Vie

Divers/Cité : Montréal, capitale des drags

Le festival Divers/Cité commence bientôt, et avec lui la grande nuit des drags. Celle où elles règnent sans partage sur un public de 25 000 fidèles. Depuis quand les drags sont-elles devenues un spectacle pour toute la famille? On a épinglé deux papillons de nuit pour en parler.

Il est 14 h, mais Dream et Miss Butterfly sont encore mal réveillées. Les nuits chez Mado ne finissent pas tôt. Vers cinq ou six heures du matin, d’habitude. N’empêche, leur visage brille déjà de mille ombres à paupières. Pour le reste, elles sont en short et t-shirt… de gars. Être drag-queen, "c’est un rôle", dit Dream. Et elles réservent leurs costumes pour le rôle. "On ne fait pas ça parce qu’on veut être des femmes", dit Miss Butterfly (qui tient à son Miss, parce qu’elle n’est pas encore mariée). "C’est le seul métier qui regroupe les trois choses que j’aime le plus dans la vie, ajoute Dream: la scène, danser et boire."

FINI, L’UNDERGROUND

Les drags ont changé. Elles se considèrent comme des artistes. Et elles le sont. Elles font même partie de l’Union des Artistes. À Montréal, elles sont une dizaine à gagner leur vie avec ce métier. Mascara, la nuit des drags est un énorme happening en plein air et une cerise sur le sundae du festival Divers/Cité. Avec ses 25 ou 30 000 spectateurs chaque année, l’événement est devenu un incontournable. C’est dire que les drags ont fait du chemin, depuis leurs débuts trash et underground. C’est dire aussi si elles ont fait leur place dans la communauté gaie. "On est très choyées à Montréal, dit Dream. Un cabaret de drags, c’est unique en Amérique du Nord. À New York et San Francisco, les drags font encore leurs spectacles dans des clubs et des bars trous." Ici aussi, elles ont d’abord commencé par se produire dans des bars comme Le Lézard – un repaire de punks hétéros qui occupait les lieux de l’actuel Swimming. À l’époque, dans les années 70 et 80, il n’y avait pas de place pour elles dans le Village. Aujourd’hui, c’est tout le contraire: "C’est la drag qui fait la communauté gaie, croit Miss Butterfly. Mado, c’est comme la première ministre du Village."

L’HÉRITAGE DE MADO

Aujourd’hui, les drags font la tournée des régions, animent des partys de bureau, apparaissent à des mariages. "Mado a beaucoup fait pour qu’on soit plus acceptées, dit Dream. Le fait qu’elle se soit montrée à la télé, ça fait que la petite madame de Rimouski sait ce qu’est une drag-queen maintenant." "Les médias ne nous voient plus seulement comme ceux qui se montrent les fesses à l’air dans la parade, ils voient aussi le côté artistique de la chose", ajoute Miss Butterfly. Est-ce que le mouvement a perdu de sa pertinence en même temps que de son côté trashy? Aux États-Unis, par exemple, les drags font parfois encore des performances dérangeantes. Ici, elles chantent, dansent, font des imitations et de l’humour (grivois). "On est des clowns pour adultes", résume Miss Butterfly. Tant mieux si le public est amusé plutôt que choqué!" Et puis, elles restent connues pour avoir le coude léger sur scène. "On est une petite communauté d’alcooliques, dit Dream. Si t’ouvres mes veines, tu trouves une SAQ."

LA RELÈVE

La communauté en question est tissée serrée. Quand elles disent "on est une grande famille", ce n’est pas qu’un cliché: c’est à prendre au sens littéral. Dream, par exemple, est la "fille" de Mado, qui l’a prise sous son aile. Miss Butterfly est celle de Madame Simone. Elles ont aussi quantité de cousines, de soeurs, et même des filles à elles. "J’ai engendré un monstre, explique Dream, en parlant de sa descendance. C’est une alcoolique finie." "Nos filles nous ressemblent beaucoup, ajoute Miss Butterfly, qui a la réputation d’être une vraie mante religieuse. La mienne est très guidoune, très femme." "C’est une guédaille, dit Dream de la progéniture de Butterfly. La mienne aimerait ben ça aussi, mais qu’est-ce que tu veux, elle n’est pas belle. Comme sa mère!" Mis à part la chair de leur chair, on ne les sent pas entièrement séduites par la relève. "Elles veulent toutes ressembler à des femmes et être des Pussycat Dolls", dit Miss B. Elles croient que cette nouvelle génération n’a pas encore eu le temps de se construire un personnage de scène. "Elles veulent toutes être au top, sans passer par les échelons qu’on a passés. Il faut investir dans les maquillages et les costumes, aussi!" s’exclame Miss Butterfly, qui a toujours dit que l’argent amenait l’argent. "Regarde-la, une vraie Libanaise", fait Dream.

Divers/Cité
Du 29 juillet au 3 août

Mascara, la nuit des drags
Le 2 août
À la scène Berri/Ontario

Info: www.diverscite.org