Vie

Guillaume La Brie : Quand les objets se déforment

Lorsque, la tête en bas, on regarde un objet, est-ce nous qui altérons notre perception ou est-ce celui-ci qui se déforme? Guillaume La Brie nous donne matière à réflexion avec sa nouvelle installation à la galerie de l’UQAM.

Guillaume La Brie est un artiste visuel d’un genre inhabituel. Plutôt que de créer des objets dont la vocation serait d’être exposés dans de blanches galeries, il se demande ce que deviendrait notre perception de ces objets si d’aventure on déformait l’espace qui les accueille. "Le lieu a une incidence sur la façon de percevoir un objet et, donc, sur l’identité de celui-ci", pense l’artiste.

Pour nous en convaincre, il vient de complètement transformer la galerie immaculée de l’UQAM, en greffant aux murs de grands panneaux de bois transversaux, protubérances aberrantes qui rendent l’espace impropre à toute exposition. Pourtant, des objets s’y glissent tant bien que mal. Mais, puisque l’espace manque, Guillaume La Brie les a déformés, comme si le nouvel espace les avait littéralement écrasés. Il y a là quatre chaises, une table, une commode, une toile vierge, un petit fauteuil et une lampe, tous tordus ou éventrés sous les assauts de cet espace rebelle.

Mais le plus étrange, c’est que les visiteurs eux-mêmes seront contraints à des exercices de souplesse insolites pour aller dénicher les objets victimes de la galerie. "En obligeant les personnes à se pencher ou à se plier, je les invite à relativiser leur perception", explique l’artiste.

Guillaume La Brie n’en est pas à sa première opération de déformation de l’espace et des objets qui l’habitent. Déjà en 2003, au Centre des arts actuels Skol, il décomposait des objets pour former des casse-têtes dont la combinaison changeait tous les jours. L’année suivante, à la galerie Circa, il déformait des tables et des chaises pour les faire rentrer dans un espace qu’il avait artificiellement réduit. L’an dernier, lors d’une résidence à Barcelone, il étudiait la déformation de meubles dans leur interaction les uns avec les autres. Une chaise se retrouvait ainsi encastrée dans une table. Prochainement, il s’en va à Rimouski pour altérer l’architecture d’un lieu selon les objets qui l’occupent.

"L’expérience sensorielle que chacun vit lorsqu’il regarde une oeuvre d’art dans un lieu donné est un thème d’exploration fascinant qui est, selon moi, sans limite", ajoute Guillaume La Brie. Cela nous réserve de nombreuses autres installations en perspective, qu’il ne faudra pas prendre trop facilement à la légère; car tout est affaire de perception…

Les envahisseurs de l’espace II, de Guillaume La Brie
Du 19 octobre au 24 novembre 2007
À la Galerie de l’UQAM, Pavillon Judith-Jasmin, salle J-R120 (1400, rue Berri, Montréal)