Vie

Patrimoine industriel de Montréal : Hideuses beautés

Avec sa nouvelle exposition photographique, Montréal industriel, le Centre d’histoire de Montréal nous invite à poser un regard neuf et positif sur nos "laideurs" de béton et d’acier qui composent le patrimoine industriel de Montréal.

"OEuvre magistrale, entre beauté et nuisance, l’esthétique particulière du patrimoine industriel, qu’on le veuille ou non, fait partie du charme de notre ville", peut-on lire à l’entrée de la nouvelle exposition du Centre d’histoire. Montréal, que beaucoup trouvent si laide, aurait du charme, et ce charme serait en partie lié à une certaine architecture brutale, faite de brique, de béton et d’acier, vestige d’une ère industrielle révolue.

Depuis une vingtaine d’années, ici comme ailleurs dans le monde, les villes se sont entichées des vieux quartiers et bâtiments industriels. On les rafraîchit, on leur donne une nouvelle vocation. La "revitalisation" est à la mode. Montréal a fait de son vieux port un espace de vie pour le grand public, a transformé l’ancien quartier des Récollets en "Cité" du multimédia. Les vieilles fonderies (Darling) deviennent des centres d’exposition et les usines, des ateliers d’artistes (Grover), des lieux de spectacles (Usine C) ou des condominiums (le long du canal Lachine).

Malgré cela, les vieux bâtiments industriels n’ont pas nécessairement la cote auprès du public.

En 2005, un palmarès Léger Marketing sur les constructions les plus mal-aimées des Montréalais classait aux deux premières places les raffineries de l’Est et le silo à grains no 5 du Vieux-Port, qualifié de "monstruosité" et d’"horreur visuelle". Pourtant, si un jour la métropole québécoise se retrouve ville du Patrimoine mondial de l’UNESCO, ce sera sans doute grâce à la richesse de son patrimoine industriel.

SENSIBILISER LE PUBLIC

Pour la 29e édition de son concours Montréal à l’oeil, ouvert aux photographes amateurs et professionnels, le Centre d’histoire de Montréal a donc décidé de rendre hommage au Montréal industriel. Comme le souligne son directeur, Jean-François Leclerc, "le public n’est pas vraiment réceptif à la beauté de nos bâtiments industriels. Avec cette exposition, nous voulions inciter la population à revisiter ce patrimoine, en le regardant d’un autre oeil".

En haut de la tour de l’ancienne caserne de pompiers centenaire de la place d’Youville, 50 photos sélectionnées sont exposées. Paradoxalement, on y verra rarement des vues d’ensemble. Le but de l’exposition étant de révéler la beauté où on ne l’attend pas, les photographes se sont plutôt attachés à des éléments d’architecture ou des perspectives intérieures. Bien entendu, parmi les secteurs couverts, on retrouve d’anciens quartiers ouvriers comme Pointe-Saint-Charles et Saint-Henri, ainsi que le Vieux-Port.

En parallèle, 50 images d’archives sont successivement projetées sur un des murs de la salle d’exposition, présentant des bâtiments industriels ou des machines mis en perspective par des citations tirées d’un ouvrage publié par l’Association québécoise pour le patrimoine industriel.

UNE AUTRE DIMENSION ESTHÉTIQUE

Lorsqu’on pénètre dans la salle de l’exposition Montréal industriel, on est frappé d’entendre des sons étranges, que l’on identifie d’abord comme étant ceux d’une activité industrielle. Pourtant, il ne s’agit pas d’un enregistrement de bruits de machines fait pour nous mettre dans l’ambiance, mais de créations électroacoustiques des compositeurs canadiens Jean-François Denis et Gilles Gobeil, sélectionnées par le Centre de musique canadienne.

De la même façon que les bruits industriels se font harmoniques, les bâtiments industriels photographiés nous dévoilent une esthétique inhabituelle. Les photographes ont su jouer sur les perspectives, la lumière et la couleur pour nous surprendre. Les photographies nocturnes sont ainsi prisées, à l’instar de celle du lauréat qui nous offre une représentation très picturale de l’ancienne station de pompage de la rue Riverside. On retrouve également plusieurs photographies en noir et blanc, comme le deuxième prix qui montre le quai de la Pointe-du-Moulin.

Mais ce qui étonne surtout, c’est la représentation d’une irréalité souvent artistique que les photographes arrivent à nous donner d’un lieu ou d’un bâtiment et qui nous le fait redécouvrir. Le silo n° 5 prend une autre dimension esthétique lorsque le troisième prix nous fait pénétrer à l’intérieur du convoyeur où filtre une lumière onirique. Enfin, la photographie coup de coeur du jury tient davantage du collage cubiste que de l’image habituelle que l’on a de la Brasserie Dow…

Jusqu’au 7 septembre
Au Centre d’histoire de Montréal
Info: www.ville.montreal.qc.ca/chm