Alors que se multiplient les appareils électroniques portables (cellulaires, ordinateurs de poche, etc.), une quantité grandissante d’applications multiplateformes sont offertes et génèrent, selon une étude menée par la firme Juniper, des revenus qui dépasseront les 10 milliards de dollars d’ici 2009, alors que le nombre d’utilisateurs atteindra les 460 millions. S’agit-il là de l’avenir du divertissement? Trois "professionnels" du milieu nous ouvrent leur jeu.
KARAOKE A EMPORTER
Un des premiers Québécois à avoir su faire sa place dans le domaine est Alexandre Taillefer qui, au cours des 15 dernières années, a notamment fondé l’entreprise Hexacto, qu’il a par la suite vendue au géant Electronic Arts et qui est devenue EA Mobile. Aujourd’hui, avec le Groupe Digital Stingray, Taillefer est propriétaire du plus gros catalogue de karaoké au monde et en multiplie les applications pour les ordinateurs, les téléviseurs avec récepteur (set-top box) et les appareils mobiles.
"Notre philosophie de développement, explique Taillefer, c’est l’exploitation d’applications et de contenu sur une multitude de plateformes en même temps. Le développement applicatif est un élément que les fournisseurs de contenu traditionnels ont parfois du mal à concevoir. Il y a un avantage pour les gens qui sont en mesure de marier la technologie et le contenu, et c’est ce qu’on s’affaire à réaliser."
Il s’agit donc, pour les compagnies comme Stingray, d’adapter leur offre à la multitude de plateformes offertes, un travail de longue haleine. Taillefer explique: "Avec mon ancienne entreprise, Hexacto, on pouvait développer un jeu sur près de 500 téléphones, et faire migrer un jeu sur chaque téléphone pouvait représenter des semaines de travail. Mais il fallait aussi s’assurer que le jeu allait être fonctionnel sur les différents modèles."
Bien que Taillefer croie en l’avenir de ces nouvelles plateformes, il estime qu’elles ne sont pas encore arrivées à maturité. "Il manque deux éléments importants pour que le téléphone devienne le médium de divertissement dont on vante tant les mérites. Premièrement, la bande passante, car la rapidité et la fiabilité des réseaux ne sont pas encore là. Le deuxième aspect qui est déficient, c’est le lien entre le téléphone et les écrans [ndlr: la possibilité de connecter un cellulaire à une télévision pour y transmettre le contenu, par exemple]. Ça va probablement prendre une dizaine d’années avant que ce soit parfaitement efficace."
LOFT STORY
La compagnie Gameloft, numéro un mondial du jeu mobile, est basée en France, mais possède une filiale à Montréal depuis 1999. "Ici à Montréal, explique le directeur général Mario Poulin, c’est vraiment un gros studio. On a autant des programmeurs que des artistes, des concepteurs son, des traducteurs… Il y a une grande variété de postes offerts."
Malgré les contraintes posées par la capacité de mémoire et la taille d’écran réduite des appareils portables, les jeux qu’on y retrouve sont de plus en plus à la fine pointe de la technologie. Gameloft fait d’ailleurs affaire avec des compagnies telles qu’Ubisoft afin d’obtenir la licence et les codes sources de leurs titres, pour ensuite en produire de populaires adaptations à coût abordable. "On parle de cinq dollars en moyenne par jeu, c’est donc très accessible. Acheter une console, c’est quand même dispendieux, tandis que si tu as un téléphone cellulaire, tu peux avoir accès à des jeux vidéo à des prix beaucoup plus intéressants."
POKER EN PYJAMA
La championne de poker Isabelle Mercier, auteure du livre Profession: bluffeuse, est associée depuis 2004 à PokerStars, un casino virtuel qui permet de jouer avec des usagers de partout dans le monde, du moment qu’on a un appareil connecté à Internet à portée de la main. "Avec PokerStars, je peux jouer en pyjama, pas maquillée, les cheveux en chou-fleur, dans mon lit, ce qui en live n’est pas possible!"
L’intérêt de Mercier pour le poker en ligne ne date pas d’hier: "Avant de devenir professionnelle, j’ai passé à peu près un an à jouer sur PokerStars, et l’expérience que j’y ai prise en un an équivaut presque à trois ans d’expérience parce qu’on voit environ trois fois plus de mains sur Internet qu’en vrai. On retrouve moins l’aspect psychologique parce qu’on ne voit pas les joueurs, mais ça demeure un excellent terrain de pratique."
Aujourd’hui encore, Mercier continue de jouer en ligne sur PokerStars: "J’y joue tous les jours ou presque, sous le nom de No Mercy." On devine que les amateurs qui se retrouvent à jouer virtuellement contre la championne doivent être quelque peu intimidés. "Mais c’est bien aussi, parce qu’au poker, on s’améliore en jouant avec des gens meilleurs que soi."