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SIDIM : Des chinoiseries design

Cette année, l’attraction du Carrefour international du SIDIM sera incontestablement la Chine. Ce sera l’occasion pour nous de découvrir de nouvelles créations, mais surtout une autre façon de concevoir le design.

LA CHINE AU SIDIM

Pour la première fois depuis sa création il y a 20 ans, le SIDIM accueille cette année la Chine dans le cadre de son Carrefour international. Chose inhabituelle, si la France, l’Italie, la Belgique et même l’Afrique sont représentées par des professionnels du design industriel, la délégation chinoise regroupe des architectes et des designers industriels et d’intérieur autant que des directeurs de création, des entrepreneurs, promoteurs et autres gestionnaires d’entreprises. C’est dire que pour les Chinois, la notion de design doit être globale.

"Bien qu’il y ait encore aujourd’hui un cloisonnement des professions du design, à l’inverse de ce qui se produit en Occident, je vois le design comme un système global intégrant architecture, design industriel et design d’intérieur", souligne Yao Jing, porte-parole de la délégation chinoise au SIDIM, qui est aussi rédactrice en chef d’Interior Design China (émanation de l’Interior Design américain et premier magazine du genre en Chine). En outre, à la différence des Européens et des Africains, qui viennent au SIDIM faire la promotion de leurs créations, les Chinois voyagent largement aussi pour apprendre des designers étrangers. "Nous tablons sur une collaboration entre la Chine et l’Ouest. Nos designers ont beaucoup à apprendre des designers occidentaux. Les emmener dans différents salons de design, c’est leur permettre d’ouvrir les yeux sur ce qui se fait ailleurs", confirme Yao Jing.

LA NOTION DE DESIGN

Le design, concept né aux États-Unis dans les années 1930, est une notion assez récente en Chine et encore plutôt floue. Il faut dire qu’elle est intimement liée à des valeurs culturelles locales. Dans les États-Unis d’avant-guerre, le design devient un message d’espoir pour effacer l’ombre de la Grande Dépression et préfigure la société de consommation à venir. Dans l’Italie des années 1950, le design est un projet de société pour reconstruire le pays. Or, en Chine, avec la Révolution culturelle des années 1960, de nombreux aspects de la culture traditionnelle chinoise ont été taxés de "vestiges féodaux" et en grande partie détruits. "Les premières formes de design, qui sont apparues au sein de nos dynasties impériales il y a plusieurs siècles, ont été niées par la Révolution culturelle", rappelle Yao Jing. Il faut attendre l’ouverture du pays dans les années 1980, et surtout les années 1990 (avec le passage de la Chine à une "économie de marché socialiste"), pour que la notion de design prenne une importance et un sens plus marqués.

En quelques années, la Chine est devenue la troisième puissance économique mondiale, avec une croissance spectaculaire. Cette vitalité n’est pas sans poser de problèmes. Déjà, en 1997, l’architecte international Rem Koolhaas s’interrogeait sur les effets pervers d’une urbanisation accélérée en Chine dans son étude sur les villes du delta de la rivière des Perles (l’arrière-pays de Hong Kong). "Des architectes peu nombreux, peu éduqués et sous-payés (…) travaillent très vite pour bâtir de nouveaux types de métropoles qui sont des cités de différences exacerbées", constatait-il.

VERS UN DESIGN CHINOIS

Si le design est encore balbutiant en Chine, la soif d’apprendre des Chinois et les enjeux d’une construction et d’un enrichissement accélérés du pays nous laissent croire qu’on verra progressivement se dessiner plus nettement un design "à la chinoise". Dans les années 1990, le design venu d’Occident a la faveur des nouveaux consommateurs chinois, puisqu’il est associé à des notions de réussite et de richesse. La décennie suivante voit émerger une tendance à fusionner le style occidental à un style qui va chercher son identité dans les valeurs traditionnelles chinoises. Si cette fusion était au début superficielle, comme le note Yao Jing, "de plus en plus, nos designers s’attachent à faire revivre nos traditions du passé, pas simplement dans les apparences, mais en en comprenant les méthodes et les matériaux utilisés". Ainsi, des architectes comme Liu Jia Kun, Wang Shu, Hangzhou, Zhang Bin et Yu Lu s’éloignent d’un certain matérialisme commercial pour s’interroger sur les valeurs traditionnelles, les matériaux ou l’intégration sociale des environnements urbains. Les créations de la designer industrielle Lin Jing sont fortement influencées par les arts, tandis que Zhang Chengzhe propose des aménagements intérieurs exploratoires.

Il ne faudra donc pas essayer de juger ce que l’on verra au SIDIM, ni être trop enclin à faire le lien avec une imitation d’un design occidental des années 1970 ou à chercher des références à une iconographie traditionnelle chinoise. Pour apprécier toute l’importance de la présence de la Chine à Montréal, il faudra voir dans ces présentations une recherche pour l’avenir. Car, comme le souligne Yao Jing, "contrairement à ce que les gens pensent, la Chine n’est pas un chantier de construction, mais un terrain d’exploration qui touche au développement social et urbain des futures générations".

La Chine au SIDIM
Info: www.sidim.com
Ne manquez pas la conférence donnée par les représentants de la délégation chinoise, le vendredi 23 mai de 13 h 30 à 15 h (salle de conférences du SIDIM).