ont clairement été réglées au quart de tour, et conçues par un architecte amoureux du tissu.
Helmer
55, avenue du Mont-Royal Ouest
Tél.: 514 448-1597
Des cours (modélisation, volume, patronnage) sont également offerts.