Sur la photo qu’ils ont fait parvenir aux médias, les gars de l’association MÉGARS ("Mâle Élégant Grand Amateur de Reconnaissance Sociale") sont entourés de cinq filles en lingerie fine et aux corps de naïades. Elles sont étendues, épuisées. Les deux hommes, qui ne ressemblent pas à des adonis, sont en train de se rhabiller. Voyez le scénario? Inutile de dire que cela nous a mis la puce à l’oreille. Disons que ce n’est pas le marketing habituel des associations de "size acceptance" dont les sites sont, plus souvent qu’autrement, en beige et bleu.
Les deux MÉGARS qu’on rencontre, c’est François Provost et Daniel Lafond: 6 pieds, 280 livres chacun. Quand ils arrivent au café où nous avons rendez-vous, on les reconnaît au premier coup d’oeil! L’association qu’ils ont fondée se donne pour mission de promouvoir la confiance en soi des hommes qui ont "le privilège d’occuper plus d’espace physique que la moyenne". Et de la confiance en soi, ils en ont à revendre. "Dans la vie, notre stature nous aide à plein de niveaux, dit François Provost. Dans les affaires, ça aide à négocier un contrat. Si on attend en ligne pour entrer dans un bar et qu’on est bien vêtus, le portier nous remarque et il nous laisse entrer. Les filles se sentent en sécurité. Les gens n’hésitent pas à nous demander service." "On a pas mal de chums de notre taille, et ce sont des gars qui réussissent bien dans la vie et qui ont des belles femmes", renchérit Daniel Lafond. Alors, tout baigne pour les gros? Cela dépend pour qui. Daniel Lafond et François Provost connaissent tous deux des hommes qui se promènent "la tête entre les jambes", bourrés de complexes. Et puis, il y a les stéréotypes qui leur collent au dos: "Généralement, les gros sont considérés comme des beaufs qui bouffent mal, dit Daniel. Pourtant, on n’est pas gros juste parce qu’on bouffe au McDo; on est gros aussi parce qu’on mange du foie gras!"
ÉPICURIENS, PAS REVENDICATEURS
Que ce soit clair: les MÉGARS ne revendiquent pas quoi que ce soit, sauf peut-être le droit à un train de vie hédoniste et privilégié. Ils aiment sortir, bien manger, bien s’habiller et plaire aux femmes. À les voir, à leur parler, nul doute qu’ils y réussissent. Et c’est justement pour dire à leurs homologues dodus que ce mode de vie leur est accessible et que la capacité de séduction ne dépend pas de la forme des abdos qu’ils ont fondé leur association. Une association qui est une extension directe de leur agence de marketing, commanditée dès le début par la boutique Maximus. Crédible, leur discours? "C’est certain que c’est toujours une bonne idée de faire la promotion de l’estime de soi, dit Fanny Dagenais, nutritionniste et porte-parole d’ÉquiLibre. Mais il y a des organismes qui en parlent d’une façon plus neutre que d’autres." "C’est une association qui est à notre image: flyée et humoristique", disent les principaux concernés. "Quand on a commencé, on s’est aperçu qu’il y avait plein de gens que ça rejoignait, dit encore François. Tout le monde trouve ça sympathique un gros, mais dans la société, on ne prend pas beaucoup de place. Enfin, façon de parler, rit-il. Au cinéma, un gros va toujours être un peu stupide ou mollasson. Il n’y a pas eu de rôle de tombeur encore."
MACHOS, LES MÉGARS?
Un rôle – de tombeur – qu’ils n’ont pas eu de mal à se donner dans les photos et les courts métrages qui accompagnent le lancement de leur site web. Les femmes qu’ils séduisent, quant à elles, n’ont aucun problème de surplus de poids. "Si on avait mis des filles rondes, t’aurais pas regardé la photo du même oeil, soutient François. Peut-être qu’on aurait été ridiculisés ou que des gens auraient ri de ça." "L’image est très léchée, se défend Daniel, la photo incriminée posée sur la table. On s’est inspirés de pubs de parfums. Cette image-là, on la retrouve constamment dans les revues pour femmes, mais on ne la remarque pas. Là, ça frappe parce qu’on est gros." Leur association en est une pour hommes, après tout. Et ils mettent en scène "un fantasme masculin", disent-ils, même s’ils sont mariés, pères de famille et amoureux de leurs femmes. Des machos, les MÉGARS? Oui, ils l’avouent sans ambages. Mais des machos "romantiques". Qui se battent contre des stéréotypes associés aux hommes ronds, pas ceux envers les femmes rondes. "Si une association de femmes faisait exactement la même chose que nous, en gardant un ton positif, sans revendications féministes… Pourquoi pas?" dit Daniel. L’invitation est lancée.