Vie

Charité et glamour : Cause Kodak

La fondation One X One, mise sur pied par Joelle Berdugo Adler, présidente de Diesel Canada, se donne à fond dans l’aide humanitaire. Elle est intimement liée avec les Wyclef Jean et Brad Pitt de ce monde. Charité et glamour, le cocktail parfait pour vendre des jeans?

Ça scintille de belles gens bien fringués qui sentent le bon parfum. L’alcool coule à flots, à un point tel que l’on lève le nez sur le tartare de saumon et le foie gras. Nous sommes à un cocktail organisé par One X One, donné en l’honneur de Wyclef Jean lors de son dernier passage à Montréal en février. Le but? Faire la promotion de Yéle Haïti, l’organisme mis sur pied par l’ex-Fugee. Il va sans dire, on est à mille lieues de la pauvre marmaille haïtienne qu’aide l’organisme. L’ambiance est plus aux jet-setters à l’affût des flashs de Kodak qu’à une soirée humanitaire. Or, on le sait, les célébrités aujourd’hui ont la cause facile. La preuve, One X One aide plusieurs organismes comme H2O Africa soutenu par Matt Damon et Heroes Project, un projet lancé par Richard Gere. De grands noms pour de grandes causes.

BONTÉ LUCRATIVE

Ces noms glamour attirent comme des mouches les grandes entreprises. Pas étonnant que, outre Diesel, One X One soit notamment appuyé par CTV, American Express, Jaguar et Amarula Cream. Mais le simple consommateur qui achète du Diesel en pensant que la compagnie a le coeur sur la main se fait-il avoir? "Tous les organismes, entreprises et personnalités qui veulent collaborer avec One X One doivent d’abord passer par moi, affirme Joelle Berdugo Adler. Il est primordial que l’aspect charité soit à l’avant-plan. Je ne veux surtout pas que ce soit pour faire mousser un produit ou un nom. J’encourage mes partenaires à mettre leur marque de côté quand vient le temps de nous aider. Cette fondation vient de mon âme, je l’ai créée à la suite du décès de mon mari, qui était atteint d’un cancer. Après sa mort, je me suis dit: chaque vie compte, donc celle des enfants en Afrique aussi."

N’empêche, lors de ces soirées glamour, les cadeaux fourmillent et les logos fusent devant une cohorte de médias assoiffés. Pour le "pur altruisme", il faudra repasser. "Il est indéniable que les entreprises font ce genre de chose très souvent dans un but commercial. C’est sûr que cela a un impact sur les ventes d’un produit, même s’ils disent tous que ce n’est pas le but, affirme Benoît Duguay, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Mais ce n’est pas parce que tu t’associes à des causes sociales que tu vas soudainement te mettre à décupler tes revenus, et ils le savent."

Du coup, cela veut dire que l’on ne devrait pas juger trop vite ce mélange de glamour et de charité. "Il est certain qu’il ne faut pas tout prendre pour du cash, affirme Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM. Mais il ne faut pas non plus se méfier outre mesure de ce genre d’initiative. C’est rarement purement mercantile. La façon dont une entreprise traite ses employés, la manière dont elle décide de distribuer ses profits ainsi que les causes qu’elle soutient, tout ça fait partie de son image."

LE VRAI POUVOIR

Si c’est bon pour les ventes d’une compagnie ainsi que pour son image, ça l’est certainement pour une personnalité publique. Mais Wyclef Jean, lui, s’implique dans le caritatif parce que la générosité, il l’a dans le sang. C’est du moins ce qu’il disait lors d’une courte entrevue qu’il nous a accordée au cours de ce fameux cocktail. "Depuis que je suis gamin que je suis comme ça, j’ai toujours eu envie d’aider les autres. Ce n’est pas parce que je suis célèbre, mais forcément j’en profite. Je crois qu’avoir du succès et ne pas être capable de partager est un non-sens."

On dira ce qu’on voudra, mais les grandes vedettes sont aussi des produits, selon Benoît Duguay. "C’est très bon pour les artistes de s’associer à de grandes causes. Je suis peut-être un peu cynique, mais soyons réalistes: eux aussi doivent se vendre. Par contre, je ne crois pas qu’ils le fassent dans un but purement pécuniaire, il faut faire confiance."

De toute façon, aussi bien s’y faire. De grandes vedettes qui se la jouent humanitaire, c’est trendy et il y en aura de plus en plus. Si bien que Bono et ses semblables deviendront des personnes-clés, au même titre que le gouvernement, croit Jean Leclerc, spécialiste en marketing social. "Tous ceux qui ont une certaine visibilité et surtout une bonne fortune vont jouer un rôle de plus en plus important, dit-il. Il y a des centaines de causes et pour aller chercher de l’argent, on ne peut plus se fier sur les gouvernements, qui sont fort endettés. En fait, j’irais même jusqu’à dire que ces gens-là sont tellement sollicités qu’ils se choisissent une cause pour enfin avoir la paix."

One X One
www.onexonecampaign.com

Yéle Haïti
www.yele.org

Heroes Project
www.heroesprojectindia.org

H2O Africa
www.h2oafrica.org