Situé à l’est du campus de l’Université McGill, dans le quadrilatère formé par les rues Sherbrooke, Saint-Laurent, des Pins et University, le Ghetto McGill est un minuscule quartier. Petit, mais plein de vie. Et détrompez-vous, bien qu’ils aient donné leur nom au quartier, il n’y a pas que des universitaires qui l’habitent. "Les résidents du Ghetto forment un heureux mélange, dit Maryse, une ancienne étudiante de McGill qui habite rue Sainte-Famille depuis 10 ans. Il y a toutes sortes de gens dans le coin: des artistes, des retraités, des marginaux, de vieilles dames malcommodes." Qu’à cela ne tienne, ce sont tout de même les étudiants qui colorent le quotidien. "On apprend rapidement leurs chansons d’initiation, dit la femme. On les entend crier leurs surnoms, leurs histoires. Même si toutes ces fiestas ont lieu la nuit, ça ne me dérange pas car c’est assez circonscrit dans le temps. Ça arrive les deux premières et les deux dernières semaines de chaque session, ainsi qu’à la mi-session."
De toute façon, Maryse ne pourrait se passer de ces étudiants. C’est son look qui en dépend. "Je ne m’achète pas de magazines mode pour me tenir à l’affût des dernières tendances. Je préfère me promener dans le quartier et observer ce que les jeunes étudiantes portent. Cette saison, par exemple, je suis en mesure de dire que les lunettes surdimensionnées et les bottes ravalées sont encore in."
Outre le fait de pouvoir se "looker" dernier cri, Maryse affirme que les avantages d’habiter le Ghetto sont innombrables. "Ici, je suis près de tout. Je peux faire tous mes achats de Noël en deux heures. Je descends au centre-ville et je fais l’enfilade des centres commerciaux à pied. Si je veux aller voir un bon spectacle sur Saint-Laurent, je suis à côté aussi. Je peux revenir d’une soirée arrosée à la S.A.T. en titubant sans avoir à prendre un taxi. Bref, je n’ai pratiquement pas besoin d’utiliser le transport en commun. C’est vraiment central comme secteur."
LA VIE DE GHETTO
L’architecture victorienne, très "bourgeois anglo", est chouette, mais il existe quelques immeubles en hauteur, pas jolis et – si on exclut les immenses tours de La Cité, avenue du Parc – pas luxueux. On en retrouve à quelques intersections, dont celui à l’angle de Saint-Urbain et Prince-Arthur. Cet immeuble s’est tristement fait connaître par la lentille de la cinéaste Anne Claire Poirier qui soulignait, dans son documentaire Tu as crié LET ME GO, que sa fille y avait été trouvée assassinée. Oh là là… Ghetto McGill égale-t-il danger? "Je me sens très en sécurité ici, dit la résidente. Je crois qu’habiter dans le Ghetto, c’est une façon de s’encanailler en toute sécurité. On a l’impression du risque. On peut dire: "Oh mon Dieu, il y a eu une fusillade sur la Main à côté…" Mais ce n’est pas plus dangereux qu’ailleurs. En fait, ça permet de se la jouer cool plus qu’autre chose, on fait nos toughs (rire). En vérité, il y a toujours du monde partout et c’est plutôt rassurant."
Une balade dans le Ghetto McGill est à coup sûr plaisante. Maryse aime traverser le campus McGill, situé à l’ouest. "C’est vraiment un beau site. C’est verdoyant, il y a plein de belles fleurs, des joueurs de haki et des gens qui font des pique-niques." Elle, elle préfère casser la croûte sur le mont Royal, qui est à deux pas de sa résidence. "C’est magnifique de manger sur la montagne! J’aime bien y aller aussi pour jouer au backgammon une fois de temps en temps, avec une petite bouteille de vin." Après ses parties et quelques verres de rosé, elle revient chez elle en admirant l’architecture des immeubles. Cela dit, il y a peu de commerces à l’intérieur du Ghetto. Ils sont tous à proximité, boulevard Saint-Laurent ou avenue du Parc. "Il n’y a peut-être pas beaucoup de boutiques et de bons restos, mais il y a des dépanneurs à la tonne. Et ils ont tous des frigos toujours bien remplis de bières." Après tout, il faut bien être accommodant avec ces étudiants venus des quatre coins des États-Unis et du Canada.
ooo
MON 4-1/2 SUR SAINTE-FAMILLE
Maryse habite dans un grand 4-1/2, rue Sainte-Famille, entre Prince-Arthur et des Pins. "J’aime beaucoup la manière dont il est divisé. On respire, ce n’est pas un logement-corridor." Au centre de l’appartement, on retrouve la salle à manger et le salon. Les murs de celui-ci sont d’une couleur inusitée: un rose vif – nommé officiellement feu sauvage – qui s’agence bien avec les boiseries naturelles. Grâce à la grande fenêtre au fond de la pièce, c’est lumineux et la vue sur le mont Royal est imprenable. "Je pense éventuellement déménager pour devenir propriétaire. Mais ce lieu est tellement difficile à abandonner!" Si seulement les foyers de tous les ghettos du monde étaient aussi sympas…