À l’instar de Montréal et Toronto au Canada, ou de Lyon et Le Havre en France, Sherbrooke peut s’enorgueillir, depuis septembre 2006, de faire partie du club restreint des villes comptant une installation de Michel Goulet.
Il faut dire que ce dernier y a passé son enfance et son adolescence. Il y revient parfois pour y voir parenté et amis, et en profite aussi pour jeter un coup d’oeil à son oeuvre, faisant face au mont Orford, à la pointe du lac des Nations. "Je l’ai vue un peu enterrée cet hiver, mais j’aime bien que l’art revive avec les saisons", déclare le tout récent récipiendaire du Prix du Gouverneur général en arts visuels.
Les Sherbrookois évoquent souvent l’installation de Michel Goulet sous le nom des Chaises. Mais cette oeuvre, conçue en collaboration avec l’auteur Luc LaRochelle, porte un nom énigmatique qui s’ouvre à la pluralité des sens: Nulle Part/Ailleurs. On retrouve sur les sièges et dossiers des chaises de courtes inscriptions invitant au voyage ou à la réflexion.
Actif tant sur la scène artistique québécoise qu’internationale depuis quatre décennies, Goulet fut déjà récipiendaire en 1990 du prix Paul-Émile-Borduas, la plus haute distinction québécoise en arts visuels. Le voici désormais récipiendaire du Prix du Gouverneur général. Décerné le 25 mars dernier, ce prix reconnaît "une carrière artistique exceptionnelle", caractérisée notamment par des installations qui s’intègrent dans le tissu urbain. Michel Goulet en est d’ailleurs à mettre la touche finale à une oeuvre qui sera dévoilée en juin, lors des festivités du 400e anniversaire de Québec.
Céline Gélinas est directrice du Musée des beaux-arts de Sherbrooke (MBAS), à qui appartient l’oeuvre installée pour une période de 10 ans sur le bord du lac des Nations. "Pour de l’art public, c’est très bien accueilli. J’y vois régulièrement des gens lire la description, et durant les feux d’artifice, c’est un endroit convoité. On peut dire que les gens se sont approprié l’oeuvre et qu’elle est devenue un point de ralliement, de repère."
Les 20 chaises de l’oeuvre avaient initialement été créées pour occuper l’espace d’une place de stationnement adjacente au MBAS. "L’installation présentait un point de vue sur l’écologie. Avec son emplacement actuel, face au lac, elle prend un sens nouveau. Le matériau principal de l’oeuvre, c’est le spectateur, par son regard, sa présence sur les chaises, déclare Goulet. C’est une façon de se repositionner par rapport à ce qui a marqué l’histoire de la ville. Je ne comprends pas que les bâtiments d’une ville comme Sherbrooke tournent le dos aux deux rivières qui la traversent."