Je soupçonne ma chef de pupitre de deux choses: soit elle veut me donner l’occasion de rencontrer enfin l’homme qui saura me combler, soit elle en a marre de mes papiers et un K.-O. suivi d’un séjour à l’hosto lui donnerait un bon répit. Dans les deux cas, ça n’a pas marché. Je n’ai pas rencontré l’homme de ma vie et j’ai encore mes deux jambes. Qu’à cela ne tienne, chez Tristar, il m’est arrivé quelque chose d’inattendu: l’appel de la boxe. Tellement que j’ai décidé de changer de carrière, ou du moins de me lancer dans une double vie. J’imagine déjà mes portraits biographiques dans les grandes publications de la planète: "Journaliste de jour et boxeuse de soir, on la surnomme la terreur des poids plume. La jeune Montréalaise impressionne par ses droites ténébreuses et ses crochets vifs comme l’éclair. Les Joachim Alcine et autres Mohamed Ali de ce monde peuvent aller se rhabiller. La boxe entre maintenant dans une nouvelle ère…"
APPRENDRE À FESSER
Ma flamme, je la dois certainement à l’entraineur perso que l’on m’a refilé au Tristar, Sylvain. Un vrai pro. "Allez hop! D’abord, tu te réchauffes sur le tapis roulant", me lance-t-il. "Oui, chef", dis-je, tout en regrettant la flopée de cigarettes grillées la veille. Mais j’ai vite oublié que je m’époumonais affreusement grâce au paysage qui s’offrait à moi du haut de ma machine: deux rings de boxe, des rangées de punching bags et, surtout, des mecs qui s’entraînent, qui s’étirent, qui sautent à la corde. Je me croyais dans un des Rocky. C’était fantastique.
Les quelques minutes de course ont été suivies d’étirements, de rotations du tronc et des chevilles. Dieu merci, il n’a pas cru bon de me faire faire des pompes. Malgré mon impatience de monter sur un vrai ring, il fallait d’abord que mon gourou m’initie au shadow boxing, qui consiste à frapper l’air avec ses poings nus. J’ai d’ailleurs appris que donner des coups de poing était une affaire de technique. Rien à voir, donc, avec les coups assénés à tous mes ex.
Le déclic de ma nouvelle vocation s’est fait lorsque j’ai enfilé la paire de gants. Petit sentiment d’invincibilité jouissif. Après que j’eus dirigé sans retenue mes jabs et mes crochets dans les mitaines de mon entraîneur, celui-ci m’a présentée à un sac d’entraînement. Tout feu tout flamme, je l’ai frappé en ayant en tête ceux qui m’énervent: ceux qui ne tiennent pas la porte derrière eux, ceux qui marchent à pas de tortue sur le trottoir, mes voisins qui écoutent de la techno des années 90 à tue-tête, mais j’ai aussi pensé à moi et mon comportement discutable de la récente veille du jour de l’An. Mine de rien, après une heure à sauter et à frapper fort, je me sentais une femme nouvelle, une espèce de Miss Balboa.
SUBIR OU ATTAQUER?
J’ai eu un solide coup de foudre pour la boxe. N’empêche que par souci de professionnalisme, j’ai demandé à tester une autre discipline. Et j’avais le choix, le Tristar en offre une belle variété: le karaté, le kickboxing, le kung-fu, la boxe thaïlandaise… On finit par me proposer de jouer les Hulk Hogan, version jiu-jitsu brésilien. J’ai donc laissé tomber mes gants rouges et j’ai écouté les conseils du charmant jeune homme venu me passer à tabac avec ses prises de lutte.
Il m’a enseigné trois prises et j’en aurais volontiers appris plus. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la lutte favorise les rapprochements. C’est du moins ce que j’ai déduit lorsque, étendue sur le dos, j’avais le cutie à quatre pattes par-dessus moi, pendant que mes jambes lui encerclaient les hanches. Question d’équité, nous échangions les rôles. Tour à tour, je l’agressais, il m’attaquait. Et franchement, difficile de dire ce qui est le mieux. Ce n’est pas déplaisant de se faire saisir brusquement. Encore une fois, tout est dans la technique.
CHAMPIONNE EN DEVENIR
Après deux heures au Tristar, j’étais ravie, mais surtout surprise. Je croyais que les geeks de sports de combat n’étaient que d’arrogants machos. Faux! Tous ceux que j’ai rencontrés étaient aussi courtois que n’importe quel professeur de méditation.
Rendue à la maison, j’ai pratiqué mes techniques de coups de poing. Même sous la douche, entre deux shampoings, je cognais des ennemis imaginaires. Quand mes pieds ont glissé et que mon menton a frappé le robinet de la baignoire, j’ai réalisé qu’une championne, c’est comme Rome, ça ne se construit pas en un jour.
Centre des arts martiaux Tristar
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