Vie

Quartier des spectacles : Une première pierre pour les arts

Cent vingt millions de dollars pour revamper un Quartier des spectacles dont on parle depuis six ans, c’est une très bonne chose en soi. Pourtant, on pourrait regretter de ne pas avoir vu plus de créativité dans la revitalisation d’un quartier qui se veut emblématique d’une identité culturelle québécoise.

LONGUE VIE AU QUARTIER DES SPECTACLES!

Le 12 novembre dernier, lors de la première journée de "Rendez-vous 2007 – Montréal, métropole culturelle", l’heure était à la joie et à l’optimisme. Il est vrai que ce n’est pas tous les jours que les trois paliers de gouvernement non seulement s’entendent pour faire de Montréal une métropole culturelle de calibre international, mais en plus acceptent de débloquer 40 millions de dollars chacun pour réaménager le coeur d’un Quartier des spectacles très attendu. "Dans les prochaines années, le monde entier parlera de Montréal", s’est exclamé le maire Gérald Tremblay. Le ton était même au badinage. "Le projet du Quartier des spectacles attrape la grosse échelle du jeu et prend son envol", a plaisanté celui qui est à l’origine du Quartier des spectacles, Jacques K. Primeau, en faisant référence au jeu Serpents et Échelles. Les rivalités politiques semblaient aussi oubliées. "Nous allons travailler étroitement avec l’arrondissement Ville-Marie pour la réalisation de ce projet", a assuré le maire de Montréal. Tous étaient unis derrière cette merveilleuse idée d’un Montréal culturel. Jean Charest n’a pas hésité à faire un parallèle avec l’Expo 67, alors que tous les paliers de gouvernement travaillaient ensemble pour une même cause. "Le Québec ne serait pas ce qu’il est sans culture. Ce projet vient ajouter à notre signature", a souligné le premier ministre du Québec. Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, Michael Fortier, a même fini son allocution par un hommage d’un autre âge, avec son "longue vie au Quartier des spectacles", comme si la culture venait d’être couronnée…

L’AMÉNAGEMENT DU QUARTIER DES SPECTACLES

Au-delà de cette euphorie réjouissante, il y a un projet bien concret dont a accouché le bureau d’architectes Daoust Lestage (qui est aussi derrière l’aménagement remarquable du Quartier international). Il s’agit d’une revitalisation complète des abords de la Place des Arts qui devrait permettre au coeur du Quartier des spectacles d’afficher un visage plus humain (avec davantage d’espaces publics) et plus en accord avec sa vocation festivalière. Les travaux devraient s’échelonner de 2008 à 2012.

L’idée générale du plan d’aménagement est de donner la priorité aux piétons en créant de nouvelles places, des promenades, des trottoirs plus larges, sans oublier de verdir l’ensemble. Comme on le fait ailleurs, pour trouver de la place, on commence par réduire l’empreinte des rues, dont le gabarit surdimensionné remonte aux années 60, époque de l’automobile reine. C’est le cas pour tous les tronçons des rues qui bordent la Place des Arts. Par ailleurs, la rue Sainte-Catherine devient un espace linéaire où la rue n’est matérialisée que par des bollards que l’on peut retirer à certaines occasions. On récupère les terrains vacants de la rue Clark et on abaisse une partie du plateau de l’îlot Balmoral au niveau de la rue Jeanne-Mance. Toute cette place gagnée permet de créer de vastes espaces publics. À l’ouest, apparaît une place du Quartier des spectacles, aussi grande que le square Victoria et agrémentée de plantations et de fontaines. Au nord et à l’est, de longues promenades vertes relient la place de la future salle de l’OSM à la rue Sainte-Catherine et à la place du Quartier des spectacles.

EN FAIT DE DESIGN URBAIN…

La pertinence d’un tel projet n’est plus à démontrer. D’ailleurs, en dehors de nos élus, ce sont tous les professionnels qui se réjouissent d’une initiative qu’ils attendaient depuis longtemps. Rappelons que c’est au Sommet de Montréal de 2002 que l’ADISQ présentait son projet de Quartier des spectacles. Il devenait important de revitaliser un quartier que Gérard Beaudet, directeur de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, qualifie de "passablement délabré, de faubourg qui n’en finit plus de mourir depuis les années 1930-1940". En outre, le choix de la firme Daoust Lestage pour l’élaboration du plan d’aménagement est un gage de sérieux. La réalisation du Quartier international, projet remarquable de design urbain à l’identité forte, en est la preuve.

Cela dit, on peut s’interroger sur la rapidité relative avec laquelle ce projet a été présenté au public. Bien sûr, cela fait longtemps que l’on attend un geste concret pour "lancer" le Quartier des spectacles. Mais si ce quartier est emblématique de ce que Jean Charest appelle la signature culturelle du Québec, n’aurait-il pas été important de s’appesantir davantage sur son design? Le plan de Daoust Lestage fonctionne, mais il aurait été souhaitable d’avoir d’autres options. Or, Montréal, qui a les ambitions de ville de design que l’on sait, s’est dotée l’an dernier d’un bureau spécial, Design Montréal, qui a entre autres pour mission d’utiliser à plein la créativité québécoise. Son dernier atelier de design urbain consacré à la place d’Armes nous a offert plusieurs visions d’aménagement intéressantes. Vu les enjeux qu’il représente, le Quartier des spectacles aurait été un sujet idéal pour que nos architectes et designers nous fassent les propositions les plus folles. Après tout, où la créativité est-elle la plus souhaitable sinon dans un projet qui concerne les arts?…