Vie

Le verre : Le verre dans tous ses états

Depuis François Houdé, le verre s’est émancipé au Québec de sa fonction utilitaire et trouve une poésie dans ses imperfections. Les expositions actuelles à l’Espace Verre et à la galerie Elena Lee illustrent bien sa merveilleuse polyvalence.

AUTOUR D’UNE TABLE

L’exposition d’automne de la galerie de l’Espace Verre, "autour de la table", nous entraîne dans un univers où les objets de la table prennent des libertés mutines par rapport à leur fonction première.

Il y a les artistes qui conservent à leurs créations une utilité apparente, bien que souvent hésitante. Élisabeth Marier prend ses assiettes pour des toiles sur lesquelles elle peint à grands traits rugueux. Guy Martin creuse et galbe de grosses pièces à la transparence liquide pour évoquer de vagues plateaux. Plus sages en apparence, Cédric Ginart et Patrick Primeau nous offrent des verres qui rendent plus floue la frontière entre art et design. Le premier perche ses coupes sur de longues jambes fines et en sillonne le verre de lignes torsadées multicolores. Le second, fort de sa capacité à combiner force et délicatesse (qualité qui lui a valu le Prix François-Houdé de 2004), repense les coupes vénitiennes, en fichant sur de robustes pieds opaques des paraisons au camaïeu raffiné.

Il y a d’autres artistes qui préfèrent jouer carrément avec ce que le verre recèle de légèreté dans tous les sens du terme. Maxime Vaillancourt nous fait croire à des bouteilles de plastique et à des revolvers fichés dans une gangue minérale. Catherine Labonté promène sa famille de lapins sous une cloche où s’envolent des carottes en pâte de verre. Christina Mayr s’amuse de l’équilibre précaire d’un bol qu’elle perche sur une structure bancale qu’elle veut faire passer pour table. Pour finir, Vanessa Yanow marie le verre et le tissu, pour faire flotter dans l’espace ces drôles d’anthozoaires aux tentacules rouge vif.

JARDIN CÉLESTE

Si le verre est ludique, Annie Cantin s’en donne à coeur joie. Avec ses nouvelles créations, exposées à la galerie Elena Lee, l’artiste s’amuse de la relativité de nos perceptions, en jouant sur la confusion des matières, fusionnant verre et lumière. Disposés à la verticale, comme s’ils sortaient du mur, de drôles de petits animaux ou de plantes aux couleurs vives se contorsionnent dans des jeux de lumière et des reflets de soi-même. S’agit-il de petites algues bulbeuses qui semblent en caoutchouc, ou de lutins démembrés qui nous dévisagent de leur oeil globuleux sans pupille? En nous rapprochant de ces étonnantes sculptures, de petits miroirs placés dans les pièces de verre nous renvoient l’image de notre propre perplexité.

C’est dans le nord de la France qu’Annie Cantin a l’idée de cette nouvelle collection, alors qu’elle fait une résidence de deux mois, en début d’année, au musée-atelier du verre de Sars-Poteries. Souhaitant depuis longtemps marier le verre, les miroirs et la lumière artificielle, elle s’engage dans l’exploration d’un univers qu’elle baptise "lucioles". Mais c’est une exposition de photographies sur les météorites qui va lui donner l’idée de s’inspirer des constellations qui peuplent la voix lactée pour composer son "jardin céleste" (du nom de l’exposition du musée français).

Exposition Autour de la table
Jusqu’au 11 janvier 2008
À la galerie de l’Espace Verre (1200, rue Mill, Montréal, www.espaceverre.qc.ca)

Exposition d’Annie Cantin
Jusqu’au 23 octobre 2007
À la galerie Elena Lee (1460, rue Sherbrooke Ouest, Montréal, www.galerieelenalee.com)