UN CONDENSÉ D’ARCHITECTURE ET D’HISTOIRE
Lorsqu’on regarde la place d’Armes aujourd’hui, avec ses attroupements de touristes et ses grappes d’employés échappés des immeubles à bureaux avoisinants, on a du mal à s’imaginer son importance. Or sa valeur est liée autant à sa situation géographique qu’à son caractère historique et patrimonial.
C’est d’abord la deuxième plus ancienne place publique de la Métropole, après la place Royale. Créée par les Sulpiciens en 1693, elle va changer d’usage et de physionomie, jalonnant son histoire d’édifices d’époques et de styles différents, qui composent ainsi pour nous une sorte de petite histoire architecturale de Montréal. Du Séminaire de Saint-Sulpice de 1687 au gratte-ciel de la Banque Nationale de 1967, en passant par l’édifice Art déco Aldred ou le bâtiment néoclassique de la Banque de Montréal, c’est un condensé du développement de Montréal qui nous est offert dans un même lieu.
Cette place a connu une succession d’aménagements, qui vont la faire passer, en trois siècles, d’une place publique, qui sert à l’occasion aux manoeuvres militaires (d’où le nom de place d’Armes), au lieu de rassemblement touristique que nous connaissons aujourd’hui. Le premier aménagement, qui va lui donner sa configuration actuelle, date du milieu du 19e siècle. L’un des premiers squares victoriens de Montréal y est installé, avec ses allées bordées d’arbres, sa fontaine centrale et sa clôture de fer forgé. Après la Première Guerre mondiale, ce jardin est rasé pour faire de la place une plaque tournante du transport public montréalais, où vont converger jusqu’à 26 lignes de tramway. Finalement, dans les années 1960, on reconstruit une place, en l’identifiant physiquement par une surélévation importante et d’imposants bacs de granit.
UN ATELIER DE DESIGN URBAIN
La place d’Armes étant au coeur de l’ancienne ville fortifiée, déclarée arrondissement historique par le gouvernement du Québec en 1964, il était logique qu’elle bénéficie aussi des effets de l’entente de 1979, entre la Ville de Montréal et le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, sur "la mise en valeur du Vieux-Montréal et du patrimoine montréalais". La réfection de la place a donc été prévue pour 2008. Encore fallait-il savoir comment procéder!
Plutôt que d’utiliser la méthode traditionnelle des appels d’offres, l’originalité de la démarche de la Ville aura été d’amener une réflexion collective en amont d’un processus de réaménagement, en mettant sur pied un atelier de design urbain. L’idée est récente à Montréal et n’est peut-être pas étrangère à la nomination de la Métropole l’an dernier comme Ville UNESCO de design. "Une Ville UNESCO de design n’est pas une ville de design comme Paris ou Milan, mais une ville qui démontre par ses ressources et ses actions un potentiel de développement par le design", souligne Marie-Josée Lacroix, commissaire au design de la Ville de Montréal. L’important est donc de savoir fédérer les énergies autour de projets communs. C’est le but de l’atelier de design urbain.
L’automne dernier, pour la première fois à Montréal, plusieurs équipes multidisciplinaires, constituées de designers, d’architectes et d’artistes, se sont penchées sur le projet de revitalisation du vieux quartier ouvrier de Griffintown, dans le sud-ouest de la ville. Après une charrette de trois jours, elles ont présenté au public le résultat de leurs réflexions sur l’aménagement du quartier. Aujourd’hui, sur les quinze équipes qui ont proposé leur participation, trois travailleront sur le projet de réaménagement de la place d’Armes.
PENSER LA VILLE ENSEMBLE
Pour faciliter le débat public et la transparence du projet, ce nouvel atelier urbain a été sensiblement amélioré par rapport à celui de Griffintown. Cette année, le bureau Design Montréal, qui a l’initiative de l’exercice, a voulu donner au public la possibilité d’intervenir avant la présentation finale des propositions des équipes, au Palais des Congrès. Ainsi, pendant toute la durée de l’atelier, les fruits de la réflexion des concepteurs seront exposés à la galerie d’architecture MONOPOLI, sur un mode de renouvellement continu du travail présenté. Au même endroit, il sera possible de venir rencontrer les professionnels, lors de "midi-rencontres".
En parallèle, le public est invité à s’exprimer sur certains enjeux de l’aménagement de la place d’Armes. En allant sur le site de l’atelier de design, chacun pourra ainsi donner son avis sur ce qu’il faudrait garder de la place actuelle, sur l’intérêt de faire renaître les anciennes vespasiennes souterraines des années 1930 ou sur ce qui pourrait agrémenter le lieu en hiver…
Pour donner la parole à tous, il est aussi prévu que les étudiants aient leur mot à dire. Lors d’une soirée imaginée sur le mode très actuel "Pecha Kucha" (succession de présentations rapides dans une ambiance festive), les étudiants en aménagement et en design des universités de Montréal, McGill, Concordia et l’UQAM prendront la parole.
C’est ainsi toute une ville qui pourra participer à la redéfinition de l’un de ses espaces publics. Une première…
Tout le détail de la programmation sur
www.vieux.montreal.qc.ca/placedarmes/programmation.htm