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Créa : Les grands Bos

Les pubs de Martin Matte pour la Honda Civic, le "Aha!" de Familiprix, les deux ados qui mangent de la gadoue par terre: ils sortent tous de l’esprit tordu des publicitaires de Bos. Descente dans les entrailles de l’agence qui a raflé une bonne partie des prix Créa de la pub, la semaine dernière.

Les entrailles en question sont un endroit plutôt recommandable. Situés derrière le Château Saint-Ambroise, les bureaux de Bos s’étalent dans un luxueux décor industriel, fait de plafonds très hauts, de briques apparentes et de grandes fenêtres. Cette année, l’agence fêtera ses 20 ans. Et elle a toujours la réputation d’être parmi les plus créatives à Montréal. "Le pari qu’on a fait, c’est de produire pour chaque client une campagne qui sera remarquée, de façon à assurer la croissance de la compagnie", explique Michel Ostiguy, l’un des trois fondateurs de Bos.

Ils ont frappé un coup fort dès le début. Pour leur premier client, l’entreprise de pompes funèbres Urgel Bourgie, ils ont conçu une campagne imprimée dans les journaux qui abordait de front un sujet assez tabou (la pub posait des questions comme "Trop heureux pour penser à la mort?" et "Trop en forme pour penser à la mort?"). Aujourd’hui, les patrons de l’agence sont toujours d’avis qu’aucun domaine n’est trop tabou pour subir ce genre de traitement. "Tous les sujets sont bons", affirme Roger Gariépy, le codirecteur de la création.

LE WEB OU L’IMPRIMÉ?

Avènement du Web 2.0 oblige, les publicitaires de chez Bos réfléchissent chaque fois à l’utilité de faire une campagne virale. Mais ils n’utilisent pas systématiquement le média. "Le Web, ce n’est pas encore un grand rassemblement populaire comme la télé", affirme Roger Gariépy. C’est un média moins encadré, moins "achevé" (dit Michel Ostiguy) que la télé, par exemple. Et puis, il existe d’autres véhicules promotionnels que le Web: ils sont peut-être plus traditionnels, mais ils peuvent être diablement efficaces. Les drapeaux du Canadien qui ont fait leur apparition sur les capots des voitures, par exemple. Cela n’a rien d’un phénomène spontané, croit Roger Gariépy: "C’est une grosse campagne de pub. […] C’est sûrement un markéteux véreux qui a poussé l’idée!" Quant à la crise que traverse l’imprimé, elle leur paraît liée à la relative lenteur du médium. Une pub dans un magazine demande environ deux ou trois mois de planification, alors que les annonceurs d’aujourd’hui réagissent de plus en plus rapidement.

LE PRÉSENT ET L’AVENIR DE LA PUB

Et qu’en est-il du reste de la création publicitaire au Québec? La qualité de la pub a-t-elle évolué vers le meilleur, ces dernières années? La question vaut la peine d’être posée, surtout que notre rencontre se fait au lendemain des prix Créa, qui récompensent chaque année le meilleur de la création publicitaire. "D’un strict point de vue technique, tout est plus beau, plus léché, affirme Hugo Léger, l’autre codirecteur de la création. Sur le plan de la forme, l’ordinateur aidant, il y a eu une amélioration. Sur celui du contenu…" Court silence, puis il ajoute: "Les efforts sont là." Roger Gariépy, quant à lui, avoue ne pas vouloir commenter l’état de l’industrie de la pub au Québec: "Je me fous de notre industrie, je ne m’intéresse qu’à mon entreprise, affirme celui qui a coprésidé le jury du concours Créa*. C’est hautement mercantile, ce qu’on fait. J’essaie de servir les clients, de recruter les meilleurs talents et de les former, parce que malheureusement, les écoles ne le font pas. Je parle des créatifs, pas des gens de marketing." C’est clair: la pub, ce n’est pas un OBNL.

* Roger Gariépy n’avait pas le droit de vote lorsque les campagnes de sa propre agence étaient en nomination.

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TROIS CAMPAGNES MARQUANTES DE BOS

1) La campagne Familiprix, où un pharmacien observe des gens sur le point de se faire mal ou d’avoir besoin d’un article de pharmacie, avant de placer son célèbre: "Aha! Familiprix." Une campagne qui est devenue un véritable phénomène de société.

2) Les campagnes de Fido: "On a construit tout l’univers de la marque, d’A à Z", affirme Michel Ostiguy. C’est d’ailleurs pour ce client que l’agence a ouvert son bureau à Toronto.

3) Les pubs de Honda Civic avec Martin Matte. Un grand succès populaire, mais une campagne qui leur a valu des critiques du côté du milieu publicitaire: "Ils voyaient ça comme un truc", explique Hugo Léger. "Il n’y a qu’au Québec qu’on s’élève contre [les campagnes avec des porte-paroles], affirme de son côté Roger Gariépy. Je ne sais pas pourquoi, parce qu’on voit ça partout ailleurs sur la planète. On a commencé à travailler avec Martin Matte il y a huit ans, avant qu’il devienne la vedette qu’il est. […] Aujourd’hui, on bénéficie de son aura, mais Martin Matte reste lui-même, on n’en a pas fait quelqu’un d’autre."