Vie

Journée sans voiture : Sans voiture, mais discrètement…

Pour une sixième année consécutive, l’AMT (Agence métropolitaine de transport) propose une journée sans voiture. Mais, est-ce vraiment sans voiture…?

UNE VILLE SANS VOITURE…

Si certains en rêvent alors que d’autres ne veulent pas en entendre parler, il est certain que l’idée d’interdire les centres urbains aux automobiles a fait son chemin depuis plusieurs années. En France, Strasbourg a sauté le pas en réservant son centre aux piétons, aux cyclistes et au… tramway. Chaque année, plusieurs villes de l’Hexagone organisent une journée sans voiture. C’est d’ailleurs La Rochelle (juste après Reykjavík, la capitale de l’Islande) qui fut la première sur le continent européen à lancer, en 1997, ce genre de manifestation, qui prenait, l’année suivante, une dimension internationale. L’idée est de sensibiliser les populations urbaines aux vertus des transports alternatifs, pour des raisons de santé et de respect de l’environnement.

Aussi Montréal s’est-elle mise au goût du jour en 2003, célébrant depuis sa propre journée "En ville sans ma voiture!", une initiative de l’AMT. Pour la sixième édition de l’événement, le centre-ville de Montréal sera de nouveau fermé à la circulation automobile pendant quelques heures, entre 9 h 30 et 15 h 30 (un peu plus longtemps pour le quadrilatère de la Place des Arts). Cette année, les organisateurs rendront hommage, lors d’un petit-déjeuner, à un certain nombre d’entreprises qui font la promotion des transports collectifs et actifs. Si le grand public ne peut pas y assister, en revanche, une série d’activités lui sont réservées, des spectacles aux jeux éducatifs, en passant par différentes animations de rue.

UNE VIE SANS VOITURE…

Il est aujourd’hui communément reconnu que la dépendance à l’automobile constitue une nuisance sociale et environnementale. Or, 70 % des Montréalais prennent la voiture pour aller travailler, alors qu’ils ne sont que 30 % à Stockholm et qu’un tiers des travailleurs d’Amsterdam se rendent en ville à vélo. Et ça ne s’améliore pas! Selon une étude de l’AMT, la part modale du transport en commun par rapport aux déplacements motorisés n’a cessé de décroître depuis les années 1950 (elle n’était que de 17 % en 1998, contre 37 % au début des années 1980). Même si la fréquentation augmente de nouveau depuis 1998, cela reste insuffisant, d’autant que, d’ici 10 ans, ce sont 2 millions de déplacements par jour qui s’ajouteront aux 8 millions actuels…

La journée "En ville sans ma voiture!" serait ainsi une façon concrète de montrer à la population ce que pourrait être un Montréal de demain plus sain. Le responsable des transports à la Ville de Montréal, André Lavallée, n’annonçait-il pas, en évoquant prophétiquement la réalisation du plan de transport que la Ville a adopté en juin dernier, que cet événement serait "un avant-goût de ce qui attend les citoyennes et citoyens de Montréal"? Pourtant, il est de notoriété publique que le poids de l’automobile dans la mobilité des Montréalais n’est pas tant le fait d’un manque d’information ou d’une mauvaise volonté que celui des lacunes des infrastructures des transports alternatifs. On ne le répète que trop ces derniers temps: les transports collectifs sont saturés (même à Laval, où le succès du métro a dépassé tous les pronostics), les autobus sont trop lents (et en retard)… Même la Ville de Montréal l’a reconnu, elle qui s’est lancée dans un plan de transport si ambitieux. Alors, quel est le sens de cette journée "En ville sans ma voiture!" et sans transport public? La marche à pied?

UN GESTE SYMBOLIQUE

"Cette journée reste un geste symbolique qui n’aura aucune influence sur la mobilité des personnes tant qu’elle ne sera pas accompagnée d’actions concrètes pour améliorer le réseau de transport", souligne Paul Lewis, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal. Or, on sait que la Métropole a prévu de nombreuses actions (21 exactement) pour les 10 prochaines années. L’association Transport 2000 Québec a même précisé que la réalisation de sept d’entre elles permettrait d’améliorer considérablement la situation du transport collectif à Montréal. Le problème est de savoir si ces actions vont pouvoir être réalisées et, surtout, quand. Car, comme toujours, c’est leur financement qui soulève aujourd’hui le plus d’incertitudes.

Alors, si cette journée "sans voiture" ne doit être qu’un symbole, encore faudrait-il que celui-ci soit fort. Or, en fait de journée, il s’agit d’un périmètre d’interdiction restreint et de quelques heures en dehors de la période de pointe. Normand Parisien, directeur de Transport 2000 Québec, avance comme explication que "le réseau ne serait pas capable d’accueillir plus d’usagers aux heures de pointe". Pourtant, Paul Lewis rappelle qu’après l’effondrement du pont de la Concorde, "les sociétés de transport se sont adaptées en quelques heures pour assurer un service supplémentaire". Le professeur de l’Université de Montréal pense plutôt "qu’une vraie journée sans voiture serait intolérable". Serait-ce alors par peur de susciter une trop vive opposition de la part des 70 % d’automobilistes que le symbole reste si faible?

www.amt.qc.ca/comm/enville/index.asp