Vie

Procrastination : L'art de perdre son temps

Pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut remettre à demain? Oui, au fait, pourquoi? Comme le retour au travail est forcément pénible, une experte de la procrastination nous explique les moyens de l’éviter. Pour aujourd’hui, du moins.

Avant les vacances, il y avait de l’excitation dans l’air. Il faut dire qu’on était contents que ce soit enfin moralement acceptable de se bourrer de tourtière et de rôti. Mais comme toute bonne chose a une fin, cette année aussi. Ah, l’ambiance du bureau au retour des vacances… Et pour les travailleurs autonomes, croyez-nous, c’est pire. Dire que c’est désolant de se retrouver face à sa propre tronche (enrichie de quatre kilos), l’oeil aussi vif que celui d’une carpe morte reflété par la lumière bleuâtre de l’écran de veille, c’est trop faible. C’est que voici venu le moment de travailler pour de vrai. Le moment d’aller vraiment au gym, de prendre vraiment des cours de chinois, d’écrire vraiment le roman de sa vie.

Bien sûr, personne n’a vraiment envie de faire tout ça. Alors on procrastine. Les experts décrivent cette "pathologie" comme la tendance compulsive à tout remettre au lendemain. Soit on glande carrément, soit on se perd en tâches sans importance parce qu’on est paralysé par LA tâche la plus urgente (et la plus rebutante). Il paraît qu’on sabote inconsciemment nos propres chances de succès. Peut-être. Mais personne ne niera que c’est infiniment plus satisfaisant de regarder des vidéos sur YouTube que de rédiger un rapport. Et puis, la procrastination peut être très créative. Voyez.

Au cours de la rédaction de cet article, l’auteure a:

  • vérifié son compte Facebook au cas où il y aurait eu de nouveaux messages depuis les dernières dix minutes. (Réponse: non. Où sont les amis? Quand même pas au travail?)
  • appris que la gagnante du titre Miss Belgique avait été huée par la foule parce qu’elle ne parlait pas flamand, ce qui lui a fait penser que Miss Puerto Rico avait gagné même si quelqu’un avait lancé du poivre sur ses vêtements. On ne sait jamais à quel moment ce genre d’information sera utile.
  • revérifié son compte Facebook. (Nouveaux messages: 0. Est-ce que les amis sont bien revenus des vacances?)
  • décidé que le bureau était trop sale et qu’il fallait tout ranger avant de commencer à écrire. Décision suivie de quelques minutes de réflexion, suivies d’un plan de rangement, suivi d’un horaire de rangement, suivi de rien du tout.
  • enlevé les petites poussières entre les touches de son clavier d’ordinateur, une activité qu’elle a qualifiée de "truc le plus inutile mais étrangement satisfaisant que j’aie jamais fait".
  • admiré les tarifs des gyms les plus proches et résolu de ne pas prendre la décision de s’inscrire à la légère.
  • reprisé toutes ses chaussettes, même les grises – anciennement blanches – dont elle avait décidé de se débarrasser. Il faut dire qu’elle n’avait pas la tête très claire au moment de prendre les bonnes résolutions de 2008.
  • appris sur le site d’un magazine féminin la meilleure façon de transformer un pull ordinaire en pull hyper-moche. (Il suffit de coudre une applique en tissu sur ledit pull, que ce soit un renard qui se mord la queue, un bonhomme de neige ou un petit chaton. Le résultat fait "école Degrassi" première édition à tout coup.)
  • appris sur un autre site féminin qu’il y avait moyen de "lui dire je t’aime" avec une composition florale. De plus, cette idée a un nom: ça s’appelle l’"Ikebana" et il s’agit d’un art floral traditionnel japonais qui consiste à reproduire une émotion avec des fleurs. C’est peut-être de là que vient la tendance chez les femmes de chambre cubaines à décorer notre lit avec des cygnes en serviettes de bain. Tiens, ça c’est une idée: essayez donc de refaire un cygne avec une serviette de bain. Maintenant.
  • appelé sa grand-mère. Parce qu’il n’y a pas que le plaisir dans la vie.

    Avec tout ça, l’auteure de cet article s’est rendu compte qu’elle avait fini par l’écrire, l’article. Preuve que la procrastination a du bon. CQFD.