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Stephen Taylor : Densification urbaine illustrée

Stephen Taylor est un architecte qui propose des axes d’intervention pour traiter les enjeux de densification urbaine. L’exposition au CCA des maquettes de certains de ses projets (à côté de celles de son homologue japonais Ryue Nishizawa) est l’occasion de nous interroger sur l’évolution du design urbain à Montréal.

Depuis quelques années, le CCA (Centre canadien d’architecture) a la volonté de se faire plus accessible au grand public, au moins pour ses expositions principales. Des thématiques d’actualité (la relation de l’individu à la ville, la crise énergétique, l’environnement…) sont abordées de façon simple. Sensations urbaines nous invitait à toucher, sentir, écouter et voir la ville. Désolé, plus d’essence nous replaçait dans le contexte de la crise de 1973, avec de nombreux témoignages audiovisuels et des présentations schématiques des énergies alternatives développées alors et toujours d’actualité.

DES MAQUETTES QUI PARLENT DE DENSIFICATION URBAINE

Avec sa nouvelle exposition, Perspectives de vie à Londres et à Tokyo, le CCA nous parle de densification urbaine, nous laissant nous promener virtuellement à l’intérieur d’énormes maquettes d’édifices résidentiels en 1/30e. Il n’est pas besoin d’être spécialiste; il suffit de se souvenir de nos maisons de poupées et autres châteaux de notre enfance pour pénétrer dans ces univers urbains. Ils sont certes pensés selon deux cultures différentes, celle du Japonais Ryue Nishizawa et celle du Britannique Stephen Taylor, mais ils nous permettent de mieux comprendre les enjeux liés à la densification de nos villes et les axes de développement à envisager, y compris pour Montréal.

STEPHEN TAYLOR, UN ARCHITECTE DE LA PROXIMITE

Stephen Taylor a beaucoup travaillé à réhabiliter des édifices d’anciens quartiers industriels et ouvriers de l’Est de Londres, pour offrir un environnement combinant promiscuité et qualité de vie. "L’Angleterre a longtemps établi une relation automatique entre promiscuité et pauvreté", rappelle-t-il. Selon l’architecte, l’individu de nos sociétés contemporaines, fondées sur l’utilisation de l’automobile, se retrouve totalement isolé dans des banlieues qui n’ont pas été conçues pour les contacts humains. En revanche, les vieux quartiers urbains du 19e siècle offrent une configuration idéale. "Il y a des passages entre les résidences, l’étroitesse des rues crée un sentiment de proximité. Ce sont des endroits merveilleux où vivre", s’exclame-t-il.

Le credo de Taylor est donc avant tout de conserver l’échelle des bâtiments sur lesquels il intervient. Mais il en modifie la configuration intérieure, pour faire de logements traditionnellement peu hospitaliers des espaces ouverts et lumineux. Les maquettes de l’exposition permettent de visualiser facilement comment, en découpant l’arrière d’un immeuble, il arrive à mieux faire pénétrer le soleil, ou comment il fusionne plusieurs maisons pour créer des puits de lumière. Pourtant, on devine aussi, derrière la répartition des espaces, des ouvertures et des liens entre eux, une volonté de respecter le besoin de vie privée qui fait partie de notre culture occidentale.

L’ENJEU DE LA DENSIFICATION

Toutes ses maquettes illustrent des solutions possibles aux besoins actuels de densification urbaine. Si Montréal n’a pas encore, comme Londres, de politique incitative pour augmenter la densité urbaine, elle est tout aussi concernée par les enjeux de densification. Le retour vers les centres urbains est devenu une préoccupation majeure des pays industrialisés. On veut réduire l’utilisation de l’automobile pour des raisons environnementales, limiter la dilution des services collectifs pour des raisons économiques, améliorer la qualité de vie de chacun en diminuant les temps de transport et en créant des conditions propices au développement d’une vie communautaire…

Or, les axes de développement pour arriver à densifier l’espace urbain sont multiples. On peut construire des tours ou faire de petits immeubles dans des trames urbaines resserrées. Pour Stephen Taylor, rien n’est mauvais en soi. Tout dépend en fait de l’histoire urbaine du lieu que l’on veut densifier. "Une tour n’est pas intéressante si elle est isolée. Mais en groupe, comme à Manhattan ou au Westmount Square de Montréal, elle devient appropriée", précise-t-il. En fait, l’architecte souligne que les villes devraient procéder par interventions chirurgicales, pour tirer profit de la richesse des trames urbaines existantes. Cela confirmerait que le projet de Griffintown, que la Ville de Montréal a endossé, est une solution qu’il vaudrait mieux ne pas reproduire à l’avenir. Mais Stephen Taylor se veut rassurant en ajoutant que Montréal n’est pas la seule à avoir souffert de ce genre d’aberrations urbaines.

Perspectives de vie à Londres et à Tokyo
imaginées par Stephen Taylor et Ryue Nishizawa
Jusqu’au 26 octobre 2008
Au Centre canadien d’architecture
Info: www.cca.qc.ca