C’est lors du Sommet de la francophonie, qui se déroulera à Québec du 17 au 19 octobre, que les gouvernements français et québécois devraient signer une entente globale portant sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. L’accord, fruit de près d’une année de concertation entre les différents ordres professionnels, le Secrétariat d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie français et le ministère des Relations internationales québécois, a pour objectif de faciliter la circulation des personnes qualifiées entre les deux territoires. Il vise à pallier le manque de main-d’oeuvre dont souffrent certains secteurs professionnels.
L’accord global sera suivi, au courant de l’année suivante, de la signature d’ententes spécifiques entre les organisations professionnelles de chacun des secteurs concernés. Ces arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM) s’appliqueront à l’ensemble des détenteurs d’un permis de pratique, qu’ils soient Français ou Québécois. Les secteurs visés sont l’ensemble des professions de la santé, les architectes, les experts-comptables, les journalistes ou encore les avocats. Certaines de ces professions sont non réglementées en France et réglementées au Québec, et inversement. On a donc demandé aux organisations professionnelles d’examiner leurs pratiques et les formations qui s’y rattachent afin de définir les conditions en vertu desquelles un employé sera habilité à travailler sur les deux territoires.
"Le changement majeur qu’apportent ces ententes, c’est le fait que ces conditions seront les mêmes pour tous, alors qu’avant on réglait les dossiers au cas par cas, ce qui pouvait prendre jusqu’à quatre ans", explique une haute fonctionnaire du ministère des Relations internationales qui travaille de près aux négociations. "Chaque entente agira donc comme une loi cadre pour l’ensemble de la profession, ce qui permettra aux travailleurs de savoir, avant d’entamer les démarches en vue d’un départ, s’ils sont, ou non, habilités à travailler au Québec ou en France." Selon elle, les ordres professionnels québécois ont bien reçu la proposition du gouvernement et participent activement aux discussions, en vue d’un règlement rapide.
De retour, à la fin de l’été, d’une rencontre avec ses homologues du Conseil supérieur des experts-comptables et de la Compagnie des commissaires aux comptes français, la présidente du conseil d’administration de l’Ordre des CGA du Québec, Mme Danielle Hébert, a qualifié l’entente d’"indication concrète de la volonté du gouvernement de s’adapter aux nouvelles exigences du marché mondial". Certaines autres organisations n’ont pas attendu l’impulsion du gouvernement pour agir dans ce sens. L’Ordre des ingénieurs du Québec et la Commission des titres d’ingénieurs de France ont ainsi conclu, dès 1999, une entente de reconnaissance réciproque. "Un modèle de démarche pour les autres professions", selon l’association Francogénie, dont le mandat est de faciliter l’intégration des ingénieurs diplômés de France au marché du travail québécois.
Côté français, on ne cache pas l’importance que revêt la question. Pour François Alabrune, consul général de France au Québec, le problème de la reconnaissance des qualifications est la principale préoccupation de la communauté française résidant au Québec. "Ça fait quatre ans que je suis en fonction, et depuis quatre ans, j’en entends parler. Cette entente, menée à l’initiative du premier ministre du Québec, constitue certainement l’une des évolutions les plus attendues par la communauté."
Le but poursuivi par ces ententes est néanmoins l’accès au travail de façon temporaire, et non l’immigration. "Nous souhaitons répondre aux besoins ponctuels des entreprises, précise notre contact au ministère des Relations internationales. Nous sommes actuellement, par exemple, en train d’examiner les métiers du gaz, en vue, éventuellement, d’une coopération entre Gaz de France et Gaz Métro sur certains chantiers." La signature des ententes ne réglera donc pas le problème d’obtention d’un visa à long terme pour les Québécois désirant s’installer en France. "La main-d’oeuvre québécoise francophone représente un intérêt pour la France, mais il est bien certain que nous parlons de deux phénomènes très différents par leur ampleur, précise François Alabrune. Il n’existe pas de réciprocité à la politique d’attraction que le Québec exerce sur les Français."