Un atelier de tissage. À côté de chaque métier, un ordinateur. Question de préparer les modèles, de les tisser avec plus d’exactitude. Presque numériquement. L’un des multiples exemples qui, au fil des étages de la Maison des métiers d’art de Québec (MMAQ), montrent bien que l’image qu’on peut avoir de ce domaine, une vision plus traditionnelle, est dépassée. Les métiers d’art ont évolué avec le temps, mais une constante demeure au centre de leur enseignement: la matière. Argile. Métal. Bois. Tissu.
"C’est toujours la matière qui se trouve au centre. En arts visuels, parfois, tu peux l’évacuer, mais ici, ce qu’on fait, c’est toucher la matière", explique la directrice de l’endroit, Carole Baillargeon. "90 % du temps, les cours sont donnés dans la matière. La théorie est passée à travers les gestes, le travail de cette matière", ajoute Kathy Ouellet, enseignante en céramique. L’apprentissage se fait dans la répétition. Les gestes deviennent peu à peu instinctifs. "Il y a beaucoup de gestes qui sont appris par le corps", poursuit-elle. Et, au final, ils laissent tranquillement la place à de plus en plus de créativité… "Inconsciemment, on nous amène à penser que ce qui est matériel n’est pas intellectuel, mais les métiers d’art, oui, ça nécessite des habiletés techniques, mais des habiletés intellectuelles aussi", indique Mme Baillargeon.
Bien entendu, les deux premières années, l’enseignement est axé sur la technique, d’abord et avant tout. "Mais on peut quand même donner sa petite touche dès la première session", lance Mme Ouellet. La troisième année, les étudiants doivent faire des choix en développant plus avant leur démarche artistique. Au fil du parcours, on développe leurs aptitudes en gestion: on leur explique comment fixer le prix de vente, préparer un kiosque, obtenir des subventions. "Lorsqu’ils sortent d’ici, ils ont déjà un portfolio, une production et une connaissance du marché", fait valoir la directrice. La plupart des finissants deviendront des travailleurs autonomes, et aussi polyvalents. "En sculpture, ils travailleront le bois, la pierre, le métal, les moulages. C’est sûr qu’ils ont des préférences, mais ils ont quand même des compétences dans tout", remarque Carole Baillargeon. "Si l’étudiant tripe sur un métier précis, c’est toutefois certain qu’on va le pousser pour qu’il développe une expertise", ajoute Kathy Ouellet.
REFLÉTER LA RÉALITÉ
À travers tout cela, la formation cherche d’abord à coller le plus possible à la réalité du milieu. "En troisième année, ils évoluent dans un contexte proche de la réalité. Les étudiants ont leur propre atelier, leur espace de travail. Ici, tu as un réseau de contacts, tu es déjà dans le milieu, tous les professeurs sont des professionnels", note Mme Baillargeon. "Être en contact avec quelqu’un qui gagne sa vie en dehors de l’école, ça montre que ça existe, des gens comme ça", estime Jean-Robert Drouillard, enseignant en sculpture et ancien étudiant à la MMAQ.
D’une discipline à l’autre, l’approche reste similaire, il s’agit d’apprendre à penser le geste. Et le tout ne se fait pas sans difficulté, mais, selon Mme Baillargeon, "les résultats sont là". "On leur dit de se laisser porter. Éventuellement, le geste va devenir automatique. C’est sûr que la formation est plus difficile dans les premières années, les productions arrivent au bout de certains efforts. Mais c’est l’éclosion en arrivant à la troisième année", fait-elle valoir. "Faire de la technique, que ce soit du textile, de la céramique, de la sculpture, c’est exigeant en temps et en heures", estime M. Drouillard. "Lorsque l’étudiant est rendu à sa dernière session, il a deux cours, mais il fait pratiquement 40 heures en atelier. C’est super proche de la pratique d’un artisan professionnel", observe Kathy Ouellet.
La taille des groupes facilite aussi l’enseignement. Ils sont en moyenne 10 ou 12 par atelier. Parfois même six ou huit. "On est vraiment proches des étudiants, donc, ça se passe de façon très personnelle", note M. Drouillard. Et dans toute l’école, ils sont une soixantaine. Bref, tout pour créer une atmosphère plus "familiale". "La belle grande famille de la MMAQ, c’est vrai. Une des choses qui est vraiment plaisante, c’est qu’il y a tous les métiers qui se côtoient. Ça fait des échanges, une complicité qui est le fun", indique Mme Ouellet, qui y a également étudié. De leur côté, les étudiants peuvent avoir accès aux espaces après leurs études, afin d’obtenir un coup de pouce dans leurs premières années au professionnel. "Au bout du compte, l’objectif, selon Jean-Robert Drouillard, c’est de gagner sa vie avec un métier qui est noble et, surtout, qui est le sien."
Maison des métiers d’art de Québec: www.mmaq.com