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Yannick Pouliot : Quand l'art la joue design

Yannick Pouliot présente aujourd’hui sa première exposition personnelle au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC). Ce sera l’occasion pour nous de découvrir l’univers d’un artiste original, qui situe sa démarche entre design et arts visuels.

COMMENT DEVENIR UN ARTISTE

Yannick Pouliot est devenu artiste comme on trouve un sens à sa vie: en restant à l’écoute de ses intuitions. Il commence sans doute à faire son cégep en arts, mais bifurque aussitôt en horticulture. Il flirte de nouveau avec ses premières amours en passant un baccalauréat en arts visuels mais, en parallèle, il fait des études en ébénisterie. Son premier projet professionnel sera d’envisager une production de liqueurs de fruits et de vin de sureau…

Pourtant, s’il finit par tout abandonner pour se consacrer résolument à l’art, c’est sans doute parce qu’il éprouve un besoin irrépressible de créer. "L’horticulture ornementale m’intéressait, mais je trouvais que mon espace de création était trop limité", se souvient l’artiste. Dans ses créations, il y a toujours une recherche esthétique manifeste, mais il faut aussi qu’elles fassent sens. "J’ai besoin d’ajouter mon commentaire, d’ajouter un sens, car il n’y en a pas assez dans notre monde", dit-il. Or, ce commentaire doit toujours être clair, accessible à tous. "Je regrette que les arts visuels soient, avec la danse, le parent pauvre des arts. C’est comme si la connexion ne s’était pas faite avec le public. Or je pense qu’il est possible de rester accessible tout en faisant du sens", ajoute-t-il.

LE DESIGN COMME VÉHICULE ARTISTIQUE

Pour arriver à ses fins, Yannick Pouliot a choisi une discipline artistique inhabituelle: le design sous toutes ses formes, qu’il s’agisse d’architecture ou de mobilier. "J’ai choisi le design pour son rapport naturel au corps, explique l’artiste. On aime une structure architecturale ou un meuble parce qu’on les reconnaît, qu’on les trouve beaux et qu’on se les approprie." Lorsque, sur le mont Royal, il installe en 2004 sa "volière", sorte de petit kiosque victorien en fer forgé, tous les visiteurs croient que l’installation avait toujours existé. Pourtant, derrière une esthétique conformiste, la sculpture diffuse son message: sitôt à l’intérieur de cette cage virtuelle, des capteurs de mouvement déclenchent des chants d’oiseaux, laissant penser que pour profiter de certains plaisirs, il faut accepter de renoncer à sa propre liberté…

Dans ses créations (surtout actuelles), Yannick Pouliot utilise beaucoup la référence au style Louis XVI. "C’est un style qui est clairement associé, dans l’imaginaire collectif, à une certaine idée du luxe. Or, la richesse est souvent ailleurs", souligne-t-il. Par ce choix, il peut ainsi plus facilement nous amener à remettre en question notre propre vision du monde. Son cabinet de musique "Le Courtisan" (acheté par le Musée national des beaux-arts du Québec et le Musée d’art contemporain), par exemple, met en scène le visiteur dans une cage dorée de style baroque, sur fond de marche nuptiale de Mozart.

L’EXPOSITION AU MAC

Avec l’exposition actuelle L’Imposteur et le Styliste, le visiteur peut mieux comprendre et apprécier la démarche artistique de Yannick Pouliot. On y découvre dix sérigraphies, trois sculptures et une installation architecturale. S’inspirant des portraits des nobles et bourgeois d’il y a quelques siècles, les sérigraphies présentent des chaises Louis XVI, mais si enchevêtrées les unes dans les autres que leurs formes en deviennent illisibles. D’ailleurs, les sculptures, amalgamées de la même façon, nous montrent une superposition de chaises d’époque qui en rend la fonctionnalité illusoire. De son côté, l’installation architecturale (six couloirs aveugles au bout desquels les visiteurs peuvent s’asseoir en vis-à-vis) nous invite à "visualiser" de façon très ludique les jalons qui souvent restreignent notre ouverture d’esprit.

L’ensemble constitue la critique symbolique d’une société basée sur des relations de pouvoir, acculant souvent l’individu à une quête éperdue de richesses, pour qu’il finisse souvent par souffrir de solitude. "Je veux porter un regard simple et poétique sur notre nature humaine: la vie, la mort et la solitude. Je crois qu’on a le pire et le meilleur en même temps au fond de nous. Mon idée est de ranimer une lucidité perdue pour peut-être nous permettre de mieux nous accepter et vivre."

Jusqu’au 20 avril
Au Musée d’art contemporain de Montréal
Info: www.macm.org