Il y a maintenant 12 ans que Myco Anna nous fait de l’oeil. Au Salon des métiers d’art, dans les petites boutiques comme Madras, rue Saint-Denis, les fringues bigarrées semblent tout droit sorties d’un monde elfique. Elles ont ce je ne sais quoi qui les rend à la fois excentriques et infiniment portables. Ce je ne sais quoi qui nous fait craquer un peu, beaucoup, passionnément pour ces vestes ou ces robes coupées dans des matières déjà aimées.
Christiane Garant n’est pas la créatrice à proprement parler de ces pièces uniques de prêt-à-porter, mais plutôt propriétaire de la marque. "Après avoir étudié en droit et passé l’examen du barreau, j’ai décidé de me tourner vers ma véritable passion", confie Christiane Garant. En 2000, celle qui se destinait à une carrière d’avocate devient donc représentante pour Myco Anna, la ligne d’une designer de Québec dont elle admire le travail. "Je me souviens d’avoir dit que si j’en avais les moyens, je m’habillerais toujours en Myco Anna. J’ai donc proposé de prendre des échantillons et d’aller développer du territoire. Puis, en 2003, j’ai voulu m’associer. Peu après, je rachetais toutes les parts et devenais propriétaire unique."
Au départ, il a fallu faire connaître la marque éthique à coups de promo dans les petits bars de la Capitale et de sollicitation dans la rue. "Mais on a toujours privilégié le bouche à oreille comme véhicule publicitaire, dit Christiane. C’est comme ça qu’on s’est bâti une clientèle solide, avec des gens qui aiment ce qu’ils portent et qui en parlent autour d’eux." Ainsi, sous le règne Garant, la petite entreprise qui fait appel exclusivement à de la main-d’oeuvre locale et crée ses modèles à partir de coupons de textiles, de retailles et de matériaux recyclés est passée d’un chiffre d’affaires de 60 000 $ en 2000 à 1 500 000 $ en 2007.
Au fil des ans, l’esprit Myco Anna a certes évolué. Cependant, Christiane a tenu, comme sa prédécesseure, à conserver cette liberté créatrice qui caractérise le processus de production des collections depuis les tout débuts. "J’ai des gens qui dessinent pour moi et qui ne sont pas des designers formés dans les collèges. Ce sont des autodidactes, quoi. Comme ça, il n’y a pas de frontière technique au moment de la création. Ensuite, on donne les dessins à une patronniste senior qui nous fait revenir sur terre et, surtout, trouve la manière de réaliser nos fantasmes. Moi, je griffonne, je magasine les tissus, je travaille les agencements de couleurs et j’essaie toujours les premières toiles", explique la grande manitou.
AVANT DE PERDRE LE NORD
Cet hiver, la griffe revêt plus que jamais des couleurs écolo, présentant une collection sous le thème du Grand Nord. "À travers nos vêtements, on veut sensibiliser et non pas faire la morale aux gens. Nous risquons de perdre ces territoires d’une grande beauté si ça continue ainsi." Beaucoup d’insertions de fourrure recyclée, un classique hivernal chez Myco Anna, mais aussi, pour une des premières fois, beaucoup de blanc dans les morceaux de la saison. Sinon, lorsque la bise s’en sera allée et le beau temps revenu, Christiane proposera à ses clientes de s’intéresser à la désertification. "On a regardé du côté des tribus qui vivent dans le désert et utilisé le lin dans les vêtements de l’été 2008, une autre première. La palette, dans laquelle on retrouve évidemment beaucoup de sable, est aussi différente de ce que nous avons l’habitude de voir chez nous." Même si les juxtapositions de motifs et les coupes graphiques reviennent à chaque collection, le label se réinvente donc constamment et puise ses inspirations dans l’air (malheureusement pollué) du temps.
Lookbook, info, points de vente et vente en ligne: www.mycoanna.com
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Ces jours-ci, il n’y a pas que dans les Salons et les boutiques du Plateau que l’on peut voir les dernières créations de la griffe écolo-chic. Jusqu’au 15 décembre, on peut aussi les apprécier au théâtre puisque Myco Anna signe les costumes de la dernière production du Théâtre du Nouveau Monde, Rhinocéros d’Eugène Ionesco.