Vie

Péristyle Nomade : Prendre la ville d'assaut

On connaît déjà les actions d’éclat de l’Action terroriste socialement acceptable. Entre avril et juin prochains, avec ses commandos 2361, l’organisme Péristyle Nomade imaginera un nouveau style d’occupation de l’espace urbain.

COMMANDOS D’ARTISTES

Né en 2000, Péristyle Nomade n’est au début qu’un centre d’artistes qui organise essentiellement des performances théâtrales de rue. Mais le projet s’étoffe progressivement. Avec la création du Café Touski sur la rue Ontario, les membres de l’organisme apprennent à gérer une coopérative de travail et s’impliquent davantage dans la communauté locale. C’est en 2006 que Péristyle Nomade devient officiellement une compagnie artistique à but non lucratif. Elle est désormais mûre pour s’engager dans des projets plus complexes, dont la vocation à la fois communautaire et artistique est affirmée clairement. "Notre but est non seulement d’aider les artistes en leur donnant davantage de visibilité, mais aussi de s’intégrer à la communauté pour la dynamiser", déclare la directrice de l’organisme, Catherine Lalonde.

Le premier projet correspondant à cette nouvelle direction voit le jour en 2007. Commandos 2361 imagine de "lâcher" littéralement des groupes d’artistes dans le quartier Centre-Sud de Montréal pour y réaliser des interventions qui vont amener un regard nouveau sur les gens qui y vivent et les conditions dans lesquelles ils y vivent. Quatre commandos du genre interviendront d’avril à juin, faisant appel autant à des artistes émergents qu’à la population locale. Chacun sera dirigé par un artiste à l’origine d’un projet… original.

GLAÇAGE À GÂTEAU ET CONSCIENCE URBAINE

Les deux premiers projets (ou commandos) consistent à utiliser une démarche artistique pour attirer l’attention de la population et des pouvoirs publics sur certains aspects négatifs de la vie dans le quartier Centre-Sud.

Fanie St-Michel s’intéresse depuis longtemps à la photographie nocturne de lieux urbains délabrés et désaffectés. En prenant conscience de l’insécurité liée à ces espaces hostiles, la photographe a eu l’idée de monter des projets pour mobiliser la population autour de la notion d’aménagement sécuritaire. Utilisant un grand angle, elle fait ressortir l’esthétisme de lieux inhospitaliers. "Ils sont beaux pour la photographe et insécurisants pour la citoyenne", souligne-t-elle. Son commando 2361 s’attardera à certains espaces désolés sous le pont Jacques-Cartier (comme des stationnements et autres terrains vagues) qui seront identifiés par les résidents lors de marches exploratoires.

Pour sa maîtrise en arts visuels, Sonia Martineau s’est enfermée dans une pièce tapissée de toile blanche, sur laquelle elle a peint et dessiné pendant une semaine: une sorte de rite de passage qui lui a permis de faire le lien entre démarche théorique et pratique intuitive. À cette occasion, elle a recouvert de glaçage à gâteau des sculptures qu’elle avait elle-même réalisées. "C’est une référence au gâteau d’anniversaire qui représente le passage à autre chose", explique l’artiste. Reprenant cette idée, son commando 2361 recouvrira de glaçage les déchets et rebus du quartier Centre-Sud. Comme elle le dit en plaisantant, "ce sera autant de voeux de bonne poursuite pour des choses qui ne devraient pas être là".

TÉMOINS DE VIE ET USINE À PAYSAGES

Les deux autres projets se rattachent davantage à la vie du quartier. Issu du monde du cinéma, Danny Gaudreault utilise la performance théâtrale comme représentation symbolique d’une réalité sociale. Pour le projet de Péristyle Nomade, il a tenu à se faire le porte-parole des quidams qui font l’histoire du quartier Centre-Sud. "Mes performances de rue vont interpréter les témoignages que j’aurai recueillis auprès d’individus représentatifs d’un tissu social éclectique, comme des personnes âgées, des homosexuels, des prostituées…", explique-t-il. En mai, une fois par semaine, le public pourra donc assister à ces performances, sur fond sonore d’un enregistrement des entrevues réalisées.

Audrey Beauchemin, elle, allie arts et gestion commerciale. Après une formation en arts visuels, elle termine aujourd’hui des études aux Hautes Études commerciales de Montréal. Son commando 2361 est ainsi conçu comme un projet d’entreprise. Après avoir imaginé un paysage universel où l’on retrouve la montagne, le plan d’eau et la forêt, l’artiste en a tiré une représentation schématique. L’idée du projet est de reproduire cette représentation à des centaines d’exemplaires, grâce à la création d’une "usine à paysages". Des participants, artistes ou non, auront des tâches prédéfinies: l’un fera la montagne, l’autre, l’arbre, etc. La production de ce travail à la chaine sera exposée et vendue dans les commerces du quartier. "Cela permettra à la fois de rapprocher les artistes de la population locale et de donner une visibilité au quartier", conclut Audrey Beauchemin.

Pour la programmation détaillée de Commandos 2361: www.peristylenomade.org