Vie

Hochelaga : Douce vie

Si le quartier Hochelaga se développe avec raffinement, la pauvreté y sévit encore. Qu’importe, c’est à cette dualité qu’il doit son charme.

Résident du quartier depuis quatre ans, Raphaël-Lune connaît bien Hochelaga-Maisonneuve. Au fil des ans, il a senti une nouvelle vie de quartier s’y introduire. "En fait, c’est comme s’il y avait deux vies de quartier. Il y a celle que je connais moins et il y a celle des jeunes trentenaires, comme moi, qui arrivent dans le coin." Cette bordée de jeunes professionnels est certainement attirée par les nouvelles constructions qui foisonnent ici et là. Ce qui amène un désavantage évident pour les résidents de longue date: l’augmentation graduelle du prix des loyers.

Est-il vrai que les nouveaux arrivants et les natifs s’affrontent? "Ça m’est déjà arrivé de sentir le ressentiment des autres à mon égard, mais ce n’est pas flagrant. J’ai entendu des histoires et j’ai lu sur le sujet, mais je ne l’ai pas vécu comme tel. C’est sûr que depuis que les nouveaux arrivants ont décidé d’appeler le quartier Homa pour faire plus "chic", ça fait un peu prétentieux et ça agace certains résidents. Je les comprends tout à fait."

Une chose est claire, Raphaël-Lune, qui ne se considère pas "Homa", aime son quartier. C’est paisible; les rues sont larges et boisées; les appartements sont spacieux et abordables. "La seule chose qui me dérange, c’est que, malgré tout, le quartier est encore impopulaire. La plupart de mes amis habitent d’autres quartiers, et peu de monde aime l’idée de venir passer la soirée dans Hochelaga… Pourtant, ce n’est pas si loin!"

PROMENADE DE QUARTIER

Question de dévoiler les bons côtés d’Hochelaga-Maisonneuve, Raphaël-Lune nous livre son carnet d’adresses. Une des grandes raisons pour lesquelles il apprécie son coin est la proximité du marché Maisonneuve. "Il y a tout là-bas: boucherie, fruiterie, fromagerie. Il y a également le magasin d’aliments naturels Vrac Merci, où j’aime aller, et j’adore les millefeuilles de la boulangerie Première Moisson." Les jours où l’envie de cuisiner est à zéro, il aime le Baguette et Bagatelle, rue Ontario. "C’est un bon petit resto, tout près du marché Maisonneuve. On y mange des paninis, des baguettes, des sandwichs de bonne qualité. C’est très beau à l’intérieur." Mais là où le décor vaut réellement le détour, c’est au restaurant Cabotins, situé rue Sainte-Catherine. "Les pattes du comptoir, ce sont des jambes de mannequins. Ils utilisent des chaussettes – propres – pour faire des serviettes de table, les lumières au plafond sont des abat-jour à l’envers… Bref, la déco est très hétéroclite. On se sent en plein décor de théâtre. Et bien entendu, la cuisine, de type française, est excellente." Malgré son amour de la bonne bouffe, Raphaël-Lune ne s’en cache pas, il aime bien le fast-food du Gerry’s Restaurant Delicatessen de la rue Ontario, où l’on se targue d’avoir le meilleur smoked-meat de l’est de la ville. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas pour cette raison que notre résident y va. "C’est plutôt quand je veux un vrai de vrai cheeseburger. Ça fait du bien une fois de temps en temps." Une autre chose qui, avec modération, ne fait de mal à personne, c’est la bière. "J’aime beaucoup aller prendre un verre au Bistro Invivo, rue Sainte-Catherine. On y offre plusieurs bières québécoises, on y présente des shows; c’est une place très intéressante qui diffère des tavernes "Bienvenue aux dames"."

En fait, les dames sont sûrement mieux dans les tavernes, car Hochelaga-Maisonneuve n’est pas le quartier rêvé pour faire les vitrines. "D’ailleurs, il y a beaucoup de vitrines vides… Mais j’aime bien la boutique Cul-de-sac. Il y en a une sur Saint-Laurent, une sur Mont-Royal et une ici aussi, sur Sainte-Catherine Est, à quelques rues à l’ouest de Pie-IX. Ils donnent dans la mode recyclée. Les vêtements sont "rénovés" avec goût; j’aime bien ce qu’ils ont."

NOTRE 4 1/2 DANS HOCHELAGA

Non, Raphaël-Lune n’habite pas un de ces nouveaux condos d’Homa. Il loue plutôt un coquet 4 1/2, rue William-David, avec sa douce moitié, Janou-Eve. On craque à coup sûr pour les superbes boiseries foncées – les originales – et les portes en bois de la même couleur. Si les boiseries rappellent une autre époque, il faut voir la cuisine. "L’autre jour, en y entrant, un ami a lancé: "C’est la cuisine de Maurice Richard!". C’est vrai qu’elle fait très années 1940. Dans cette pièce, tout est d’origine. Le comptoir est en bois et ne monte pas plus haut qu’une table. Et l’évier, en porcelaine blanche, est super profond. Il est typique d’une autre ère. Il est beau, il donne du cachet, mais… chaque fois que je fais la vaisselle, j’ai mal au dos!"