Il y a de ces moments où l’on devrait tout simplement dire non. Mais offert si gentiment, il était difficile de refuser le cappuccino du café Saint-Siméon. Non pas que la boisson ne soit pas sublime. Mais peut-être aurait-il mieux valu ne pas mélanger les plaisirs, parce qu’enfin, une entrevue avec Stefano Faita, digne fils d’Elena Faita et figure de proue de la Quincaillerie Dante, peut faire l’effet d’une triple dose d’expresso.
À la Mezza Luna, un appartement-école de cuisine familiale où il enseigne depuis plusieurs années, celui qui s’est fait connaître du grand public comme étant "le gars des pizzas" de l’émission À la di Stasio a tenté de rester assis sur un tabouret tout le long de l’entretien, une tâche visiblement difficile pour ce quincaillier-cuisinier verbo-passionné, surtout lorsqu’il doit parler de son livre Stefano Faita – Entre cuisine et quincaillerie. "Je ne sais pas si c’est comme ça pour la plupart des gens qui rédigent un ouvrage, mais moi, lorsque je feuillette mon livre page par page, je me dis que je n’aurais pas pu faire mieux!" lance-t-il avec un enthousiasme qui le fait déjà se lever debout.
"Ce livre-là, c’est du Stefano tout craché, reprend-il aussitôt. C’est Martin Picard (le chef du Pied de cochon) qui me l’a dit un soir où on est allés prendre une bière aux Verres stérilisés pour qu’il voie les épreuves. Il m’avait bien averti que ça ne devait pas ressembler à du Jamie Oliver!" Pour Stefano, c’est le livre (lancé l’an dernier) de son mentor, Martin Picard, qui a ouvert l’univers des possibles en matière d’ouvrages culinaires. Qu’on le comprenne bien, Entre cuisine et quincaillerie n’a rien à voir avec Au Pied de cochon, l’album. Cependant, les ouvrages ont ceci de parents que la personnalité de leurs auteurs respectifs est imprimée sur chacune des pages et que leurs contenus transcendent tous deux la formule traditionnelle qui se borne aux ingrédients et aux modes de cuisson.
DE LA QUINCAILLERIE AU SALON DU LIVRE
Onze mois ont suffi à cet hyperactif de la spatule pour assembler les recettes et les listes exhaustives des ingrédients et instruments de base pour cuisiner à la Faita. Ce qui a donné le coup d’envoi à cette ambitieuse entreprise? "Un jour, celui qui allait devenir mon éditeur m’a invité à prendre un verre (tiens, tiens!) au Réservoir. Il devait savoir que c’était la meilleure manière de me faire marcher dans un projet comme celui-là, confie l’homme de 31 ans. Après quatre pintes de Coup de grisou, j’étais super motivé."
Mais à l’heure où les livres de recettes s’empilent au rayon des best-sellers, comment Stefano a-t-il cru pouvoir faire ressortir le sien du lot? Personne ne lui a encore posé cette question. Il hésite, puis se lance dans une explication en trois volets. "Premièrement, je crois bien qu’il n’existe pas ici quelque chose de concret par rapport à la cuisine italienne au quotidien. Deuxièmement, je travaille à la Quincaillerie et à l’école de cuisine depuis longtemps et je crois que c’est juste d’affirmer qu’il y avait vraiment une demande pour ça. Ce que je veux dire, c’est que ça fait 14 ans que l’école roule et c’est toujours plein. Troisièmement, je pense vraiment que c’est quelque chose d’unique, ce livre, parce que ça parle de mon noyau, c’est mon histoire."
Et littéralement, ça l’est, car plusieurs pages du bouquin sont consacrées au récit de son italienne de famille. En racontant sa petite épopée, Stefano a voulu répondre à plusieurs questions que lui posent les clients de la Quincaillerie: Pourquoi des armes à feu à côté des machines à pâtes? Le magasin appartenait-il à ton grand-père? "Je pense qu’il était temps de synthétiser un peu tout cela. Le commerce qu’a ouvert mon grand-oncle Raffaele va avoir 51 ans. C’est donc juste de dire que c’est une institution, dans le quartier. Et puis, l’histoire des Vendittelli-Faita y est intimement liée." Ces petites fresques simples et touchantes ont d’abord été rédigées en anglais par Stefano qui a été éduqué dans la langue de Shakespeare, puis traduites par Jean-François Boily, qui avait aussi signé les textes du livre Au Pied de cochon, l’album.
Ajoutez à cela quelque 83 recettes de sandwichs, de pâtes, d’antipasti et plats cuisinés, des photos granuleuses et chaleureuses – dont plusieurs d’un Stefano aussi extatique que dans la réalité – et même des trucs pour séduire les beaux-parents et vous obtenez un livre profondément enraciné dans la "vraie vie" du vendeur-touilleur le plus passionné de la Petite-Italie.
Entre cuisine et quincaillerie
de Stefano Faita
Ed. Trécarré, 2007, 192 p.
En librairie et à la Quincaillerie Dante
(6851, rue Saint-Dominique, coin Dante)