Vie

Denis Gagnon et Andy Thê-Anh : Le retour des prodiges

La Semaine de mode de Montréal (SMM), qui a fait converger tout le glam de la Métropole vers le Marché Bonsecours, du 14 au 16 octobre derniers, a aussi rappelé au bercail les créateurs Denis Gagnon et Andy Thê-Anh, pour un tour du podium triomphal. Entrevues en coulisse.

Le flirt torontois d’Andy Thê-Anh, absent de la SMM depuis plusieurs saisons, faisait chuchoter. Parce que la marque du designer est bien établie, que ses collections circulent désormais dans quelque dix pays, sa touche glamour a certainement été accueillie comme étant "le retour" du designer sur les passerelles montréalaises cet automne.

L’histoire de Denis Gagnon est tout autre. Son retour, il l’a annoncé en octobre 2007, en présentant un événement qu’on n’aurait pu mieux nommer: Denis’s back. C’est qu’en janvier de la même année, sa boutique-atelier du boulevard Saint-Laurent fermait ses portes. Le microcosme de la fashion québécoise était en deuil. Or, Gagnon n’était pas mort. Les commandes ont continué, le partenariat avec Holt Renfrew a fleuri et les collaborations se sont multipliées. Mais le manque de financement chronique continue encore aujourd’hui à complexifier la tâche de celui que plusieurs décrivent comme l’un des plus grands talents de l’industrie. Cet acte de présence à la SMM, après que ces créations automne-hiver 2008 furent présentées à Toronto au printemps dernier, a provoqué des soupirs, à la fois de soulagement et de bonheur: Denis really is back.

GLAMOUR, TOUJOURS

Encore une fois avec sa collection printemps, Andy dit oui. Il dit oui au romantisme, aux pailletés subtils, aux voilures de soie et aux tailles corsetées. Il dit oui aux vestes cintrées, aux jupes sirènes, à la sensualité à fleur de peau. Si bien que l’on imagine ses patrons comme autant de bannières éloquentes militant pour un retour de l’élégance hollywoodienne des années 40 et 50.

Voir: Comment comparez-vous votre expérience torontoise à votre expérience montréalaise?

Andy Thê-Anh: Je suis allé à Toronto par affaires. Et cela a porté fruit puisqu’une boutique Andy Thê-Anh vient d’y ouvrir. Cet automne, je présente ma collection printemps-été 2009 à Montréal. Et je ne peux pas vous dire ce qu’il sera avisé de faire pour la prochaine collection. Vous savez, un défilé coûte entre 10 000 $ et 15 000 $ à produire. Et si l’an prochain, je décide d’aller à New York, je vais devoir essuyer d’autres critiques. Mais que voulez-vous, on doit choisir ses combats.

Voir: On dit souvent que le Québec a peur du luxe, qu’il a peur du glamour. Comment expliquez-vous le succès de vos créations?

A.T.-A.: Je ne sais pas. Il est vrai que la culture est très différente ici. Au Québec, on associe le glam à la frivolité. Les actrices, par exemple, se défendent bien d’être des mannequins, elles ont peur d’avoir l’air superficielles lors des galas. En disant cela, je pense à Charlotte Rampling à la dernière cérémonie des César, à son élégance… Mais enfin, je pense que les femmes, d’où qu’elles viennent, finissent toujours par céder à la tentation, parce que tout le monde veut rêver.

ROCK ON

Comme autant de Massaïs aux jambes de gazelle, les mannequins, cheveux tressés, juchées sur de vertigineuses plateformes, ont tantôt coupé le souffle des badauds, leur ont tantôt tiré des applaudissements spontanés. C’est qu’elles étaient vêtues de robes-pulls en jersey coulant noir, rouge ou rose fluo d’où se détachaient des torsades de tissu et des tresses complexes. D’autres encore marchaient avec désinvolture dans ces pièces de cuir bouffantes, moulantes, moulées. Le tout agrémenté de sacs à main signés Denis Gagnon pour Fullum & Holt ainsi que d’accessoires ton sur ton, fantasques au possible, signés Mireille Boucher pour Harakiri. Un délectable délire.

Voir: La robe-pull est l’une de vos pièces maîtresses depuis longtemps, mais cette fois, il semble que le tissu abonde plus qu’à l’habitude. D’où vous vient cette inspiration?

Denis Gagnon: J’habille l’architecte Phyllis Lambert pour la remise de prix de sa fondation depuis deux ans. C’est elle qui m’a demandé une robe-jeu. En faisant de la recherche pour sa tenue et en regardant du côté de designers comme Watanabe, par exemple, il m’est venu l’inspiration de cette collection.

Voir: Plusieurs leaders d’opinion dans le domaine affirment justement que ce que vous faites est de trempe internationale. Quel avenir pour vous, à Montréal?

Denis Gagnon: Je pense qu’il est possible de créer tout en étant très conscient du marché. Pour le moment, je dessine pour des clients nord-américains. Je sais, par exemple, que je ne peux pas faire du Martin Margiela. Et je pense tendre de plus en plus vers une mode plus accessible, plus commerciale, tout en conservant ma signature.