Vie

Made in China : L'envers de l'étiquette

Dans l’assiette comme dans la garde-robe, le local a la cote. Le hic, c’est qu’on oublie souvent de lire nos étiquettes… Et que de plus en plus de fringues montréalaises sont made in China. Mini-enquête.

Le concept d’achat local fait tranquillement son chemin dans notre esprit surchargé, qui récupère à peine du trend bio à l’os. Depuis peu, on achète des tomates heirloom et des laitues ayant pris racine dans un rayon de 25 km de la ville, maximum.

Du côté des vêtements, il y a un moment qu’acheter "québécois" fait partie de notre vocabulaire. Sauf que ça devient de plus en plus difficile de s’y retrouver. Des exemples récents? Les super sacs à main végétaliens Matt & Natt Montréal sont désormais faits en Chine. Station 8, le nouveau label de prêt-à-porter pour hommes dessiné par Ève Gravel? Made "à l’extérieur du pays". Sans parler d’une certaine partie de la production de Rudsak, d’Orage, de Louis Garneau, de Peerless et de l’entièreté des marques comme Souris Mini, Foxy Jeans et Parasuco.

"Je fais confectionner Station 8 à l’extérieur parce qu’il m’est super difficile de trouver de la main-d’oeuvre ici, explique Ève Gravel. Cette ligne est plus commerciale, je dois donc fournir un certain volume aux boutiques. La production est beaucoup plus rapide, efficace et moins coûteuse dans les pays d’Asie, entre autres parce qu’ils possèdent des machines que nous n’avons pas ici et qui permettent, par exemple, de faire une poche en moins de deux. Et la qualité de la confection est souvent irréprochable."

Naguère, les shops du Mile-End sur les rues Casgrain et de Gaspé, où se situent entre autres les ateliers de la designer, abritaient des milliers de machines à coudre et autant de paires de mains qui les manoeuvraient. Aujourd’hui, ces immenses planchers sont déserts. Chaque année, c’est une dizaine de milliers d’emplois qui disparaissent dans le milieu manufacturier au Québec.

Et nul doute que le cercle est vicieux: moins il y a de main-d’oeuvre, plus les coûts de production augmentent. "C’est une réalité à laquelle il vaut mieux s’habituer, croit Gravel. J’en suis aussi à faire des sondages auprès de la clientèle de la marque Ève Gravel, afin de décider si bientôt je ne ferai pas affaire avec le Portugal, l’Inde ou la Chine. C’est triste, mais c’est ça l’avenir. Le création se fait ici, mais la production, c’est à l’étranger que ça se passe."

L’ÉTHIQUE DE L’ÉTIQUETTE

Alors que plusieurs designers ferment boutique et que tant d’autres vivotent ou doivent souvent faire preuve d’une grande retenue quant à leurs élans créatifs, on est tenté de croire à la théorie. Cette année seulement, Falbala et Denis Gagnon on dû mettre du plywood dans les vitrines de leurs ateliers-boutiques, semant la consternation dans le milieu et chez les fashionistas montréalaises.

Mais il ne faut pas chercher longtemps pour trouver d’irréductibles Gaulois. C’est le cas entre autres de Martin Delisle, cofondateur de Blank, une ligne de vêtements faits 100 % au Québec. "Blank est né d’une frustration. Avant, j’achetais mes chandails au Château et c’était fait au Canada. Je payais mon t-shirt, disons, 40 $. Aujourd’hui, le t-shirt est produit en Chine et il coûte le même prix. Qui, croyez-vous, a fait des économies? Pas nous!"

Si bien que Delisle a mis sur pied un système de production locale à 100 %, depuis le tricot de ses mélanges de coton-poly à la pose de l’étiquette. "Tout se passe dans un rayon de 20 kilomètres. C’est possible. Il suffit d’accepter d’en mettre un peu moins dans ses poches."

FASHIONISTAS RESPONSABLES

Bon, bon, bon, pas question de boycotter nos créateurs! N’empêche, pour ceux qui sont de l’école "acheter, c’est voter", il existe des sites de référence tels qu’ethiquette.ca, un outil Web pour consommateurs en quête de produits et services responsables.

En lançant son site, Tom Liacas, codirecteur d’Ethiquette, voulait démontrer qu’il était possible de se vêtir de pied en cap de vêtements faits au pays. "On croit qu’il faut souligner cet entêtement qu’ont certaines marques à garder leur production ici. On pense que toute la question d’achat local ne sera pas qu’une mode passagère. La valeur sociale ajoutée aux produits fait partie intégrante de l’image de marque de plusieurs labels. Et puis les clients sont fidèles, entre autres parce qu’ils se sentent respectés."

À vos consciences, prêts, achetez!

LE CARNET D’ADRESSES /

Station 8
Dessiné ici, fait à l’extérieur
Points de vente: www.station8clothing.com

Blank
Pensé ici, fait ici
Points de vente: www.portezblank.com