Vie

Centre de design de l’UQAM : Architecture et illusions

Les modernistes rêvaient d’une architecture universelle. Les architectes contemporains ne jurent que par l’intégration à l’environnement. Tous, à leur manière, ont imaginé des espaces habitables où l’on puisse s’épanouir. La nouvelle exposition du Centre de design de l’UQAM nous invite à une réflexion sur ce thème intemporel.

POUR LE PLAISIR DE JOUER

Avec Exister contre les faits, le Centre de design de l’UQAM s’écarte du mode narratif et didactique auquel il nous avait habitués. Il ne s’agit plus de se contenter de rendre hommage à une école, un mouvement ou une personnalité du design à travers leur histoire, mais plutôt d’inviter le visiteur à pénétrer à l’intérieur d’un univers imaginaire dans lequel il va pouvoir remettre en question un certain nombre d’idées reçues.

"Exister contre les faits", c’est un peu s’interroger sur la capacité de l’homme à comprendre son espace et sur sa volonté de concevoir une architecture idéale. Est-ce de l’arrogance ou une simple illusion? De l’architecture, entre réalité et fiction, du photographe Filip Dujardin aux architectures utopiques mises en scène par Arni Haraldsson et Céline Poisson, l’exposition nous entraîne dans un jeu de piste pour déconstruire une certaine vision de l’architecture.

Grâce à sa première exposition depuis qu’elle a repris, en juin dernier, la direction du Centre de design de l’UQAM, Angela Grauerholz dévoile sa volonté de faire du Centre un laboratoire à la fois théorique et ludique. "Je voudrais créer un espace de réflexion où l’on va pouvoir jouer avec des idées", confie-t-elle. Mais, avant de pouvoir jouer, il vaut mieux, à défaut de règles, avoir quelques indices pour savoir comment s’y prendre…

ENTRE FICTION ET RÉALITÉ

Le premier volet de l’exposition présente le travail de Filip Dujardin, qui montre qu’en matière d’architecture, la frontière entre fiction et réalité est parfois ténue. Ainsi, sa série de photographies, Fictions, donne vie à des constructions abracadabrantes qui sont pourtant d’une troublante réalité. S’il s’agit en fait de photomontages réalisés avec Photoshop, les matériaux, les textures, voire les structures font croire à des bâtiments existants.

Par opposition, les masures que le photographe a saisies en pleine campagne flamande ne semblent pas réelles. On imagine mal de telles constructions approximatives et branlantes dans un pays occidental. Et pourtant, elles existent bien… Est-ce à dire que l’image photographique peut inventer une réalité de toutes pièces, ou est-ce nous qui voulons faire d’une architecture idéale une vérité absolue?

L’ARCHITECTURE DE LE CORBUSIER EN QUESTION

Le deuxième volet de l’exposition nous entraîne en France, au couvent de La Tourette réalisé par Le Corbusier dans les années 1960. Plutôt que de prendre l’édifice dans son ensemble, le photographe canadien Arni Haraldsson s’est attaché à le décortiquer pour, comme il dit, "permettre au béton d’être béton, au verre d’être verre, à la saleté d’être saleté…".

Par ce nouveau regard, le visiteur assiste à une déconstruction de l’architecture utopique de l’architecte français. Outre l’usure des matériaux, c’est le rapport difficile à l’espace que l’on devine ici, où les cellules des moines imitent des geôles et où la vie apparaît comme une illusion dans un univers architectural figé. Même les couleurs de Le Corbusier apparaissent ici illusoires (ou dérisoires). En les photographiant (sachant que la photographie ne peut pas reproduire la couleur avec précision), Arni Haraldsson fait un pied de nez à l’importance que l’architecte français attachait à l’exactitude (utopique) de ses teintes.

DU RÊVE D’UNE ARCHITECTURE IDÉALE

Pour finir ce parcours original, Céline Poisson, professeure à l’École de design de l’UQAM, s’est amusée à donner vie, sous forme de maquettes (réalisées par Christine Terreault), à la maison idéale imaginée par le protagoniste d’un roman de Thomas Bernhard, Corrections. À l’instar de Ludwig Wittgenstein (Céline Poisson a organisé une exposition et un colloque sur la maison construite par le philosophe), le personnage créé par Bernhard conçoit pour sa soeur une maison qu’il veut parfaite et qui prend la forme absurde d’un cône de 40 mètres de haut.

À partir des descriptions du roman, Céline Poisson a fait construire sept maquettes présentant chacune une représentation de cet espace utopique. Par l’étrangeté de ces réalisations, l’exposition nous invite à remettre en perspective le besoin qu’a l’homme de créer un espace dans lequel il va se trouver en communion avec son environnement. En est-il même capable?

Jusqu’au 12 octobre
Au Centre de design de l’UQAM
1440, rue Sanguinet à Montréal
www.centrededesign.uqam.ca