ODE AUX PIETONS
Avec le printemps, les projets pilotes de piétonisation de rues se sont mis à fleurir à Montréal. En outre, en mai dernier, l’arrondissement du Plateau Mont-Royal présentait à la population un PDU (Plan de déplacement urbain) dans lequel étaient évoqués deux projets pilotes de piétonisation, l’un aux abords du petit parc des Compagnons de Saint-Laurent (en face de La Maison du Rôti) et l’autre près de la station de métro, entre les rues Saint-Denis et Saint-Hubert.
Pourtant, ce genre d’initiative est loin de faire l’unanimité. Les résidents ont peur que la piétonisation (stimulant l’ouverture de terrasses) rende leur rue bruyante jusqu’aux petites heures du matin. Les commerçants, qui voient les places de stationnement disparaître, ont peur de perdre leurs clients. "Les clients qui viennent de l’extérieur du Plateau représentent 40 % du chiffre d’affaires des commerces de l’avenue du Mont-Royal", précise Michel Depatie, directeur général de la Société de développement de l’avenue du Mont-Royal. D’ailleurs, les commerçants de l’avenue ont récemment manifesté contre le manque de places de stationnement et les tarifs des parcomètres trop élevés.
LA NOTION DE RUE PIETONNE
Le concept de piétonisation prête à confusion. Si, dans l’imagerie populaire, on croit donner une rue à l’usage exclusif des piétons, dans le cas de l’avenue du Mont-Royal, il est question d’un partage entre piétons, transport en commun et vélos. Même dans la vision idéaliste du projet de 2002 du comité de citoyens Mont-Royal Avenue Verte, un tramway côtoyait piétons et vélos. Dans les projets pilotes actuels qui devraient voir le jour à l’été 2009, la voie centrale sera réservée aux autobus et aux vélos.
LA PIETONISATION CONTRE LA CULTURE DE LA VOITURE
En Europe, la piétonisation a pris depuis 20 ans une telle ampleur qu’elle a transformé le visage du centre de nombreuses villes. En France, la renaissance du tramway a fait disparaître la voiture de certaines artères, voire de centres-villes entiers (comme à Strasbourg). Ici, on en est encore loin. En fait, comme le fait remarquer Paul Lewis, professeur d’urbanisme à l’Université de Montréal, "si, en Europe, les gens acceptent de marcher, les Nord-Américains tiennent à se garer en face du commerce où ils vont".
Mais il ne s’agit pas de tout changer du jour au lendemain. Il faut d’abord tester la viabilité économique et sociale de tels projets. C’est l’intérêt de projets pilotes comme ceux de l’avenue du Mont-Royal. "Ils permettront d’étudier l’impact de la piétonisation sur les comportements (notamment d’achat), sans pour autant condamner tous les espaces de stationnement ni empêcher totalement la traversée de l’avenue en voiture", conclut Paul Lewis.
Des audiences publiques sur le PDU auront lieu les 9 et 10 juin.