Lorsque Bombardier a annoncé en juillet le lancement de son programme de fabrication des CSeries, l’École Polytechnique de Montréal avait déjà commencé à monter sa nouvelle formation en génie aérospatial, destinée à pourvoir aux besoins futurs de l’industrie. D’une durée de quatre ans, le baccalauréat mènera au titre d’ingénieur aérospatial ses étudiants, dont la première promotion sortira en 2012. Une gageure alors que le seul programme de Bombardier nécessitera l’embauche de 3500 employés spécialisés.
Dans sa présentation, l’École se targue de vouloir former des ingénieurs "aptes à gérer divers projets dans le secteur de l’aérospatiale et en mesure de jouer un rôle-clé dans toutes les phases d’innovation, de conception, de développement, d’essai, de production et de tenue en service de nouveaux aéronefs plus respectueux de l’environnement".
L’intégration d’un volet environnemental au cursus "n’est pas une nouveauté", précise Chantal Cantin, directrice des communications. "L’École intègre depuis plusieurs années à ses formations la question de la protection de l’environnement." Cette fois, elle répond à une demande spécifique de l’avionneur et du fabricant de moteurs Pratt & Whitney, puisque ce dernier a fait connaître son intention de développer à l’avenir des moteurs "plus verts".
Encore au stade de l’élaboration, le nouveau programme proposera donc à ses étudiants un volet "avion vert" au cours de leur 2e et 3e année de cours. "Nous en sommes encore au stade embryonnaire en ce qui concerne la structure des cours", précise Chantal Cantin. La recherche autour de processus et de carburants moins énergivores, elle, est une réalité depuis plusieurs années au sein de l’École, qui propose notamment, dans le cadre de sa formation en génie chimique, une orientation en énergie-environnement, de plus en plus populaire auprès des étudiants. Aujourd’hui, 30 % d’entre eux choisissent cette spécialisation.
"Les biocarburants n’ont pas constitué jusqu’ici une priorité au Canada, dans la mesure où nous disposons d’une ressource d’importance avec les sables bitumineux", explique Philippe Tanguy, professeur au département de génie chimique. "Par ailleurs, il n’est pas évident de trouver des carburants qui font consommer moins. Il reste encore beaucoup de travail à faire en termes de recherche, et pour améliorer le rendement des moteurs. Chose certaine, ce secteur va constituer un débouché très intéressant pour les futurs ingénieurs."
Si on se préoccupe aujourd’hui de former la main-d’oeuvre future dans le domaine de l’aéronautique, le personnel pourrait par contre manquer, advenant une industrialisation à grande échelle de la voiture électrique. Gilles Allard, vice-président aux opérations de Zenn Motors, l’entreprise torontoise qui fabrique la voiture Zenn, assemblée à Saint-Jérome, ne met pas en cause la qualification des techniciens formés au Québec, mais il souligne la difficulté à trouver des candidats: "Nous n’avons pas de mal à trouver des employés pour ce qui est de l’assemblage, mais nous constatons, par contre, que ceux qui ont les connaissances suffisantes en mode électrique se dirigent plutôt vers l’aérospatiale."
À Polytechnique, les formations en génie électrique et en génie mécanique tiennent pourtant compte, depuis le début des années 2000, de l’évolution du type d’énergie utilisé par les véhicules. "Cinq de nos DESS tiennent compte de cette réalité", précise Oumarou Savadogo, professeur au département de génie chimique, spécialisé en électrochimique. Il tempère la question du manque de main-d’oeuvre: "L’industrie n’est pas encore prête pour la voiture électrique à grande échelle. Tant que les batteries n’offriront pas une autonomie suffisante, ces modèles n’atteindront pas le grand public. La main-d’oeuvre va être prête, mais le problème, ce sont les débouchés."
Le domaine constitue néanmoins un axe de recherche multidisciplinaire à Polytechnique. "Les batteries électriques, nous savons faire, dit Philippe Tanguy. Par contre, pour ce qui est des piles à combustible, nous avons encore beaucoup de boulot devant nous." On anticipe en travaillant sur les piles solaires. "Les piles solaires représentent une voie importante dans le domaine des véhicules électriques, dit Oumarou Savadogo. C’est un secteur de recherche et de formation qu’il est nécessaire de développer."