En fait, si. 6500 $ pour un de ces grands cahiers illustrés sur papier glacé que les entreprises achètent aux "bureaux de style". Il y a là des dessins, des mots, des expressions, des couleurs, des échantillons de tissus. Tout ce qu’il faut pour que leurs clients sachent ce qui sera in dans deux ans et qu’ils commencent à le produire. "Ce n’est pas un magazine, précise Line Tousignant, qui distribue les publications du bureau Peclers à Montréal et qui agit à titre de consultante. Un magazine, c’est un compte rendu de ce qui est déjà existant, alors que nous, on fait de la recherche en profondeur sur tout ce qui influence le consommateur. Cela implique des voyages à travers le monde, des rencontres avec des sociologues, des architectes, des manufacturiers de textiles… Et tout cela se traduit par des ambiances, des matières et des couleurs." Peclers, qui est l’un des plus grands bureaux de tendances parisiens, compte des clients partout autour du globe. Line Tousignant travaille pour l’agence parisienne depuis sept ans. Cela s’est fait par hasard: elle était consultante en marketing quand l’un de ses amis l’a approchée pour lui dire qu’un agent de Peclers cherchait un représentant à Montréal. Aujourd’hui, elle fait deux voyages par année à Paris, où elle est briefée sur ce qu’on va porter dans deux ans. La belle vie? Sans doute. Mais attendez qu’on vous raconte celle du chasseur de tendances.
LA VIE REVEE
Le chasseur de tendances est une espèce inexistante au Canada (on n’est pas exactement un incubateur de nouvelles tendances ici) et rare partout ailleurs. C’est un animal nomade, qui fait des allers-retours incessants entre le Japon, New York, Londres et Paris. Un spécimen hyper-curieux, observateur et affamé de nouveautés, qui rapporte un scrapbook touffu de chacun de ses voyages. C’est un livre bourré d’observations, de photos, de pages de magazines, d’échantillons de tissus. L’embryon d’une analyse de ce que les gens portent, aiment, ressentent. "Quand Dominique Peclers venait à Montréal avant de prendre sa retraite, il ne fallait pas qu’elle ait cinq minutes de libres, raconte Line Tousignant à propos de la fondatrice du bureau. Elle voulait voir tous les endroits branchés, faire toutes les boutiques. Et partout, elle prenait des notes sur le design des endroits où on allait, sur ce que les gens portaient, comment ils se maquillaient, les coupes de cheveux qu’ils avaient…" Aujourd’hui, les clients canadiens achètent le fruit de la recherche de ces équipes parisiennes parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’avoir une équipe de recherche à l’interne. Et puis, les tendances sont devenues globales: "Si la compagnie d’ici est distribuée au niveau international, elle ne peut pas se permettre de ne pas suivre", affirme Line Tousignant. Et vous, avez-vous l’âme d’un chasseur de tendances?