Il y a une centaine d’années, il va sans dire que le 300e anniversaire de Québec avait décidément changé le paysage urbain. Et cela, avec un seul lieu, aujourd’hui incontournable: les plaines d’Abraham. Pour le chroniqueur urbain Réjean Lemoine, la même tendance est observable en 2008. Avec le 400e anniversaire de Québec, la nature reprend sa place dans le paysage urbain, tout particulièrement avec une poignée de projets qui redéfinissent complètement des espaces jadis mis de côté: baie de Beauport, rivière Saint-Charles, promenade Samuel-De Champlain. Pour ne nommer que ceux-là.
"On observe présentement un virage par rapport aux années 1950-1960, vers une ville dans laquelle la nature reprend sa place. On veut remettre en valeur un certain nombre d’endroits dans la capitale avec des projets qui ne vont pas se perdre dans les prochaines années", souligne M. Lemoine, qui préfère d’ailleurs s’intéresser à ces projets qui vont durer et marquer le paysage de Québec, plutôt qu’à d’autres legs, plus éphémères.
Il faut dire que depuis les années 1960, la fonction de cette ville qu’est Québec a bien changé. D’industrielle et manufacturière, elle est devenue touristique, administrative, axée autour de la recherche. De lieu de divertissement, elle commence à être pensée en fonction de ses résidents. Peu à peu, Québec s’adapte. Et des projets comme la revitalisation de la Saint-Charles ont leur impact, selon Réjean Lemoine: "Les gens vont habiter près de ces aménagements parce qu’ils représentent une plus-value." Si beaucoup la décrivaient autrefois comme un "égout à ciel ouvert", la rivière est maintenant un endroit recherché. Aujourd’hui, les pistes cyclables et les trajets d’autobus valent également leur pesant d’or. Ainsi, des projets d’ingénieurs des années 1960, on est maintenant passé aux projets d’écologistes.
Tout cela, selon M. Lemoine, est la résultante d’un travail effectué depuis une vingtaine d’années. "Il s’agissait de se dire qu’une ville n’est pas juste un réseau autoroutier. On a réparé des choses issues de l’époque où la ville était fonctionnaliste. Il y a 20 ans, qui aurait pensé qu’on referait le boulevard Samuel-De Champlain?" souligne-t-il. Même chose du côté de la rivière Saint-Charles, où, en 1990, certains souhaitaient même qu’elle garde son enveloppe de béton. "Les gens de Rivière vivante passaient pour des extrémistes avec leur projet de revitalisation. Aujourd’hui, 15 ans après, on l’a réalisé. Ce qui peut un jour paraître utopiste peut devenir réalité", note Réjean Lemoine.
JOIES ET DÉCEPTIONS
D’ailleurs, cette revitalisation de la rivière Saint-Charles est l’un des deux projets du 400e que le chroniqueur urbain présente comme ses "coups de coeur". Et le deuxième? Il s’agit de l’hôtel-musée qui a été construit du côté de Wendake. Un édifice que Réjean Lemoine qualifie "d’oeuvre architecturale qui va rester dans le paysage", tout cela dans la continuité d’une réhabilitation du secteur aux yeux de la population.
Et lorsqu’on lui demande quelles sont ses déceptions parmi tous les legs du 400e anniversaire de Québec, M. Lemoine pointe les projets chapeautés par la Ville de Québec et la France. Réhabilitation des Nouvelles Casernes. Îlot des Palais ("la farce du 400e", selon lui). Parc de la Francophonie. "On a bien cherché de midi à 14h pour faire quelque chose d’intéressant", estime le chroniqueur. Mais, au final, les cadeaux se sont avérés plutôt mineurs. Le legs de la France au Musée de l’Amérique française? "Ça me semble anodin. Ce n’est pas quelque chose qui ajoute beaucoup à la ville", de dire M. Lemoine.
Quant à cette tendance vers un urbanisme renouvelé, où la nature prend sa place, il reste à voir si elle se poursuivra au-delà du 400e. Beaucoup reste encore à faire, selon le chroniqueur. "Et il faut sûrement aussi repenser les modes de déplacement. Dans le contexte actuel, c’est clair qu’il y a un virage à faire dans la région de Québec, fait valoir Réjean Lemoine. La mobilité sera la prochaine étape. Face à tout cela, sera-t-on les premiers à innover, ou les derniers?"