"C’est vrai qu’Outremont est un quartier de riches, avoue Béatrice, une gentille Outremontaise. Ce serait hypocrite d’affirmer le contraire, surtout si on entend par "riches" des êtres assez stupides pour payer leur laitue sur l’avenue Bernard trois fois le prix qu’ils paieraient sur l’avenue du Parc. Ou des gens pour qui le fast-food, c’est des sushis à deux dollars pièce."
La femme apprécie d’Outremont son atmosphère de bonhomie familière. "Ça me rappelle mon petit village d’autrefois, avec en plus le sentiment de ne pas y être enfermée, puisque quelques rues plus loin, commence le "vrai" et vaste monde."
Mais contrairement au village natal de Béatrice, Outremont a une plus-value: la communauté juive hassidique. "Je ne connais pas de gens plus accommodants, plus raisonnables qu’eux. En voiture, ils sont d’une courtoisie exemplaire: je ne compte plus le nombre de fois où un Juif hassidique m’a laissée traverser la rue sans m’écraser. Et si vous croisez des femmes hassidiques sur le trottoir, elles sont toujours les premières à vous foncer dessus avec leur carrosse, impatientes de vous présenter leurs derniers triplés. Au début septembre, avec toutes ces petites cabanes en bois construites sur leurs balcons, qui ressemblent à des caches, on se croirait tout à coup en pleine forêt, au temps de la chasse."
SE PROMENER SUR BERNARD
La vie outremontaise de Béatrice se concentre sur la Main du coin, l’avenue Bernard. "Les soirs d’été, on a l’impression qu’Outremont est un quartier festif, envahi de touristes qui se croient à Saint-Germain-des-Prés sur les terrasses du Petit Italien, du Café Souvenir ou de La Moulerie." Elle a beau se moquer, Béatrice ne cache pas qu’elle s’y plaît, sur cette rue. Elle y voit toujours quelqu’un avec qui faire la jasette, à commencer par Roland, le libraire. "C’est impossible d’entrer dans la Librairie Outremont sans parler avec lui non seulement de littérature, mais aussi de la pluie et du beau temps." Le lundi soir, c’est au Théâtre Outremont que Béatrice fait sa causette. "C’est à deux pas de chez moi. Pour seulement cinq dollars, on nous présente un film de répertoire. Tout le monde est là, on dirait que c’est la "nouvelle messe" du quartier!"
Pour un peu plus d’intimité, elle dîne au restaurant Tonnerre de Brest, avec son inséparable Alexandre. "Une fois de temps en temps, pour nous gâter, on aime bien y manger, ils font de la délicieuse cuisine française." Après le repas, il n’est pas rare que le couple arpente les parcs Outremont et Joyce, où il flâne tendrement en mangeant la "meilleure glace en ville", celle du Bilboquet. "J’aime aussi aller au beau chapiteau blanc du parc Saint-Viateur, qui accueille les danseurs de tango, et tout le monde, danseur ou pas, peut se mêler à la danse. L’hiver, ce sont les patineurs qui s’y retrouvent et, encore là, le quartier prend des airs de village puisqu’on y organise une fête des neiges, avec des jeux et des tours de chevaux pour les enfants, jeunes et vieux."
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NOTRE 6 1/2 À OUTREMONT
Béatrice et Alexandre habitent un spacieux 6 1/2 rue Joyce. Situé au troisième étage, il est non seulement toujours plein de lumière, mais on peut y observer l’activité mondaine de l’avenue Bernard. "Cependant, lorsqu’on regarde par les fenêtres d’en avant, on a un peu l’impression de vivre dans les arbres. Il y a une belle tranquillité ici." Pas de chichi, pas de flafla, la déco est simple et de bon goût. Les murs, qui sont tous peints en blanc, font ressortir la couleur chaude de la brique et du bois. "En bas, il y a une cour magnifique, remplie de fleurs, de plantes et de feuilles de vigne. Nous y mangeons souvent l’été, en compagnie de nos voisins. Ça a quelque chose d’italien, cette cour, ce voisinage. Nous partageons nos repas, notre vin, comme si nous étions une grande famille." Encore faut-il que les voisins n’aient pas construit de barrière et de cabane de bois…